Pour les travailleurs ne bénéficiant pas d’un régime de retraite d’employeur, le prolongement de la vie active ne devrait pas être la seule solution au manque de revenus de retraite, soutient une économiste du travail américaine.

Dans son livre intitulé Work, Retire, Repeat : The Uncertainty of Retirement in the New Economy (Travailler, prendre sa retraite, recommencer : l’incertitude de la retraite dans la nouvelle économie), Teresa Ghilarducci s’oppose à l’idée que seul le fait de travailler plus longtemps serait la solution à la crise des retraites aux États-Unis.

Cette économiste du travail s’appuie sur plusieurs statistiques, qui montrent que le nombre d’années passées à la retraite est bien plus important pour les travailleurs bénéficiant d’un régime à prestations déterminées (PD), que ceux qui ont un régime à cotisations déterminées (CD), et encore plus que ceux qui n’ont pas de régime de retraite d’employeur.

Teresa Ghilarducci montre également que le nombre d’années passées à la retraite varie fortement selon le sexe, la race et le niveau d’éducation. Par exemple, les femmes disposant du plus haut niveau d’éducation vivent en moyenne à 19,7 ans à la retraite, tandis que les hommes ayant le plus bas niveau d’éducation vivent en moyenne 10,4 années à la retraite.

Cela signifie que les personnes qui disposent déjà du plus faible nombre d’années de retraite, sont ceux qui en ont le moins les moyens, et qui devraient donc travailler encore plus longtemps pour augmenter leur revenu de retraite… ce qui reviendrait encore davantage à diminuer leur temps à la retraite.

Par ailleurs, continuer de travailler à un âge avancé est nettement moins pénible dans certains métiers que dans d’autres. « Son argument le plus fort est que travailler plus longtemps peut convenir aux avocats, aux journalistes et aux candidats à l’élection présidentielle, mais que cela est préjudiciable à de nombreuses personnes dont le niveau de stress et les risques de mortalité sont accrus par le fait de travailler à un âge avancé », explique Peter Coy, chroniqueur au New York Times.

Pour Teresa Ghilarducci, la durée pendant laquelle les gens doivent travailler est plus une question de pouvoir dans la société qu’autre chose. « Il n’existe pas de réponse scientifique à la question de l’âge de la retraite », écrit-elle. « La retraite est une question morale, politique et sociale, pas scientifique. »

De plus, le fait qu’un grand nombre de travailleurs âgés s’accrochent à leur emploi parce qu’ils ont besoin du salaire et des avantages sociaux est néfaste pour les jeunes travailleurs, dont les salaires et les possibilités de promotion risquent d’être réduits, ainsi que pour les employeurs, parce que nombre de ces travailleurs âgés sont devenus moins productifs, mais ne peuvent pas être facilement licenciés, pointe Peter Coy.

Or, il est compliqué d’essayer de faire varier l’âge de la retraite en fonction de l’emploi et des capacités de chacun.

C’est pourquoi Teresa Ghilarducci propose de créer un nouveau type de régime public à adhésion automatique, mais à cotisations facultatives et partagées. Son idée est que, à côté du système public qui s’appuie sur la sécurité sociale aux États-Unis, les travailleurs ne bénéficiant pas de régime de retraite d’employeur puissent choisir de cotiser à un régime dans lequel le gouvernement verserait une cotisation de contrepartie. Chaque année durant laquelle un travailleur cotiserait à ce régime, il recevrait un crédit d’impôt de 600 $, quel que soit le montant de sa cotisation.

L’argent versé dans ce régime ne pourrait en aucun cas être utilisé pour autre chose que préparer le revenu de retraite du travailleur. Les enfants des cotisants n’y auraient pas accès. En effet, Teresa Ghilarducci remarque que les comptes 401(k) sont souvent considérés comme une épargne mise de côté qui sert à financer les études des enfants… ne laissant plus grand-chose au cotisant lui-même pour sa retraite.

Pour Teresa Ghilarducci, ce système permettrait aux travailleurs sans régime d’employeur d’avoir un complément salutaire. Ils pourraient alors choisir de prendre leur retraite dans des conditions décentes, ou de continuer à travailler si ils le souhaitent.