Attendre son 45e anniversaire pour commencer à épargner en vue de la retraite peut sembler insouciant, mais à bien y réfléchir, ce n’est peut-être pas une si mauvaise idée, croit René Beaudry.

« Selon les étapes de la vie d’un individu, la capacité d’épargner et les besoins de liquidités varient. On doit miser sur la flexibilité pour les entrées et les sorties de fonds », a expliqué l’actuaire et associé chez Normandin Beaudry lors d’une conférence organisée par la firme la semaine dernière.

En s’inspirant des travaux de Malcom Hamilton, expert de la retraite à l’Institut C.D. Howe, René Beaudry estime que la période optimale pour épargner en vue de la retraite se situe entre 45 et 64 ans. « Entre 25 et 44 ans, les gens doivent investir dans l’achat d’une maison et absorber les dépenses liées aux jeunes enfants. Est-ce le meilleur moment pour investir pour le long terme? », demande-t-il.

Considérant un scénario classique d’épargne dont l’objectif est d’assurer un revenu de remplacement à la retraite de 70 % (incluant les prestations des régimes gouvernementaux), un travailleur doit épargner environ 14 % de son salaire brut, et ce, du début à la fin de sa carrière.

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Selon les calculs de Malcom Hamilton, un couple ayant un revenu annuel de 120 000 $ à l’aube de la retraite disposerait, selon ce scénario, d’un montant de 42 000 $ disponible pour la consommation entre 25 et 44 ans, et de 83 000 $ à partir de 65 ans. « À la retraite, ce couple va donc avoir deux fois plus d’argent disponible pour la consommation que lorsqu’il avait des jeunes enfants à charge. Est-ce vraiment logique? », questionne M. Beaudry.

Ce couple pourrait tenter une toute autre stratégie : reporter son épargne-retraite. Dans ce cas-ci, son objectif ne serait pas d’atteindre le très critiqué seuil de 70 %, mais plutôt de maintenir le même niveau de vie entre 45 ans et le décès. Le chiffre magique serait alors de 54 %.

Pour y arriver, le couple pourrait ne rien mettre de côté pour la retraite jusqu’à l’âge de 44 ans, puis épargner 20 % de son revenu brut entre 45 et 64 ans, période où il a une plus grande marge de manœuvre financière. « Épargner 20 % de son revenu brut après 45 ans, c’est beaucoup plus facile que d’épargner 14 % à 25 ans », affirme René Beaudry.

Selon ce scénario, le couple aurait donc un montant disponible pour la consommation sensiblement plus élevé (51 000 $) entre 25 et 44 ans, la période où il en a le plus besoin. Et pas d’inquiétude pour la retraite; malgré un taux de remplacement plus bas que 70 %, ce couple va bénéficier d’un revenu disponible de 30 à 40 % plus élevé que celui qu’il avait en début de carrière.

« Je ne suis pas en train de dire de ne pas épargner avant 45 ans, mais plutôt d’épargner pour acheter une voiture comptant ou pour accumuler une plus grosse mise de fonds pour l’achat d’une maison par exemple », précise l’actuaire.

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Revisiter l’assurance longévité

Si on retarde l’épargne-retraite, pourquoi ne pas également retarder le versement des prestations des régimes gouvernementaux?

beaudryLe principal risque auquel sont exposés les retraités qui ne bénéficient pas des rentes garanties d’un régime à prestations déterminées (PD) est de survivre à leur épargne. Pour pallier cette éventualité, René Beaudry souhaiterait voir l’âge maximal d’obtention de la rente de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et du Régime de rentes du Québec (RRQ) passer de 70 à 75 ans.

« Les deux tiers des Québécois réclament leur rente du RRQ à 60 ans. Ils obtiennent ainsi un taux de remplacement du revenu égal à seulement 16 % du maximum des gains admissibles (MGA). S’ils attendaient à 70 ans, ils obtiendraient 35 % », déplore-t-il.

Selon les calculs de M. Beaudry, le fait de permettre aux retraités de retarder les premiers versements de la PSV et du RRQ à 75 ans permettrait d’atteindre un revenu de remplacement équivalant à 75 % du MGA, et ce, sans tenir compte des bonifications envisagées par Québec.

Grâce à cette « assurance longévité », les retraités n’auraient donc plus à craindre d’épuiser leur épargne avant leur décès. Les régimes gouvernementaux leur garantiraient un bon niveau de remplacement du revenu dans la deuxième partie de leur retraite.

Dans ce contexte, le rôle de l’épargne personnelle, provenant de régimes CD ou de REER par exemple, serait essentiellement de fournir la totalité des revenus de retraite avant l’âge de 75 ans.

« Si on permettait ça, il n’y aurait plus de problème de retraite au Canada », affirme sans détour René Beaudry, qui précise qu’il s’agirait d’une possibilité offerte aux retraités, pas d’une obligation.

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