Malgré l’ampleur de la chute des marchés financiers au printemps, les participants de régimes de retraite à cotisation déterminée (CD) ont gardé la tête froide. Plutôt que de se départir en catastrophe de leurs placements plus risqués, ils sont demeurés investis et ont ainsi pu bénéficier du fort rebond boursier qui a suivi.

Les données de Sun Life révèlent qu’à l’échelle canadienne, à peine 3 % des participants de régimes d’accumulation de capital ont modifié leur choix de placements pendant les semaines de forte volatilité des marchés en mars et en avril. Ces transferts de fonds au sein des régimes ont certes grimpé de 50 % par rapport à la même période en 2019, mais ils sont demeurés somme toute très marginaux.

« De façon générale, on n’a pas observé de grande vague de panique. La majorité des gens ont gardé leur calme », confirme Jean-Michel Lavoie, vice-président régional, Québec, régimes collectifs de retraite à la Financière Sun Life.

Il est aussi intéressant de noter que 40 % des participants qui ont apporté des changements à leurs choix de placement ont réduit le niveau de risque de leur portefeuille. Une proportion presque aussi élevée (38 %) a au contraire augmenté son exposition au risque dans l’espoir de tirer profit de la déconfiture boursière.

Il semblerait toutefois que ce sont les employés qui n’ont pas touché à leurs placements et qui sont restés investis dans les fonds à date cible par défaut qui ont obtenu les meilleurs rendements. « Notre échantillon est relativement petit pour l’instant, mais ce que l’on remarque, c’est que ceux qui ont vendu une partie de leur actif provenant d’un fonds à date cible pour l’investir eux-mêmes dans des fonds à la carte, en espérant timer le marché, ont eu de moins bons résultats que ceux qui n’ont rien fait », explique Jean-Michel Lavoie.

Saisir l’occasion

Si les participants ont très peu modifié les différentes options de leur régime de retraite, ils ont néanmoins été nombreux à ressentir le besoin de s’informer. Sun Life a en effet enregistré une hausse significative des demandes de renseignements par téléphone et par clavardage. « En mars et en avril, on a dû étendre les heures d’ouverture de nos centres d’appels pour répondre à la demande beaucoup plus élevée », précise Jean-Michel Lavoie.

Maintenant que la poussière est retombée, les employeurs devraient profiter de l’occasion pour accroître leurs efforts de communications, poursuit-il. « La crise a cristallisé un important besoin d’éducation des participants. C’est une belle occasion de faire la promotion des régimes en place, de stimuler une réflexion sur l’importance de l’épargne et d’inviter les employés à réévaluer leur profil de risque. »

Pour porter fruit, de telles actions doivent cependant être ciblées et mises en œuvre au bon moment, estime Jean-Grégoire Morand, associé chez Normandin Beaudry. « Les campagnes de communication massives mènent à l’inertie ; en temps de crise, l’information doit arriver rapidement. On veut que les gens comprennent que la meilleure chose à faire dans un tel moment, c’est de laisser leur argent dans le régime. Et pour ça, il faut leur expliquer que leur régime est conçu pour protéger leur actif. »

Faire de la rétention des actifs une priorité

Pour convaincre les participants de demeurer investis en temps de crise, les promoteurs de régime doivent être en mesure de démontrer que les solutions de placement au sein de leur régime de retraite résistent bien aux tempêtes, ce qui a effectivement été le cas dans les derniers mois, poursuit Jean-Grégoire Morand.

« À la fin mars, les marchés boursiers enregistraient des pertes de 30 % et plus, alors que les pertes dans les fonds à date cible des régimes d’accumulation de capital se situaient plutôt entre 5 et 15 % », rappelle-t-il.

Malgré leur bonne performance lors de la chute des marchés au printemps, l’actuaire s’inquiète toutefois que ces fonds n’évoluent pas suffisamment rapidement au cours des prochaines années, alors que les taux d’intérêt demeureront bas et que les perspectives de rendement des actions sont assez modérées. « Dans beaucoup de cas, ces fonds ne sont plus optimisés, parce qu’ils n’ont pas été mis à jour depuis longtemps, soutient-il. Les assureurs doivent intégrer des placements non traditionnels, comme de la dette privée, des placements privés ainsi que de l’infrastructure et de l’immobilier directs. »

En raison des nombreuses mises à pied qu’elle a entraînées, la crise de la COVID-19 a également mis en lumière l’importance de mieux soutenir les participants aux régimes lorsqu’ils doivent prendre une décision importante concernant leur actif accumulé.

« Sans nécessairement aller jusqu’à proposer des outils de décaissement collectif – ce qui demeure l’idéal –, les promoteurs devraient permettre à leurs anciens employés et leurs retraités de garder leur argent dans le régime au moins jusqu’à 70 ans, croit Jean-Grégoire Morand. Ce n’est pas une bonne idée de demander aux gens de prendre des décisions financières importantes lorsqu’ils traversent des moments très émotifs, comme une perte d’emploi ou un départ à la retraite. »

Cet article a initialement été publié par Les Affaires.