Les caisses de retraite gèrent des centaines de milliards de dollars d’actifs à long terme, ce qui en fait des acteurs clés du système financier mondial. Leur mission principale est d’assurer la sécurité financière des retraités, mais elles ont aussi un rôle de plus en plus essentiel à jouer dans la transition vers une économie durable.

Julien Perreault

En intégrant les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leurs décisions d’investissement, les caisses de retraite peuvent contribuer activement à la lutte contre les changements climatiques, tout en réduisant les risques financiers liés à la transition vers une économie circulaire.

Ne pas tenir compte des facteurs ESG expose les caisses de retraite à des risques financiers croissants. Les actifs liés aux énergies fossiles ou à des pratiques non durables risquent de perdre de la valeur avec l’évolution rapide des lois et des attentes sociétales. À l’échelle mondiale, le nombre de lois climatiques restreignant les activités des entreprises a été multiplié par vingt depuis la fin des années 1990. Cette pression réglementaire croissante menace directement les revenus des entreprises qui n’ajustent pas leurs pratiques à la nouvelle réalité. Selon la ligne directrice no 10 de l’ACOR, ignorer les renseignements ESG pouvant avoir une incidence importante sur le profil risque- rendement financier pourrait même constituer un manquement à l’obligation fiduciaire. Les caisses de retraite doivent donc identifier les actifs vulnérables dans leurs portefeuilles et évaluer leur résilience face à la transition climatique.

Une course contre la montre

La transition énergétique est d’autant plus urgente que la planète subit déjà des effets tangibles du réchauffement. L’année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée, rapidement dépassée par 2024, qui est devenue la première à franchir le seuil critique de +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Les quatre dernières années figurent parmi les plus chaudes de l’histoire, et juillet 2025 a marqué un nouveau pic, avec une moyenne sur 12 mois atteignant +1,53 °C, dépassant ainsi l’objectif de l’Accord de Paris.

Rappelons que près du tiers des émissions provient de l’électricité utilisée dans les bâtiments résidentiels, commerciaux et industriels. Transformer notre façon de produire et consommer l’énergie est donc un impératif.

Heureusement, les technologies comme les panneaux solaires et les éoliennes sont désormais parmi les sources d’électricité les moins coûteuses à produire. Leur compétitivité économique, alliée à leur faible empreinte carbone, en font une solution de choix.

Au Royaume- Uni, l’énergie éolienne est devenue la principale source d’électricité en 2024, représentant 30 % de la production. Les sources « zéro carbone » ont atteint un record de 51 %, marquant une étape majeure dans la transition énergétique. La fermeture de la centrale de Ratcliffe a mis fin à 142 ans de production au charbon, qui ne comptait plus que pour 0,6 % de l’électricité. Les énergies renouvelables (éolien, solaire, biomasse) assurent désormais plus de la moitié de la production annuelle.

Certains signaux sont clairs, surtout lorsqu’ils proviennent de ceux qu’on considérait comme des acteurs traditionnels de l’énergie fossile. En août 2024, l’Australie, longtemps dépendante du charbon, a lancé le projet SunCable, destiné à devenir la plus grande ferme solaire au monde. L’Arabie saoudite, coeur battant du pétrole, voit émerger de gigantesques projets solaires, comme celui de Sudair, en plein désert. Même au Texas, bastion pétrolier et gazier des États- Unis, TotalEnergies inaugure ses mégacentrales solaires, Danish Fields et Cottonwood. Un tournant majeur pour le secteur énergétique à l’échelle mondiale.

Investir dans les solutions durables : un devoir, mais aussi une stratégie gagnante

Les occasions de rendement liées aux énergies vertes et aux technologies propres sont bien réelles pour les caisses de retraite. Par exemple, l’action de NextEra Energy — l’un des principaux producteurs d’énergie renouvelable aux États- Unis — a plus que triplé entre 2013 et 2025, portée par la transition énergétique et des politiques publiques favorables. En tant qu’investisseuses de long terme, les caisses de retraite sont idéalement positionnées pour tirer parti de cette dynamique.

Au-delà de la performance, diriger les capitaux vers des entreprises qui développent des solutions durables est un impératif. Cela permet non seulement de renforcer la résilience des portefeuilles face aux risques climatiques, mais aussi de soutenir la transformation d’un système économique encore largement dépendant des matières premières et des ressources naturelles. L’engagement des caisses de retraite n’est donc pas seulement souhaitable : il est essentiel à la fois pour assurer des rendements durables et pour contribuer à la stabilité environnementale et économique à long terme.

Ce texte a été publié dans l’édition de septembre-octobre 2025 du magazine Avantages. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.