La Caisse de dépôt et placement du Québec doit renforcer ses pratiques en matière de lutte à la corruption et des conflits d’intérêts, plaide la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc.

En investissant davantage dans les marchés privés (des entreprises qui ne sont pas cotées à la Bourse) et dans les marchés internationaux afin d’avoir un portefeuille plus diversifié, la stratégie de la Caisse génère plus de risques en matière de conflit d’intérêts, de fraude et de corruption, explique la vérificatrice. Il faut donc que la Caisse s’assure de se doter de pratiques « exemplaires ».

Si la Caisse s’est dotée d’un code d’éthique qui « est des plus rigoureux », certains éléments restent à améliorer, a expliqué Mme Leclerc en conférence de presse. « Une fois qu’on a dit ça, on a tout de même identifié les éléments à améliorer, comme, par exemple, il n’y a pas de politique relativement au blanchiment d’argent ou certaines politiques ou directives ne sont pas appliquées telles qu’elles sont décrites. »

En 2019, une enquête du Journal de Montréal avait révélé qu’un dirigeant de la filiale Otéra Capital avait accordé un prêt à une entreprise qu’il détenait pour l’achat d’un immeuble à revenus. La Caisse s’était alors engagée à renforcer ses pratiques, mais il reste encore du chemin à faire, juge la vérificatrice générale.

À la Caisse de dépôt, on souligne avoir déjà fait une partie du travail demandé par la vérificatrice générale. « L’audit de conformité nous a suggéré certaines bonifications, que nous accueillons favorablement et allons mettre en œuvre, réagit Kate Monfette, porte-parole de l’institution. Certaines étaient déjà en voie de l’être au moment des travaux d’audit. »

Si la vérificatrice a identifié des points à améliorer, Mme Monfette estime que le rapport démontre aussi « la rigueur » des mécanismes d’encadrement à la Caisse. « Nous avons des mécanismes de conformité et de gestion des risques robustes afin de nous assurer de répondre aux normes les plus élevées. »

La Caisse est en train d’élaborer une politique qui regroupe les aspects de la lutte contre le blanchiment d’argent, qui sera complétée en 2022. La Caisse a aussi décidé d’harmoniser les pratiques de ses filiales Ivanhoé Cambridge et Otéra Capital avec celles de la Caisse, ce qu’elle n’était pas dans l’obligation de faire puisque ce ne sont pas des filiales en propriété exclusive.

« La Caisse a décidé d’harmoniser leur code de déontologie, mais c’est vraiment par choix, souligne Mme Leclerc en conférence de presse. Ce n’était pas une obligation qu’ils avaient de le faire. Et ça, ça a été fait seulement depuis 2019. »

Des lacunes identifiées

Le rapport affirme que certaines étapes du processus d’investissement n’ont pas été respectées parmi les cas analysés par le bureau de la vérificatrice. Sur un échantillon de sept investissements, une sortie de fonds de plusieurs dizaines de millions de dollars a été effectuée avant l’obtention d’une autorisation. « De surcroît, la documentation présentée au comité approbateur n’en faisait pas mention. »

Le rapport souligne qu’un gestionnaire non identifié de la Caisse a participé à des échanges au sujet d’un investissement pour lequel il était en conflit d’intérêts. Le dirigeant n’a déclaré ce conflit d’intérêts qu’à une étape ultérieure du processus. « C’est une lacune, constate Mme Leclerc. Donc, c’est une activité qui n’aurait pas dû avoir lieu, spécialement parce que c’est un gestionnaire, un gestionnaire se doit d’être au courant. »

Questionnée sur le sujet, la vérificatrice générale a dit qu’elle aimerait avoir la possibilité de réaliser un audit de performance, qui n’a pas la même portée qu’un audit de conformité. « C’est certain qu’on peut faire un audit de performance dans toutes les entités du gouvernement, au choix du Vérificateur général, et la seule entité où on ne peut pas le faire, c’est la Caisse de dépôt, sans l’approbation du conseil d’administration. »

L’audit de conformité vise à vérifier si les politiques en place sont respectées. Un audit de performance permet de se pencher sur l’efficacité des politiques et actions entreprises. « Bien, dans un audit de performance, on pourrait dire : est-ce que ça a été pertinent ? Est-ce que ça a été efficace, économique, efficient de le faire ? »