SURVIVRE À L'OURAGAN : QUE S'EST-IL PASSÉ DANS LE MARCHÉ DE LA GESTION QUANTITATIVE?


En mars 2018, Mackenzie a annoncé la nomination d’Arup Datta, un vétéran qui a adopté une approche quantitative des placements, et de son équipe, indiquant ainsi son intention d’établir un bureau de gestion d’actifs spécialisés axée sur les actions quantitatives de classe mondiale à Boston. En mai 2018, l’entreprise a lancé une série de produits des marchés émergents. Personne à l’époque ne se doutait que ces stratégies allaient croiser la trajectoire d’un ouragan qui affecterait directement les gestionnaires quantitatifs. Dire que les trois dernières années ont été difficiles pour ces gestionnaires est un euphémisme. Dans l’ensemble du secteur, le rendement a été difficile, l’actif géré a diminué et nombre d’entreprises respectables ont dû fermer leurs portes. Malgré la tempête, Arup Datta et son équipe ont prospéré, et l’actif géré dans le cadre de la stratégie quantitative de Mackenzie a atteint près de 5 milliards de dollars. Aujourd’hui, le beau temps revient et Arup Datta et son équipe sont d’avis qu’une période favorable aux actions quantitatives s’amorce.

Arup Datta

« Nous avons élaboré notre propre modèle de risque exclusif, qui nous a bien servis l’an dernier parce que nous croyons qu’il est plus efficace pour prédire les risques pour nos stratégies que les modèles de risque disponibles sur le marché »
ARUP DATTA, MBA, CFA
VICE-PRÉSIDENT PRINCIPAL, CHEF DE L’ÉQUIPE DES ACTIONS QUANTITATIVES MONDIALES MACKENZIE

AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES, LE MARCHÉ A ÉTÉ DIFFICILE POUR LES GESTIONNAIRES QUANTITATIFS. QUE S’EST-IL PASSÉ?

Dans presque tous les modèles de gestion quantitative, la valeur fait partie intégrante de l’approche du gestionnaire. En outre, les gestionnaires quantitatifs privilégient généralement les actions à faible capitalisation. Lorsque les marchés de croissance prospèrent, les actions de petite capitalisation et de valeur en subissent généralement le contrecoup. C’était exactement le cas lorsqu’il y a eu la bulle Internet en 1998-1999, la crise financière mondiale en 2007-2008, et la situation s’est répétée au cours des dernières années. Les marchés à forte croissance n’ont pas été tendres pour les stratégies quantitatives, et la pandémie n’a fait qu’exacerber cette situation.

QUELLES LEÇONS LES GESTIONNAIRES QUANTITATIFS PEUVENT-ILS TIRER À LA SORTIE DE CET « OURAGAN »?

Ce qu’il faut retenir de tout cela – et c’est une chose à laquelle j’ai toujours cru –, c’est qu’il est important d’adopter une approche de base qui intègre la valeur, la croissance et la qualité au processus de placement. Les gestionnaires quantitatifs qui savent trouver le bon équilibre entre les idées mises de l’avant ont de meilleures chances de réussir dans tous les environnements.

De plus, nous consacrons beaucoup de temps à des analyses rétrospectives pour savoir comment nos modèles se seraient comportés au cours de crises antérieures afin d’assurer l’uniformité. Il est très important d’élaborer une stratégie adaptée à toute conjoncture pour réussir dans divers marchés.

VOUS AVEZ LANCÉ DE MULTIPLES STRATÉGIES PARTOUT DANS LE MONDE DEPUIS VOTRE ARRIVÉE À MACKENZIE. COMMENT LA SOCIÉTÉ VOUS A-T-ELLE AIDÉ À RÉALISER CELA?

Il faut environ six mois pour élaborer des modèles quantitatifs, ensuite vous lancez des stratégies. Le lancement d’un éventail complet de stratégies mondiales et régionales en deux ans et demi ne pouvait être possible qu’au sein d’une organisation comme Mackenzie, qui a fourni des capitaux de démarrage pouvant atteindre 400 millions de dollars pour certains des lancements de stratégie. À ne pas négliger non plus : Mackenzie est convaincue du bien-fondé d’une structure personnalisée pour la gestion des placements. Chaque équipe peut orienter sa stratégie à sa manière, mais nous profitons des avantages et de la structure de soutien d’une grande société canadienne bien connue. La société m’a aidé à agrandir mon équipe à neuf personnes et elle paie les gestionnaires de portefeuille principaux en fonction du rendement afin de mieux harmoniser nos intérêts sur ceux de l’investisseur. Elle a également compris que les dernières années ont été difficiles pour la gestion quantitative des placements et elle a continué de m’aider à préparer le terrain pour l’avenir en lançant de nouvelles stratégies.

VOTRE APPROCHE A-T-ELLE ÉVOLUÉ AU FIL DES ANS?

