L’Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite (ACARR) tenait le 14 juin un déjeuner-causerie intitulé « Le risque relié aux taux d’intérêt : Un vrai casse-tête pour les administrateurs de régimes ! » Trois conférenciers ont partagé leurs points de vue sur la question au cours de cette conférence, animé par le premier vice-président, Déposants, stratégie et chef des Opérations de la Caisse de dépôt et de placements du Québec, Bernard Morency.

Le premier à s’adresser aux gens de l’industrie présents le 14 juin dernier à l’hôtel Le Reine Elizabeth de Montréal, est le vice-président exécutif et chef stratège économique d’Addenda, Benoît Durocher, qui a d’abord dressé un portrait historique des déterminants des taux d’intérêt, et qui a rappelé que les 30 dernières années ont été marquées par une baisse constante des taux d’intérêt. Cependant, la variabilité de l’inflation a été relativement faible pendant cette même période. Selon lui, il est sensé d’être inquiet de la situation économique de la Chine. « Si la Chine tombe en panne, c’est toute l’économie mondiale qui tombe en panne », a-t-il souligné. Mais, selon lui, c’est réellement la situation en Europe qui est le principal facteur de hantise. Il affirme également que les États-Unis sont loin d’une récession, puisque la Fed fait tout ce qui en son pouvoir afin d’éviter une nouvelle récession. Même chose au Canada, où l’économie va bien, tout comme le marché du travail, explique M. Durocher. Pour lui, la conjoncture économique est propice à une reprise de l’inflation, qui se situe environ à 2 %.

M. Durocher expliquait également que le système financier est précarisé, parce que la vulnérabilité des économies est exposée. C’est pourquoi les banques centrales inondent les marchés de liquidité et font une sorte de répression financière. Elles veulent éviter à tout prix une désinflation, pire une déflation. Benoît Durocher a terminé sa présentation en disant que la situation économique actuelle devrait correspondre à une hausse des taux d’intérêt. Mais, comme il y a une peur des risques liés aux taux d’intérêt, notamment à cause des menaces de guerre entre l’Iran et Israël, du printemps arabe, etc., les taux n’augmentent pas. Ils croient que les taux d’intérêt finiront par augmenter, mais qu’ils n’atteindront pas les niveaux d’il y a 10 ans.

Pour Patrick De Roy, FSA, FICA, CFA, FRM, CERA Associé et Chef de la pratique nationale, Gestion des risques chez Morneau Shepell, il est nécessaire que les régimes de retraite aient un meilleur appariement. Dans un régime de retraite typique (60 % actions, 40 % obligations), explique-t-il, les risques liés aux taux d’intérêt sont de 40 %. Dans une caisse de retraite qui a mis en place des stratégies d’investissement guidé par le passif (IGP), les risques liés aux taux d’intérêt sont de 30 %. La stratégie la plus populaire dans l’industrie est d’attendre que les taux d’intérêt augmentent, ajoute-t-il. « Mais est-ce que ça vaut la peine de prendre le risque d’attendre? », a-t-il demandé.

C’est pourquoi M. De Roy propose des approches dynamiques, afin de gérer les risques liés aux taux d’intérêt. De cette manière, si les taux d’intérêt augmentent, au fur et à mesure que la caisse de retraite fait des gains, il est possible d’utiliser ces stratégies pour réduire les risques (dérisquer).

La première stratégie qu’il propose est de combiner le mandat obligataire de longue durée à une approche synthétique afin de réduire cette durée de façon temporaire. Cette approche permet :

  • des taux courants plus élevés;
  • une moindre grande exposition à une augmentation des taux à court terme;
  • une transition plus efficace;
  • une diminution de la compétition avec les autres régimes de retraite (une fois que le taux augmenteront).
La deuxième stratégie est d’augmenter la durée globale des actifs en utilisant des leviers. Cette approche peut même être instaurée avec des fonds communs, pour les plus petites caisses de retraite et permet :
  • de maintenir le même rendement à long terme;
  • de réduire les risques liés aux taux d’intérêt;
  • de faire en sorte que les taux d’intérêt à long terme soient plus élevés que les coûts d’emprunt;
  • le maintien du même rendement espéré à long terme, même quand la proportion en actions est moindre.
Finalement, M. De Roy propose une stratégie de ventes d’options sur des obligations avec un taux d’exercice plus élevé que le taux actuel. Cette approche fait en sorte que :
  • il est possible de faire un rendement additionnel provenant de la prime reçue si le taux d’exercice n’est pas atteint;
  • il est possible d’engranger des revenus additionnels si les taux restent stables et si les taux montent, ce qui permettra d’instaurer une nouvelle stratégie par la suite.

M. De Roy propose également aux caisses de retraite d’investir dans l’immobilier, les infrastructures, les terres agricoles, les obligations internationales et les actions à hauts dividendes, tout en faisant une mise en garde : « Ces stratégies comportent cependant une erreur de calquage plus élevée pour la couverture du risque de taux d’intérêt », précise-t-il. Il affirme également que les gestionnaires devront se demander si les risques reliés aux taux d’intérêt sont raisonnables.

Les dernières stratégies proposées par M. De Roy sont d’ailleurs celles que met en pratique la Caisse. Interrogé par Avantages.ca, le premier vice-président, Déposants, stratégie et chef des Opérations de la Caisse de dépôt et de placements du Québec, Bernard Morency explique que « les investisseurs de la Caisse veulent des rendements d’au moins 6,5 % ». C’est pourquoi la Caisse investit dans l’immobilier (centres commerciaux, immeubles à bureaux et multirésidentiels), dans les infrastructures, les pays émergents qui ont les meilleurs rendements. Leur stratégie consiste à être plus sélectif dans leur choix de crédit ou dans les marchés boursiers. La Caisse recherche les marchés les plus porteurs, et cible certaines géographies. M. Morency affirme que la Caisse n’est pas trop préoccupée par la possibilité de l’éclatement d’une bulle immobilière au Canada, puisque leurs investissements immobiliers ne sont pas résidentiels et qu’ils risquent d’être épargnés par une éventuelle bulle.

C’est Daniel Simard, coordonateur général de Bâtirente, qui offre des régimes de capitalisation aux syndicats affiliés à la CSN. Après avoir tracé un portrait de ce que fait Bâtirente, M. Daniel Simard a expliqué comment Bâtirent tentait de convaincre les retraités de rester au sein du régime, compte tenu que ce sont eux qui ont les portefeuilles les plus importants et que s’ils quittent, les frais de gestion augmenteront pour les autres employés. Bâtirente tente de concurrencer les institutions financières, et pour ce faire, ils offrent des services personnalisés aux futurs retraités, comme par exemple des sessions en milieu de travail pour les employés de plus de 50 ans et des ateliers de préparation à la retraite, avec le conjoint. De plus, les membres peuvent bénéficier d’un accompagnent individuel pour la planification de la retraite.