La retraite n’est plus seulement une affaire de vieux. Jeunes et moins jeunes ont compris que le temps où les employeurs et les programmes gouvernementaux assuraient un revenu suffisant à la retraite est révolu. Il est maintenant essentiel pour les travailleurs de participer activement à leur propre épargne-retraite. Les employeurs ont massivement opté pour les régimes à cotisation déterminée et d’autres types de régimes de capitalisation afin de partager leurs risques. Ceux-ci s’avèrent actuellement les régimes les plus courants dans le secteur privé et leur présence a pour effet de renforcer la nouvelle réalité du travailleur.

Malgré ce virage important dans le marché, le désir d’assurer un revenu adéquat à la retraite demeure une priorité pour tous. Les nombreux efforts d’éducation des participants ainsi que l’amélioration continue de la structure des régimes d’accumulation de capital témoignent d’ailleurs de cet engagement. Pourtant, l’insuffisance des revenus à la retraite ne cesse d’être un risque prédominant. Pourquoi ? Principalement parce que près de trois participants sur quatre épargnent sans avoir répondu à la plus grande des questions : « de combien aurai-je besoin? ».

Dans le secteur de la retraite, il existe une règle universelle selon laquelle les nouveaux retraités auraient besoin de 70 % du revenu gagné au cours de leurs dernières années de travail régulier afin de maintenir le même niveau de vie. Certains spécialistes de la planification de la retraite s’expriment toutefois avec plus de réserve et suggèrent aux travailleurs de prévoir entre 60 % et 80 % de ce revenu. De nombreuses études ont également démontré que le lieu de résidence, la situation familiale, l’échelle de revenu et le style de vie désiré à la retraite auront une influence considérable sur le niveau cible de remplacement du revenu. Nous sommes finalement bien loin d’une règle universelle.

La problématique de l’épargne à l’aveugle
L’incertitude des revenus nécessaires à la retraite engendre un phénomène d’épargne à l’aveugle dont les risques sont amplifiés pour les participants de régimes d’accumulation de capital et les travailleurs qui ne bénéficient d’aucun régime de retraite. De façon répandue, sans objectif précis, les gens épargnent en espérant le meilleur. Comment s’assurer d’être sur la bonne voie et comment réduire le risque de faire face à des revenus insuffisants à la retraite s’il n’est pas possible de mesurer l’évolution de l’épargne par rapport à un objectif précis et de modifier les stratégies en place lorsque nécessaire ? Le vieil adage anglais « If you can’t measure it, you can’t manage it » (Si vous ne pouvez pas le mesurer, vous ne pouvez pas le gérer) prend ici tout son sens.

Les promoteurs de régimes et les travailleurs assument chacun une part de responsabilité dans l’établissement d’un objectif unique de remplacement du revenu à la retraite correspondant aux besoins spécifiques du futur retraité.

D’une part, les promoteurs de régimes d’accumulation de capital ont un devoir fiduciaire qui concerne notamment la communication aux participants et les outils d’aide à la décision.

D’autre part, l’employé doit établir le bilan des actifs qu’il détient, identifier ceux qui pourront être utilisés pour procurer un revenu à la retraite et élaborer le budget qui correspond à la liste de ses futures dépenses. L’exercice est indispensable pour fixer un objectif réaliste de revenu à la retraite et fait d’ailleurs partie des premières étapes des ateliers de planification de la retraite offerts par plusieurs employeurs. Indirectement, cet exercice permet aussi de tenir compte de toutes les caractéristiques propres à la situation personnelle de l’individu.

La priorité accordée aux connaissances financières
Sans égard aux prestations payables des régimes gouvernementaux, les revenus des futurs retraités proviendront du régime de retraite offert par leur employeur et de leur épargne personnelle. Pour les participants aux régimes d’accumulation de capital, la majorité de ces revenus dépendra de deux composantes : les cotisations versées et les rendements réalisés.

Beaucoup de travail est fait du côté des promoteurs de ces régimes afin d’offrir des options de placements performantes, compétitives du point de vue des frais et diversifiées, sans toutefois être trop nombreuses. Les efforts de communication sont concentrés sur l’accompagnement du participant dans la sélection de ses options de placements. On mise aussi sur leur éducation à l’égard des grands principes d’épargne qui se résument principalement à consolider son épargne-retraite pour profiter de frais de gestion avantageux, bénéficier du report d’impôt grâce aux déductions fiscales, s’assurer de maximiser la cotisation de l’employeur et le fameux « économiser tôt, c’est payant ». Tout ceci favorise l’accumulation du capital.

Par contre, l’éducation des participants par rapport à l’importance de leur niveau de cotisation n’est souvent pas optimale. En effet, le désir d’amener les participants à comprendre la littérature financière les éloigne d’un principe de base important : le niveau des cotisations est la variable sur laquelle le participant a le plus de contrôle et celle dont l’effet sur le niveau de remplacement du revenu qui sera atteint est le plus facile à quantifier.

Réaligner les campagnes de communication
Que ce soit dans un régime collectif ou par l’intermédiaire d’outils d’épargne-retraite individuels, les cotisations devraient être établies en fonction de l’objectif de remplacement du revenu de l’épargnant. On assiste toutefois à la situation inverse : l’épargnant détermine le niveau de remplacement du revenu qu’il pourra s’offrir à la retraite en fonction du niveau de ses cotisations actuelles.

Les promoteurs de régimes qui prévoient plusieurs taux de cotisations salariales font généralement la promotion de la flexibilité d’épargne ainsi offerte aux participants. On ne saisit cependant pas l’opportunité de leur expliquer que cette flexibilité permet notamment de fixer le niveau des cotisations en fonction de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de remplacement du revenu à la retraite. Pourtant, c’est en misant sur cette stratégie que les participants ont les meilleures chances d’y arriver. C’est aussi une façon idéale pour les promoteurs de présenter l’importance de se fixer un tel objectif et de suivre l’évolution de ses épargnes. C’est d’ailleurs sur ce principe que certains outils de gestion de régimes d’accumulation de capital proposent de s’appuyer afin d’accompagner les participants dans l’atteinte de leur objectif de remplacement du revenu. Enfin, pour les participants de régimes qui prévoient un taux fixe de cotisations salariales, cette réflexion est d’autant plus importante car ils ne peuvent compter que sur leurs épargnes personnelles pour réduire l’écart par rapport à leur objectif de revenu, s’il y a lieu.

Dans tous les cas, l’objectif commun demeure celui de maximiser les chances pour l’employé d’obtenir un revenu suffisant au moment de sa retraite.

Eva Helgerson-Imbeault, FSA, FICA, LL.M. Fisc. est actuaire chez Eckler.