Avec des taux d’intérêt plus bas que jamais, le marché obligataire n’a plus la faveur des gestionnaires de portefeuille. Alors que la crise de la COVID-19 exerce une pression supplémentaire sur la catégorie d’actif, les investisseurs institutionnels comme les caisses de retraite portent leur regard ailleurs.

Les obligations et les titres de crédit constituent la catégorie d’actif qui subira les effets les plus négatifs de la crise actuelle au cours de la prochaine année, soutiennent 51 % des quelque 2 800 professionnels de l’investissement interrogés dans le cadre d’un sondage de CFA Montréal. Par ailleurs, seulement 6 % d’entre eux jugent que le marché obligataire proposera les meilleures occasions d’investissement au cours des prochains mois.

Dans ce contexte, près des trois quart des répondants (72 %) s’attendent à ce que les investisseurs institutionnels réduisent leur pondération en obligations au cours de la prochaine année. Et par quoi les remplaceront-ils? Par des investissements en infrastructures (60 %), de la dette privée (51 %) et des placements privés (50 %).

Si les gestionnaires sont d’avis que les investisseurs vont modifier la composition de leur portefeuille à long terme, c’est notamment parce qu’ils considèrent que les banques centrales auront de la difficulté à augmenter les taux d’intérêt dans l’avenir. Cela est particulièrement vrai en Europe (82 %), mais également aux États-Unis (74 %) et au Canada (71 %).

Confiance envers les marchés boursiers

À l’opposé, la majorité des gestionnaires de portefeuilles sondés (46 %) estiment que les marchés boursiers offriront les meilleures occasions dans les prochains mois. Les placements privés (38 %) et les infrastructures (33 %) suscitent également l’enthousiasme des répondants.

À court terme, les actions des secteurs des technologies de l’information (40 %), des soins de santé (29 %) et de la finance (22 %) offriraient les meilleures perspectives, selon les membres de CFA Montréal.

En revanche, pas moins de 90 % d’entre eux affirment que l’intervention massive des banques centrales sur les marchés financiers au cours des derniers mois a eu pour effet de faire gonfler artificiellement le prix des actifs. D’ailleurs, la presque totalité des répondants (94 %) sont d’avis que le bilan des banques centrales demeurera élevé à moyen terme.

Revoir la gestion des risques

Environ 60 % des gestionnaires jugent que les portefeuilles des investisseurs étaient bien construits pour passer à travers la crise de la COVID-19, alors que 16 % pensent le contraire, et que 23 % ont répondu « ne pas savoir ».

Dans tous les cas, les turbulences qu’ont connu les marchés financiers en 2020 pousseront certains professionnels du placement à revoir certaines de leurs pratiques, surtout en matière de gestion des risques (47 %), mais aussi en répartition d’actifs (35 %) et en gestion de portefeuille (32 %).

Cap sur l’ESG

La tendance concernant les placements ESG était déjà bien présente avant la crise, mais elle n’a fait que s’accélérer au cours des derniers mois. Ainsi, 92 % des répondants au sondage de CFA Montréal anticipent une plus forte demande pour les politiques vertes et sont convaincus que les facteurs ESG  joueront un rôle plus important dans les décisions d’investissement.

Parmi les trois composante des facteurs ESG, c’est l’environnement qui sera davantage ciblé croient les gestionnaires (64 %), loin devant le social (26 %) et la gouvernance (9 %).

Fardeau fiscal en hausse

D’un point de vue plus macroéconomique, les deux tiers (67 %) des membres de CFA Montréal anticipent une baisse de la dépendance à la Chine dans le commerce mondial, ainsi qu’un plus grand nombre de relocalisation.

Face à un endettement sans précédent des gouvernements, la majorité des gestionnaires de placement croient que les particuliers doivent s’attendre à une hausse de l’impôt sur le revenu au cours des prochaines années, autant au Canada (66 %), qu’aux États-Unis (68 %).

Les avis sont toutefois plus divisés concernant l’imposition des entreprises au Canada : 49 % anticipent une hausse, 41 % non. Le portrait semble toutefois plus clair aux États-Unis, alors que 73 % s’attendent à une hausse de l’impôt sur le revenu des entreprises.

La moitié (49 %) des professionnels de l’investissement indiquent d’ailleurs que l’endettement des États forcera les banques centrales à poursuivre une politique de taux directeur bas et d’achats de titres du gouvernement pour exercer des pressions à la baisse sur les taux obligataires. Cela pourrait entraîner une résurgence de l’inflation à moyen terme, craignent 55 % des répondants.

« Après dix mois de pandémie, le secteur financier est demeuré très actif et presque la moitié de nos membres envisage un retour du niveau d’emploi prépandémie dans les 12 à 24 prochain mois. C’est plus rapide comparé à la crise économique de 2008 à 2010. D’ici là, ceux-ci retiendront deux choses : diversification des investissements et résilience », souligne Carl Robert, président de CFA Montréal.