Ces régimes CD qui sous-performent les PD
Malgré ces progrès bien réels, la question des rendements demeure une préoccupation majeure dans les régimes d’accumulation de capital.

Une étude réalisée par Towers Watson aux États-Unis a par exemple révélé qu’entre 1995 et 2011, les rendements obtenus dans les régimes CD ont été en moyenne inférieurs de 76 points de base à ceux enregistrés par les régimes PD. Les travaux de deux chercheurs du Center for Retirement Research at Boston College, publiés en décembre 2015, concluaient de leur côté que les régimes PD avaient surperformé les régimes CD par une marge de 70 points de base entre 1990 et 2012. Cette différence non négligeable dans les rendements pourrait en partie s’expliquer par le manque d’expertise en gestion d’actifs des participants à des régimes CD, face aux gestionnaires professionnels mandatés par les régimes PD.

Selon Janick Chouinard, cet écart devrait toutefois disparaître d’ici quelques années avec la prédominance de plus en plus forte des fonds à date cible au sein des régimes CD. « Avant l’arrivée de ces fonds, on voyait beaucoup de participants massivement investis dans les marchés monétaires ou les CPG, ce qui faisait évidemment baisser les moyennes de rendement, dit-il. Aujourd’hui, 85 à 90 % des employés choisissent les fonds à date cible. À long terme, les rendements devraient donc être similaires à ceux des caisses de retraite PD. »

Pierre-Carl Michaud explique pour sa part qu’il faut considérer le taux de rendement obtenu sur les contributions des participants plutôt qu’uniquement le rendement sur les placements pour évaluer la réelle performance d’un régime. « Un employé qui change souvent d’emploi sans pouvoir transférer ses régimes PD risque d’être fortement pénalisé et d’obtenir au final un rendement plus faible que ce qu’il aurait pu générer avec des régimes CD, beaucoup plus facilement transférables d’un employeur à l’autre. » Autrement dit, le paternalisme ne paie pas toujours.

Les limites d’une caisse commune
Dans l’objectif de doper le rendement des régimes CD, les promoteurs pourraient-ils mettre en commun l’actif de l’ensemble des participants et le gérer en suivant une politique de placement unique, un peu à l’image des régimes PD?

Dans la réalité, Janick Chouinard observe plutôt la tendance inverse, soit la transition d’une caisse commune vers des caisses individuelles. « Je n’ai pas vu d’entreprises faire le contraire, mentionne-t-il. D’un point de vue administratif, les solutions de comptes individuels sont plus simples à gérer. »

Dans un contexte de régime CD, où c’est le participant qui assume les risques de marché, une telle approche n’a pas de sens, aux yeux de Kevin Lemay. « Les employés ne sont pas tous dans la même situation et n’ont pas tous le même profil de tolérance au risque. Pour les gens qui approchent de la retraite, une caisse unique qui est gérée en fonction de l’âge moyen des participants n’est pas l’idéal. Et c’est sans parler des risques de gouvernance  », croit-il.

Pour optimiser les rendements, il estime néanmoins que d’imposer un pourcentage de répartition minimum dans certains fonds en fonction de l’âge du participant pourrait être une solution à envisager.

Une question d’éducation
Les promoteurs de régimes jouissent d’une position privilégiée pour accroître les connaissances financières de leur personnel. Mais leurs efforts ne devraient pas s’arrêter à la planification de la retraite, croit Pierre-Carl Michaud. « Pour favoriser le bien-être financier, et ainsi la productivité de leurs employés, les employeurs auraient avantage à mettre en place des programmes de littératie financière complets, qui intègrent des notions de budgétisation, par exemple. »

L’éducation financière est une question de société qui ne revient pas juste à l’employeur, rétorque Kevin Lemay. « La littératie financière n’est pas suffisamment promue dans les écoles. Selon moi, la responsabilité doit être partagée entre les employeurs, le gouvernement et les individus. »

Le rôle des promoteurs concernant l’éducation financière demeure donc indéfini. Julien Michaud, analyste à l’éducation financière à l’Autorité des marchés financiers, estime que, malgré les interventions nécessaires des employeurs, l’individu doit se prendre en main. « C’est l’argent de l’employé, il a travaillé fort pour l’obtenir, c’est en partie à lui de s’assurer qu’il est bien géré. Il y a plein de ressources accessibles, les gens doivent faire leurs devoirs. »
Il souligne notamment la problématique des participants à des régimes CD qui investissent dans des REER ou des CELI individuels alors qu’ils n’ont même pas récolté la cotisation de contrepartie maximale offerte par leur employeur. « C’est là qu’on voit que le manque de littératie financière a un impact négatif sur la performance des régimes CD. »

En ce qui concerne les irréductibles, ces employés qui ne réaliseront probablement jamais l’importance de mettre de l’argent de côté pour la retraite, l’approche à adopter est plutôt simple, croit Janick Chouinard : une solution clé en main alliant une option de placement par défaut performante et un taux de cotisation assez élevé dès l’embauche.

«  C’est sûr que c’est triste de voir des gens ne pas cotiser du tout, admet pour sa part Kevin Lemay. On pourrait par exemple déterminer un nombre maximum d’années où les employés auraient la possibilité de ne pas contribuer au régime. On ferait alors preuve de flexibilité, tout étant un peu plus paternaliste de façon à s’assurer qu’un employé n’ait pas travaillé 30 ans pour nous sans avoir cotisé au régime. »

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