Deux décennies de faible inflation ont poussé les régimes de retraite à prestations déterminées (PD) à sans cesse augmenter leur exposition aux placements non traditionnels. Et ceux qui ont osé le changement en ont récolté les fruits, révèle une étude de la Banque du Canada.

Les baisses soutenues des taux d’intérêt entre 1998 et 2018 ont menacé d’éroder les excédents de solvabilité des régimes PD, selon les auteurs de l’étude. Cela a convaincu la majorité d’entre eux d’augmenter leur répartition en titres à revenu fixe et en actifs alternatifs afin de renforcer la résilience de leur portefeuille.

À la fin des années 1990 et au début des années 2000, les taux d’intérêt ont fluctué entre 4 et 6 %. Entre 2002 et 2008, ils se situaient en moyenne à 3 %. Depuis la crise financière de 2008-2009, les taux se sont maintenus en moyenne à environ 1 % et n’ont jamais dépassé 2 %. Actuellement, le taux directeur de la Banque du Canada n’est que de 0,25 %. Selon l’étude, à mesure que le niveau des taux d’intérêt baissait, 64 % des régimes de retraite à PD ont abandonné le portefeuille traditionnel composé de 60 % d’actions et de 40 % d’obligations gouvernementales.

En étudiant des données anonymisées sur l’actif et le passif de 128 régimes PD du secteur privé réglementés par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) entre 1998 et 2018, les chercheurs ont constaté que 36 % des régimes PD ont maintenu une approche plus traditionnelle en modifiant de moins de 10 % la répartition de leur portefeuille. À l’autre bout du spectre, environ 30 % des régimes ont procédé à une transition de plus de 30 % des actifs en portefeuille. Entre les deux, 24 % ont adopté une approche plus modérée, en transférant entre 10 et 30 % de leurs actifs.

Plus de placements non traditionnels, moins d’actions

Les régimes de retraite qui ont modifié sensiblement leur répartition d’actif se sont tournés volontiers vers les capitaux privés et l’immobilier, au détriment des marchés boursiers. L’exposition aux capitaux privés et à l’immobilier ont réduit les risques de solvabilité en raison de la stabilité comparative de ces actifs par rapport aux actions publiques. Une telle stratégie leur a permis de mitiger les risques de solvabilité, puisque ces catégories d’actifs sont généralement plus stables que les actions.

Du côté des titres à revenu fixe, beaucoup de régimes PD ont délaissé les obligations gouvernementales au profit des obligations de société et des titres de dette privée. Une telle approche leur a permis de se protéger en partie contre les fluctuations du passif résultant des variations des taux d’intérêt tout en compensant partiellement les rendements décroissants offerts par les obligations d’État.

Les analystes de la Banque du Canada ont conclu que les régimes de retraite qui ont apporté des changements plus importants à la répartition de l’actif l’ont fait dans le but de réduire les risques de solvabilité. Selon les données du BSIF, les régimes qui ont changé plus de 30 % de leur répartition d’actif ont enregistré un niveau de volatilité de leur ratio de solvabilité inférieure de 30 % à ceux qui ont peu modifié leur répartition d’actif.

En revanche, tout au long de la période, les régimes qui ont apporté le moins de changements à leurs portefeuilles ont vu leur rendement surpasser d’environ 25 points de base ceux des régimes qui ont effectué le plus de changements. Malgré tout, les auteurs ont constaté qu’à la fin de la période étudiée, la majorité des régimes de ce groupe avaient des ratios de solvabilité inférieurs à 100 %. Parmi les régimes qui ont apporté les changements les plus importants à la composition de leur actif, le ratio de solvabilité était en moyenne supérieur à 100 %.

« Malgré la baisse des taux d’intérêt, la plupart des régimes qui ont remanié plus de 30 % de leur portefeuille ont retrouvé un ratio de solvabilité de 100 % en 2016, et la volatilité de ce ratio a diminué de 30 %, écrivent les auteurs. En revanche, la plupart des régimes qui ont conservé un portefeuille 60/40 ont enregistré un déficit de solvabilité en 2018. L’exposition aux placements privés et à l’immobilier a réduit les risques de solvabilité en raison de la stabilité comparative de ces actifs par rapport aux actions. »