La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, la montée du populisme en Europe et les politiques confuses de l’administration Trump génèrent suffisamment d’incertitude pour faire dérailler les marchés en 2019. Pour les investisseurs, l’année s’annonce mouvementée.

« Les risques géopolitiques sont difficiles à modéliser et quantifier. On ne peut pas comparer le contexte actuelle avec des périodes antérieures. Or, l’incertitude qu’ils engendrent créent distorsion et volatilité sur les marchés financiers », a expliqué Frances Donald, chef, stratégie macroéconomique à Gestion d’actifs Manuvie lors de la Soirée des prévisions de l’Association de la retraite et des avantages sociaux du Québec (ARASQ), la semaine dernière à Montréal.

Mme Donald partageait la scène avec Pierre-Philippe Ste-Marie, chef des placements, revenu fixe à Optimum Gestion de placements, et Stéphane Marion, économiste et stratège en chef à la Banque Nationale.

Rassurés par la récente volonté des banques centrales canadienne et américaine à mettre la pédale douce sur le resserrement de leur politique monétaire, les trois panélistes ont tous identifié les risques géopolitiques comme étant leur principale préoccupation pour l’économie mondiale.

« En raison du conflit commercial entre la Chine et les États-Unis, on est en train d’assister à la création de deux chaînes d’approvisionnement à l’échelle mondiale. C’est un peu comme la vieille guerre entre les formats VHS et Betamax. Les deux formats évoluaient parallèlement, mais n’étaient aucunement compatibles », a souligné Stéfane Marion.

Cette scission de la chaîne d’approvisionnement mondiale, jumelée aux courants populistes et nationalistes qui prennent de l’ampleur un peu partout sur la planète, particulièrement en Europe, pourrait enclencher un phénomène de démondialisation de l’économie, croit-il. Un changement structurel qui ne jouera certainement pas en faveur des actions.

« Si les États-Unis et la Chine ne parviennent pas à une entente, il y aura un risque de marché baissier cette année. Par contre, j’estime qu’il a trop d’intérêts en jeu, de part et d’autre, pour qu’aucune entente ne soit conclu », tempère Pierre-Philippe Ste-Marie.

Une récession en 2020?

Le PIB mondial poursuivra sa croissance en 2019, prévoient les panélistes. « Le problème va plutôt être en 2020, croit Frances Donald. La première moitié de 2019 se déroulera plutôt bien, mais dans la deuxième moitié de l’année, les marchés vont probablement pressentir un risque de récession en 2020. »

Quand l’incertitude augmente, les rendements obligataires baissent et la volatilité des actions augmente, note-t-elle.

Stéfane Marion ajoute que la prochaine récession pourrait être bien différente des précédentes. Pour la première fois, plus de la moitié du PIB mondial (60 %) provient des marchés émergents. Et les investisseurs ne doivent surtout pas s’imaginer qu’ils seront à l’abri en se réfugiant sur le marché boursier américain : 44 % des revenus du S&P 500 viennent de l’extérieur des États-Unis.

Cela dit, les panélistes demeurent relativement optimistes en matière de croissance économique, comme en témoigne leurs prévisions :

Pierre-Philippe Ste-Marie

PIB Canada : 2,0 %
PIB États-Unis : 2,0 %
PIB mondial : 3,4 %

Frances Donald

PIB Canada : 1,8 %
PIB États-Unis : 2,0 %
PIB mondial : 3,0 %

Stéfane Marion

PIB Canada : 1,8 %
PIB États-Unis : 2,3 %
PIB mondial : 3,5 %

Du côté de la politique monétaire américaine, Pierre-Philippe Ste-Marie ne s’attend à aucune hausse de taux de la Fed en 2019 , alors que Frances Donald et Stéphane Marion prévoient une seule hausse, ce qui le porterait à 2,75 %.

Les avis sont plus partagés en ce qui concerne la politique monétaire canadienne : Frances Donald estime que la Banque du Canada maintiendra le statu quo (1,75 %), Pierre-Philippe Ste-Marie prévoit une hausse (2,00 %), alors que Stéfane Marion estime qu’il y en aura deux (2,25 %). Les taux à long terme, pour leur part, ne grimperont pas vraiment plus que leur niveau actuel, ajoute M. Marion.

Privilégier une approche tactique

Dans un environnement aussi incertain, les panélistes encouragent les caisses de retraite à adopter une approche plus tactique dans leur répartition d’actif.

« Les actions vont bien performer pendant trois ou quatre mois, mais après, je serai très confortable en obligations. Les actions seront trop volatiles, particulièrement les actions canadiennes, qui sont assez sensibles à l’incertitude mondiale », indique Frances Donald.

Pierre-Philippe Ste-Marie conseille pour sa part d’augmenter la qualité et la liquidité des portefeuilles obligataires. « En 2019, je me tournerais en priorité vers le crédit liquide ainsi que les actions privilégiées, mais j’éviterais les actions de croissance et les obligations à haut rendement. »

En cette période d’instabilité, Stéfane Marion privilégie l’or, « qui n’a pas aussi bien fait depuis longtemps ». Selon lui, le contexte politique explosif au Venezuela favorisera les minières canadiennes.

Voici les prévisions boursières des trois analystes :

Pierre-Philippe Ste-Marie

FTSE : 1 %
S&P/TSX : 7 %
S&P 500 : 2 %
MSCI EAEO : 5 %

Frances Donald

FTSE : 10 %
S&P/TSX : -8 %
S&P 500 : -15 %
MSCI EAEO : -10 %

Stéfane Marion

FTSE : -0,8 %
S&P/TSX : 10 %
S&P 500 : 7 %
MSCI EAEO : 8 %