Ma théorie de base n’a pas changé, mais son application continue d’évoluer. Par exemple, par le passé, pour l’évaluation d’un titre de croissance, nous concentrions toute notre attention sur la trajectoire des prévisions des analystes, tout en faisant les vérifications de sa valeur et de sa qualité.

Maintenant, nous allons au-delà de l’entreprise individuelle. Nous voulons savoir si les estimations augmentent pour des entreprises semblables et nous définissons les pairs de bien des façons différentes. Nous avons fait des progrès importants dans ce domaine à Mackenzie.

Nous consacrons également plus de temps aux facteurs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) parce que les données ESG sont meilleures maintenant et que la plupart des entreprises en font état. Notre approche n’est plus concentrée uniquement sur quelques secteurs ou industries – comme l’énergie solaire –, désormais nous observons comment une entreprise en particulier se compare à ses pairs sur le plan des facteurs ESG. L’intégration des facteurs ESG à notre processus de sélection des titres contribue à ajouter de la valeur dans toutes les régions du monde.

LA PREMIÈRE STRATÉGIE QUE VOUS AVEZ LANCÉE À MACKENZIE PORTAIT SUR LES MARCHÉS ÉMERGENTS. QU’EST-CE QUI SE PASSE ACTUELLEMENT DANS CE SECTEUR ALORS QUE VOUS APPROCHEZ DU TROISIÈME ANNIVERSAIRE?

Nous nous sommes très bien débrouillés dans le secteur des marchés émergents au cours des dernières années, ce qui ne s’est pas avéré pour nombre de gestionnaires quantitatifs. La Chine, qui représente environ 40 % de l’indice MSCI Emerging Markets, domine le secteur des marchés émergents. Nous avons donc élaboré un modèle propre à la Chine. Pour les investisseurs, la Chine est très différente des autres pays émergents à forte composante technologique comme la Corée du Sud et Taïwan. L’une des principales différences est que le principe de gestion axé sur la valeur fonctionne moins bien en Chine, alors nous avons réorienté notre stratégie vers la croissance pour ce pays. Sans oublier que le marché chinois évolue. Lorsque j’ai commencé à investir dans les marchés émergents, il y a plus d’une décennie, nous n’avions pas accès aux actions de catégorie A de la Chine.

Depuis 2016, nous avons pu y accéder au moyen de la connexion boursière Hong Kong–Shanghai et Shenzhen. À l’époque, le pouvoir des modèles quantitatifs atteignait à peine la moitié de ce qu’il est aujourd’hui pour les actions de catégorie A par rapport aux actions de catégorie H, parce que les approches systématiques ne fonctionnaient pas aussi bien dans le marché de détail de la Chine continentale. Cela ne nous a pas arrêtés, car nous étions convaincus que les marchés allaient converger étant donné l’ampleur des investissements institutionnels dans les actions de catégorie A, tout comme nous. Cinq ans plus tard, les modèles quantitatifs fonctionnent tout aussi bien dans les deux marchés, et nous croyons avoir bien maîtrisé cette situation dans notre stratégie de gestion des marchés émergents.

COMMENT AVEZ-VOUS GÉRÉ LE RISQUE PENDANT LA PANDÉMIE?

Les gestionnaires quantitatifs efficaces sont toujours au courant du risque de leur portefeuille grâce à des modèles de risque personnalisés. Nous avons élaboré notre propre modèle de risque exclusif, qui nous a bien servis l’an dernier parce que nous croyons qu’il est plus efficace pour prédire les risques pour nos stratégies que les modèles de risque disponibles sur le marché. Lorsque les marchés ont sombré de la mi-février à la mi-mars 2020, nous avons rapidement évalué les données pour cibler les secteurs les plus touchés, comme les compagnies aériennes et les fiducies de placement immobilier (FPI), et nous avons suivi de près l’évolution de ces secteurs au cours de la dernière année. Dès le début, nous avons évité d’acheter des titres de ces secteurs. Un mois ou deux plus tard, nous nous sommes permis d’acheter jusqu’à la moitié de la pondération. Au cours des trois ou quatre derniers mois, nous avons décidé d’acheter à pleine pondération. Il s’agit d’une stratégie humaine superposée à un processus quantitatif à laquelle nous avons recours dans des environnements instables. Ainsi, nous sommes parfois semblables à un gestionnaire qui met en pratique une approche fondamentale. De plus, nous examinons chaque transaction, ce que la plupart des gestionnaires quantitatifs ne font pas. Le modèle quantitatif suggère une transaction, puis nous l’examinons pour nous assurer que les données qui la sous-tendent sont exactes et complètes. Cette superposition par l’humain a été bien davantage mise à l’épreuve au cours de la dernière année et a été favorable à nos stratégies.


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Mackenzie Investments