La montée de l’inflation force la main de la Banque du Canada. La banque centrale n’aura d’autre choix que d’augmenter son taux directeur la semaine prochaine, croit Jean-François Perrault, économiste en chef de la Banque Scotia.

M. Perrault a mis à jour ses prévisions, mercredi. Il croit désormais que la première hausse de taux surviendra dès le 26 janvier et non pas en avril. Il pense que le taux directeur progressera de 175 points de base en 2022 pour s’établir à 2 % d’ici la fin de l’année.

L’économiste a mis à jour sa prévision, le jour même où Statistique Canada révélait que l’inflation annuelle avait grimpé en décembre à son niveau le plus élevé depuis 1991. L’indice des prix à la consommation affichait en décembre une hausse de 4,8 % par rapport au même mois un an plus tôt, a précisé l’agence fédérale. L’inflation annuelle canadienne s’était établie à 4,7 % en novembre.

« Nous avions écrit cette note avant le dévoilement de Statistique Canada », explique M. Perrault en entrevue, en marge d’une conférence virtuelle organisée par L’initiative Femmes de la Banque Scotia.

Les problèmes d’approvisionnement expliquent en partie cette mise à jour, affirme l’économiste. «C’est plus persistant. C’est moins temporaire que ce qu’on pensait.»

L’idée d’une remontée aussi rapide des taux à 2 % peut sembler subite, mais M. Perrault ne croit pas qu’elle ferait dérailler la reprise économique. Il estime qu’à 2 % en 2022, les taux réels demeureraient négatifs, c’est-à-dire que les taux d’intérêt seraient inférieurs à l’inflation. Il s’agit d’une condition qui est toujours stimulante pour l’économie.

L’équipe économique de la Banque Scotia croit que le produit intérieur brut réel (PIB) progressera à un rythme de 3,7 % en 2022 au Canada et de 3,3 % en 2023. L’inflation devrait atteindre, pour sa part, un rythme de 3,9 % en 2022 pour ensuite reculer à 2,7 % en 2023.

Le spectre d’une stagflation est-il possible si les perturbations de la chaîne d’approvisionnement perdurent pendant que l’économie ralentit ? M. Perrault ne le croit pas.

« Le problème d’approvisionnement est lié à une demande qui est très forte. Il y a eu un stimulus. Les ménages veulent dépenser. L’appareil de production mondiale a de la difficulté à combler cette demande-là.

« On en parle comme un problème d’offre, ajoute-t-il, mais fondamentalement le problème est qu’on veut acheter bien des choses et que c’est difficile d’acheter ces choses-là. »

La montée de l’immobilier va continuer

S’il est possible qu’elle tempère un peu la flambée des prix de l’immobilier, la hausse des taux d’intérêt ne devrait pas y mettre fin pour autant, croit M. Perrault. Le manque de logement entraîne un déséquilibre dans le marché qui favorise l’augmentation des prix, selon lui.

« Tant et aussi longtemps qu’on ne règle pas ce besoin fondamental, il est difficile d’entrevoir un environnement où les prix baissent quand les gens sont en manque de logement. »

En comparant la proportion de logements par habitant par rapport aux pays du G7, il faudrait construire environ 1,8 million de logements au Canada pour combler l’écart, note l’économiste.

En septembre dernier, l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) avait fait un constat similaire pour le Québec, où le problème est moins aigu qu’en Ontario ou en Alberta. L’APCHQ affirmait qu’il y avait un déficit d’entre 40 000 et 60 000 habitations au Québec.

L’inabordabilité du marché immobilier canadien pourrait devenir un facteur décourageant les personnes souhaitant immigrer au Canada, prévient M. Perrault. L’économie se trouve dans « un cercle vicieux » où elle a besoin de l’immigration pour combler la pénurie de main-d’œuvre et le déclin démographique, mais où l’arrivée de nouveaux citoyens vient augmenter la demande dans le marché immobilier sans que l’offre ne suive assez rapidement.

L’économiste craint que certaines personnes choisissent de s’établir ailleurs qu’au Canada, découragées par les prix de l’immobilier. Il n’est pas impossible que la tendance favorise l’accueil dans certaines régions où les prix n’ont pas connu la même flambée qu’à Toronto ou Vancouver, par exemple.

M. Perrault ne croit toutefois pas qu’on se trouve dans une bulle immobilière. « La demande est là, c’est le nombre de personnes. Ce n’est pas les investisseurs étrangers, qui investissent pour faire de l’argent, même s’il y en a un peu. C’est surtout un manque de maisons. »