Quelle place pour le portefeuille 60/40 ?

Le traditionnel portefeuille composé de 60 % d’actions et de 40 % d’obligations a longtemps été la référence dans la gestion de placements des caisses de retraite. Même s’il a perdu de son lustre avec la montée en puissance des catégories d’actifs non traditionnels, sa résilience ne cesse d’étonner.

« ­Est-ce que le téléphone est mort ? ­Non, il a évolué. C’est la même chose avec le portefeuille 60/40 », a lancé ­Dany ­Lemay, directeur principal et chef de secteur – ­Investissements à WTW, lors d’un panel présenté à l’occasion du ­Séminaire sur la gestion des caisses de retraite, en mai à ­Montréal.

Au cours des dernières décennies, le portefeuille 60/40 classique a généré un rendement d’environ 7 % par année, un résultat tout à fait respectable, ­a-t-il ajouté.

« ­On a souvent annoncé le décès du portefeuille 60/40, mais il performe encore bien, a poursuivi Michael ­Keenan, chef des placements à ­Gestion de patrimoine ­Blue ­Bridge. Il s’agit d’un portefeuille simple, liquide et peu coûteux. »

Un portefeuille entièrement investi sur les marchés publics est néanmoins plus vulnérable aux cycles économiques et boursiers. Le portefeuille 60/40 a connu une année 2022 particulièrement difficile, mais il s’est bien repris en 2023, alors que les marchés privés n’étaient pas au sommet de leur forme.

Il faut dire que si ce type de portefeuille a été aussi populaire pendant aussi longtemps, c’est parce que les options plus sophistiquées étaient peu accessibles et plutôt coûteuses. Aujourd’hui, la donne a bien changé avec un marché privé arrivé à maturité.

« ­Avec certains types de placements alternatifs, on est moins axé sur la croissance économique et davantage sur les flux de trésorerie », commente Michael ­Keenan, qui estime par ailleurs que les investisseurs se montrent généralement plus indulgents envers les actions publiques que les actifs privés, pour lesquels « il faut être prêts à s’engager ».

Diversifier les sources de rendements… et de risques

Pour ­René ­Fournier, président et chef des investissements à la ­Société financière ­Walter, les constructions de portefeuilles plus modernes incluant des catégories d’actifs non traditionnels peuvent non seulement produire de la valeur ajoutée, mais également diversifier les facteurs de risques.

« ­Il ne faut pas avoir peur de l’illiquidité, dans la mesure où le portefeuille est bien géré », ­croit-il.
Si la hausse des taux d’intérêt des dernières années a permis aux caisses de retraite d’obtenir des rendements obligataires plus élevés sans sacrifier la liquidité, une telle conjoncture favorable ne durera pas éternellement, estime le gestionnaire de portefeuille.

« ­Il va y avoir beaucoup d’instabilité dans les taux d’intérêt au cours des prochaines années. Les obligations traditionnelles vont avoir du mal, alors qu’avec des actifs non traditionnels, on est capable de réduire la sensibilité de notre portefeuille au risque de taux d’intérêt. »

La moindre liquidité des placements privés ainsi que leur profil de risque plus complexe doivent évidemment être compensés par des rendements supplémentaires. Par rapport au marché public, René Fournier cherche à obtenir une prime de risque, nette de frais, de 5 % pour les placements privés et de 3 % pour la dette privée.

Bref, même si le traditionnel portefeuille 60/40 continue de tirer son épingle du jeu, l’attrait des actifs privés est indiscutable.

« ­Je dirais que la limite naturelle des actifs non traditionnels dans les portefeuilles tourne autour de 40 % en raison des contraintes de liquidités, surtout pour les caisses matures », évalue ­Michael ­Keenan.

« ­Les grands investisseurs institutionnels canadiens sont très près de leur cible ou l’ont déjà atteinte, ajoute ­René ­Fournier. En revanche, les joueurs plus petits, moins avancés dans le processus, vont continuer d’augmenter leur exposition aux actifs privés. »

Dany ­Lemay a pour sa part une vision plus intégrée des actifs traditionnels et non traditionnels. « ­On remarque davantage d’intérêt pour l’approche par paniers, où les actions publiques et les placements privés sont regroupés, tout comme les obligations publiques et la dette privée. À cela on peut ajouter un panier d’actifs réels et un panier d’investissements thématiques. Une telle approche est plus agile et moins complexe à gérer. »


• Ce texte a été publié dans l’édition de juin 2024 du magazine Avantages.
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