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La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) veut sortir de la production de pétrole d’ici la fin de l’année 2022, mais elle conservera ses investissements dans les oléoducs.

Le bas de laine des Québécois en a fait l’annonce mardi dans le cadre du dévoilement de sa stratégie climatique 2021. L’institution consacrera également une enveloppe de 10 milliards $ en vue de décarboner les secteurs industriels émetteurs de carbone, comme les mines, le transport et l’agriculture.

Les cibles de sa première stratégie climatique en 2017 ont également été bonifiées. La Caisse voulait réduire l’intensité carbone du portefeuille de 25 % par dollar investi, pour la période de 2017 à 2025. Elle a déjà dépassé son objectif avec une réduction de 38 % en 2020. Elle se donne maintenant l’objectif de le réduire de 60 % d’ici 2030, toujours par rapport au seuil de 2017.

Le portefeuille de la Caisse comprend 36 milliards $ en actifs sobres en carbone. Elle veut l’amener à une valeur de 54 milliards $ d’ici 2025, ce qui représenterait le triple de ce qu’elle détenait en 2017.

Depuis la première mouture de la stratégie en 2017, « le monde a changé profondément et rapidement », constate Charles Emond, président et chef de la direction de la CDPQ, qui s’inquiète de la situation climatique qui « se détériore plus rapidement qu’anticipé ».

« Il y a plus que jamais une urgence d’agir, dit-il en conférence de presse, mardi. Il faut donc accélérer notre engagement contre les changements climatiques, aller plus loin et surtout s’attaquer dès maintenant directement à la source du problème. »

Une question de rendement ?

Les pétrolières représentent encore 1 % du portefeuille de la Caisse. Sur un actif net « d’environ 400 milliards $ », cela représente une valeur de près de 4 milliards $ investis dans « une dizaine » de sociétés.

Outre l’aspect climatique, investir dans le pétrole aura été une décision coûteuse dans les dernières années. La valeur des 50 principaux investissements de la Caisse dans ce secteur s’est dépréciée de 57,6 % entre 2011 et 2020, selon une analyse dévoilée par la coalition Sortons la Caisse du carbone, en février dernier. Si elle avait investi dans un portefeuille indiciel excluant le pétrole, la Caisse aurait généré 16,2 milliards $ de plus pour ses déposants, estime la coalition.

La remontée du prix du baril de pétrole en 2021 ouvre une fenêtre favorable pour la vente des actifs, juge M. Emond. Au creux de la pandémie en avril 2020, le prix du baril a chuté à 18,84 $ US à New York. À la fermeture lundi, il clôturait la séance à 75,45 $ US. « Beaucoup de gens voulaient qu’on le fasse [abandonner les énergies fossiles] l’année dernière, ça aurait été irresponsable. »

Il ne craint pas que la Caisse obtienne un moins bon prix, maintenant que les acheteurs potentiels savent qu’elle veut vendre sur un horizon de 15 mois. Pour les investisseurs qui ont pris connaissance de la stratégie climatique de 2017 et qui savent que des militants demandent la sortie des énergies fossiles, la nouvelle n’est pas si surprenante, selon lui. « Inquiétez-vous pas. Nous allons être responsables dans notre rôle de fiduciaire. »

Avec son enveloppe de 10 milliards $ pour aider les secteurs polluants à réduire leurs émissions, la Caisse tente aussi de ne pas mettre tous ses œufs dans les énergies renouvelables, comme l’éolien ou le solaire. La valeur des actions du secteur est élevée à la Bourse, ce qui augmente le risque. La construction d’éoliennes et de panneaux solaires nécessite également des matériaux polluants, ce qui fait en sorte que d’autres efforts doivent également être déployés vers des secteurs plus traditionnels pour réussir la transition énergétique.

« C’est le but de l’enveloppe de transition, d’avoir des secteurs moins prisés qui s’échangent à une valeur moins élevée, explique M. Emond. Si on travaille avec les premiers de classe et qu’on les verdit, l’évaluation de ces actifs monte. On se retrouve avec rapport rendement-risque très intéressant. »

Oléoducs conservés

La Caisse promet également de ne plus faire d’investissements dans le secteur des oléoducs, mais elle conservera ses participations dans le transport de pétrole et du gaz naturel. Ce secteur représente 2 % de la valeur du portefeuille, soit environ 8 milliards $.

Sébastien Collard, porte-parole de la coalition Sortons la Caisse du carbone, « applaudit » la décision de se départir des pétrolières, mais il s’agit d’une sortie « partielle » tandis que l’on conserve les oléoducs. « On ne considère que l’exploitation du pétrole, mais, dans une économie où tous les facteurs sont interreliés entre eux, bien le transport du pétrole, c’est un maillon. Tant qu’on ne s’y attaque pas, on ne fait pas la transition adéquatement. »

M. Emond défend la décision de conserver ses investissements dans les oléoducs. Il souligne que la grande majorité de ces infrastructures transportent du gaz naturel, plutôt que du pétrole, et que la Caisse ne financera pas la construction de nouveaux oléoducs.

« L’économie en a besoin [des oléoducs transportant du pétrole], on ne peut pas les fermer du jour au lendemain et jeter l’économie à terre, dit-il. Ça répond aux besoins existants. Il va y avoir des changements au fils des ans. On ne peut pas passer de l’énergie renouvelable qui est seulement 5 % de l’offre mondiale et remplacer 80 % d’énergie fossile du jour au lendemain. »