Les investisseurs institutionnels se tournent vers des portefeuilles diversifiés pour gérer la volatilité des tarifs, observent plusieurs experts. 

Dans un contexte de volatilité économique sans précédent, les investisseurs institutionnels se tournent vers des portefeuilles d’actifs diversifiés qui dépendent moins des marchés publics, explique Claude St-Laurent, directeur de la retraite et de l’épargne chez Normandin Beaudry.

Les investisseurs institutionnels vont plus souvent au-delà des actions et des obligations traditionnelles pour intégrer l’immobilier, l’infrastructure et d’autres actifs alternatifs. En effet, dans la catégorie des titres à revenu fixe, Claude St-Laurent constate que les organismes d’investissement se diversifient par le biais de la dette privée ou des hypothèques commerciales.

« Non seulement [nous sommes] en meilleure position, mais certains ingrédients peuvent aider [les investisseurs institutionnels] à être moins vulnérables en cas de ralentissement », explique-t-il.

La volatilité à court terme a été fortement impactée par la politique tarifaire stricte du président américain Donald Trump, y compris pour des partenaires commerciaux comme le Mexique et le Canada. Au début du mois de mai, l’indice S&P 500 a perdu près de 5 % de sa valeur.

Selon M. St-Laurent, les régimes de retraite canadiens sont mieux positionnés et disposent d’une certaine résilience pour faire face à ces fluctuations de la volatilité des investissements. Dans un récent rapport, Normandin Beaudry indique qu’un certain nombre de caisses de retraite canadiennes ont mis en place des stratégies de résilience. Elles ont notamment misé sur des portefeuilles diversifiés, en réduisant les risques associés à la maturité de leurs régimes et en intégrant des marges pour écarts défavorables dans leur financement.

John Wilson, fondateur, co-directeur général et associé gérant de Ninepoint Partners, explique que les investisseurs institutionnels sont confrontés à l’impact des tarifs douaniers sur l’exposition aux bons du Trésor américain, une classe d’actifs qui peut être affectée par un « ébranlement » de la confiance fondamentale dans le gouvernement américain.

« Je pense qu’il s’agit d’un changement fondamental dans le monde de l’investissement. Si vous êtes une grande institution, ce sont des hypothèses fondamentales que vous avez. Traditionnellement, le dollar américain est une valeur sûre et les bons du Trésor américain sont des obligations sans risque. »

Dans le cadre d’un message public plus large sur la performance des retraites dans un contexte de tensions géopolitiques liées à la politique tarifaire américaine, Gary Yee, président du British Columbia Municipal Pension Board of Trustees, explique qu’une forte position de liquidité permet à l’organisation de faire face à la volatilité sans avoir à vendre des actifs sous pression. Malgré la volatilité économique, il affirme que le conseil est confiant dans sa stratégie actuelle et ne prévoit pas de changements nécessaires pour répondre à l’incertitude à court terme.

« Grâce à une planification à long terme, à une bonne gestion des risques et à une stratégie d’investissement diversifiée, le régime et [la British Columbia Investment Management Corp.] sont bien placés pour traverser cette période sans compromettre la sécurité des retraites. »

Xavier Nadeau, directeur principal du service de conseil en investissement chez Normandin Beaudry, estime qu’il est important que les caisses de retraite planifient à long terme et maintiennent fermement leur stratégie d’investissement. « Je pense qu’il est très difficile de faire la distinction entre le long terme et l’influence du court terme. Il est très important de maintenir la procédure que vous avez déjà mise en place. »

Dans un récent rapport, Gestion de placements Manuvie a déclaré que cette période de volatilité et d’incertitude se poursuivra probablement jusqu’à ce que des « conversations conciliantes sur les tarifs » aient lieu entre les États-Unis et d’autres pays. Toutefois, le rapport souligne que ces négociations prennent généralement beaucoup de temps pour être clarifiées.

« Nous nous attendons à ce que, même après les négociations, les tarifs douaniers soient sensiblement plus élevés que dans le passé récent, ce qui nécessitera d’autres politiques de croissance compensatoires pour minimiser la douleur économique, telles que les réductions d’impôts, la déréglementation et les dépenses budgétaires », indique le rapport.

M. Wilson a observé un intérêt accru pour les techniques d’investissement diversifiées comme méthode de lutte contre la volatilité. Cette recherche, ajoute-t-il, fait suite à une période de forte croissance du marché américain des actions, qui a offert une certaine marge de manœuvre aux investisseurs.

« Le marché des actions aux États-Unis s’est emballé, dépassant de loin toutes les autres classes d’actifs. Je pense que les gens se sont un peu reposés sur leurs lauriers, estimant qu’il n’était pas nécessaire d’être aussi diversifié. Je pense que cela a clairement changé ».

Il s’attend à ce que les investisseurs institutionnels soient confrontés à des questions difficiles concernant la part de gestion active dont ils dépendent pour gérer ces périodes de volatilité, par rapport à une approche de propriété passive standardisée.

« Le marché des actions sera-t-il plus divisé en fonction des personnes touchées par les droits de douane ? Cela exige une gestion plus active. . . . [Les investisseurs institutionnels ne vont pas se débarrasser de la gestion passive, c’est juste qu’il y a un peu plus d’intérêt qu’auparavant pour la gestion active. »

Ce texte a été publié initialement sur Benefits Canada.