Les caisses de retraite investissent traditionnellement la majeure partie de leur portefeuille d’actions au Canada et aux États-Unis. Mais dans le contexte de marché actuel, est-ce vraiment la bonne stratégie à adopter?
Lors du Séminaire sur la gestion des caisses de retraite qui a eu lieu jeudi dernier à Montréal, Alex Bellefleur, chef recherche et stratégie macroéconomique mondiale à Pavilion Marché Mondiaux, a invité les promoteurs de régimes à s’intéresser davantage à certains marchés longtemps négligés : l’Europe, le Japon et les pays émergents.
Les marchés émergents reprennent du poil de la bête
Les investisseurs se montrent prudents à l’égard des marchés émergents, et ce n’est pas étonnant considérant leur piètre performance dans la dernière décennie. « Depuis 2010, les marchés boursiers des pays émergents sous-performent ceux des pays développés. Sur une période de dix ans, ils ont rapporté un rendement nominal de 0 % », explique Alex Bellefleur.
Les perspectives devraient toutefois s’améliorer au cours des dix prochaines années, soutient-il. « On est en train d’observer une normalisation de la performance des marchés émergents par rapport aux marchés développés. Il est très rare d’observer 20 ans de performance négative pour une catégorie d’actif. »
Plusieurs signent laissent entrevoir de meilleurs rendements dans les marchés boursiers des pays émergents, en premier lieu la hausse du bénéfice des entreprises, particulièrement dans le secteur technologique. « On a tendance à penser que les marchés émergents ne sont constitués que de titres dans les secteurs de l’énergie et des produits de base, mais le secteur des technologies représente 25 % de l’indice MSCI marchés émergents », précise le gestionnaire de portefeuille.
La valorisation plus faible des actions sur les marchés émergents peut également se révéler intéressante pour les investisseurs.
La revanche de l’Europe
La crise de la dette souveraine dans la zone euro, jumelée à une longue période de très faible croissance, a poussé de nombreux investisseurs étrangers à fuir l’Europe au cours des dernières années. Mais ils ont aujourd’hui de nombreuses raisons de revenir sur le vieux continent.
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Avec des flux de capitaux qui recommencent à soutenir l’euro, une croissance du crédit à la consommation et une amélioration du contexte bancaire, notamment en Italie, les perspectives européennes sont loin d’être mauvaises. « La Grèce affiche même un surplus budgétaire à l’heure actuelle », souligne Alex Bellefleur.
Pour les caisses de retraite, se tourner vers les bourses européennes pour profiter de la reprise peut donc se révéler une stratégie digne d’intérêt. Sans oublier que les titres s’y transigent à des valorisations plus faibles qu’aux États-Unis.
Le Japon sort de l’oubli
« Le Japon est un gros marché boursier que l’on oublie souvent, peut-être parce qu’il n’a rien fait d’intéressant en près de 30 ans », mentionne le gestionnaire. Ayant atteint son sommet en 1989, la bourse japonaise n’a jamais affiché de reprise significative depuis.
Le bon côté d’une stagnation aussi longue, c’est que le marché japonais est aujourd’hui le marché boursier le moins cher au monde. « De plus, le taux de rendement du dividende est actuellement le même qu’aux États-Unis. On a très rarement observé ça. Traditionnellement, les entreprises japonaises n’aiment pas beaucoup payer des dividendes, mais c’est en train de changer. »
Canada : attention!
« Il y a plus de risques dans l’économie et le marché boursier canadiens que ce que les gens veulent reconnaître. Les investisseurs doivent faire attention », prévient Alex Bellefleur.
La croissance vertigineuse du marché immobilier, surtout à Vancouver et Toronto, est au centre des préoccupations du gestionnaire. « On assiste à une bulle assez dangereuse. Historiquement, quand on regarde des hausses de l’immobilier aussi fulgurantes, peu importe le pays, les risques sont appréciables », dit-il.
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Autre source d’inquiétude : le ratio dette/revenu disponible des individus. Contrairement aux Américains, qui ont amorcé une phase de désendettement agressive depuis la crise de 2007-2008, les Canadiens n’ont cessé d’accroître leur niveau d’endettement durant la même période. À l’heure actuelle, le ratio d’endettement est de 173 % au Canada contre seulement 106 % aux États-Unis. « Est-on vraiment plus prudent au Canada? », demande M. Bellefleur.
Qui plus est, les exportations québécoises et ontariennes se maintiennent à des niveaux assez faibles malgré la faiblesse du dollar canadien, alors que la croissance du crédit hypothécaire semble avoir atteint un sommet. Or, un ralentissement du crédit affecterait grandement la performance des banques.
Pour toutes ces raisons, Alex Bellefleur se dit « très peu intéressé par les actions canadiennes à l’heure actuelle ».
Le marché américain trop cher
Aux États-Unis, les évaluations des titres boursiers se situent depuis un bon moment déjà à des niveaux relativement élevés, ce qui les rend moins attrayant par rapport aux actions dans d’autres régions du monde.
« Très peu de titres contribuent à l’appréciation du S&P 500, ajoute Alex Bellefleur. En fait, seulement 10 entreprises, toutes dans le secteur technologique, tirent la croissance à la hausse en surperformant l’indice de façon incroyable. Cela démontre une certaine étroitesse du marché, et ce n’est probablement pas très sain. »
Conclusion? Le gestionnaire n’hésite pas à expliquer qu’à l’heure actuelle, il préfère les marchés boursiers européens, japonais et émergents aux marchés américain et canadien.
Plus précisément, son portefeuille cible serait composé d’environ 50 % de titres européens et japonais, d’un maximum de 25 % de titres américains et canadiens et la balance en titres des marchés émergents. Il explique également garder de la place pour de l’encaisse (5 %) afin d’avoir les liquidités nécessaires pour être prêt à agir en temps voulu.