Le portrait des régimes de retraite au pays a bien changé depuis les dernières années. Le virage vers l’adoption de régimes d’accumulation de capital dans le secteur privé est une réalité bien installée. Depuis l’éclatement de la bulle technologique au début des années 2000, cette tendance s’est accélérée alors que le pourcentage de régimes à cotisation déterminée (CD) dans le secteur privé est en forte hausse.
Malgré la mauvaise presse de ce type de régime depuis la crise financière de 2008, un régime CD n’est pas un mauvais régime en soi. Rappelons qu’ils offrent certains avantages non négligeables pour les participants, dont une certaine souplesse en matière de décaissement annuel et une liberté concernant la date de retraite. Or, ce type de régime ne comporte pas de garantie fondamentale de revenus comme c’est le cas d’un régime à prestations déterminées (PD).
Les participants à un régime CD doivent faire face à différents risques, notamment ceux liés aux investissements, à la longévité et à l’inflation. C’est pourquoi il est important de tous les prendre en considération lors de la mise en place d’un régime et des négociations avec les représentants de la main-d’œuvre. Il convient, d’ailleurs, de les introduire dans la réflexion quant au design du programme de retraite, ainsi que de revenir à la mission de base d’un régime de retraite : procurer aux participants un revenu viager de retraite. Par exemple, une conception incluant une formule de contrepartie, qui revient à dire que la cotisation de l’employeur est conditionnelle au versement d’une cotisation de l’employé, assure règle générale d’augmenter globalement le niveau d’épargne.
Un bon plan de communication devrait ainsi sensibiliser les participants au fait qu’ils renoncent à une forme de rémunération s’ils ne maximisent pas leurs cotisations. Généralement, cette stratégie provoque une hausse du niveau de cotisation ou, du moins, amène les participants à y réfléchir. D’un autre côté, un régime qui s’avère moins généreux pour des participants moins âgés ou moins expérimentés pourrait avoir des effets négatifs à long terme sur les sommes accumulées. Cela peut empêcher l’atteinte des objectifs de retraite; les participants au régime pourraient rater leur taux cible de remplacement de revenus ou encore se voir obligés de reporter leur départ à la retraite.
Cotiser davantage
Lors de la mise en place d’un régime CD, il est clair qu’on espère que les participants maximisent leurs cotisations en fonction du taux de remplacement de revenu visé. On ne voudrait certes pas avoir pour objectif que les participants cotiseront le minimum, sans maximiser la cotisation de l’employeur. De manière générale, on estime qu’un taux de remplacement de 70 % des revenus est acceptable et procure une retraite relativement confortable. Pour atteindre un tel niveau, on doit se constituer un fonds appréciable dans le régime d’accumulation, car les revenus provenant des régimes gouvernementaux ne sont pas suffisants pour atteindre ce niveau. Par exemple, un participant prenant sa retraite à 65 ans obtient un maximum de 25 % de remplacement de revenu pour la rente payable par la Régie des rentes du Québec.
Notons que le concept de la retraite est beaucoup plus abstrait pour un participant à un régime CD que pour celui dont l’employeur offre un régime PD. Si la formule de base pour déterminer le revenu de retraite demeure valide (Prestation = Cotisation + Intérêt), ce dernier est beaucoup plus volatil car l’élément fixe de l’équation diffère selon le type de régime. L’encadrement général, dont la communication et l’éducation, devraient donc constituer des priorités à mettre de l’avant, tel que stipulé dans les lignes directrices des régimes d’accumulation.
Éduquer pour mieux choisir
Compte tenu du niveau général d’intérêt à l’égard de l’épargne et de la retraite, il reste beaucoup d’éducation à faire, en particulier chez celui qui aurait par le passé bénéficié d’un régime PD. Ce dernier doit bien comprendre la manière de calculer les revenus à la retraite que procurera son régime CD. Une somme accumulée de 500 000 $ est un montant considérable. Par contre, un tel montant génèrera des revenus forts différents selon l’âge de départ à la retraite, comme en témoigne les données1 ci-après :
Avec une somme de 500 000 $, un participant d’un régime CD obtiendra une rente annuelle de :
55 ans : 26 700 $
60 ans : 30 200 $
65 ans : 35 000 $
Pour une espérance de vie équivalente, un participant qui désire prendre sa retraite à l’âge de 55 ans, tout en espérant une rente annuelle de 35 000 $, devra avoir accumulé 155 000 $ de plus et près de 80 000 $ à l’âge de 60 ans, et ce sans tenir compte de l’inflation.
Partir au bon moment
Les termes « retraite anticipée » ou « pré-retraite » sont fort populaires par les temps qui courent. Il s’agit d’un concept plus particulièrement utilisé dans les régimes PD, qui permet aux participants de partir à la retraite avant l’âge « normal » de retraite – habituellement 65 ans –, moyennant généralement un ajustement au niveau de la prestation de retraite. En ce qui concerne les régimes CD, le concept de rente anticipée n’existe pas vraiment, puisqu’au moment où un participant désire prendre sa retraite, son revenu de retraite se constitue en fonction des sommes accumulées durant sa vie active. La date de retraite, quant à elle, a un impact direct sur le remplacement de revenu, tel qu’illustré dans l’exemple précédent.
Règle générale dans un régime de retraite, les dernières années sont les plus payantes; c’est d’ailleurs encore plus vrai dans un régime CD. Prenons un montant de 500 000 $ accumulés à 55 ans. Si cet argent reste dans le régime, capitalisé à 5 % par année sans nouvelles cotisations, il produira 638 000 $ à 60 ans et 814 000 $ à 65 ans. Cela représenterait un revenu de retraite de 38 600 $ à 60 ans et 57 000 $ à 65ans.
La tendance actuelle dans le secteur privé – la transition vers les régimes CD ou un autre régime qui permet de mieux contrôler les coûts – n’est pas prêt de changer, ne serait-ce que pour des raisons de budget et de planification des dépenses de l’entreprise. Ainsi, il est important de bien encadrer les participants, dans la mesure du possible, afin de les sensibiliser quant à l’importance et aux bienfaits de la planification financière en vue de la retraite et ce, peu importe leur âge. Qui plus est, il faut les éduquer sur les produits de décaissement ou les services d’encadrement disponibles après la retraite afin qu’au moment venu, ils ne se sentent pas trop démunis. Ceci constitue d’ailleurs l’un des principaux défis auxquels font face les promoteurs de régimes et les syndicats pour assurer la réussite d’un régime de retraite CD.
Éric Tardif est conseiller principal, Conseils en gestion de placements, Consultation en régimes de capitalisation à Aon Hewitt.
1Ces données simulent un achat de rente viagère pour un homme en fonction des taux d’achat de rente en date du 30 juin 2014, stipulés par l’Institut canadien des actuaires.