Les régimes de retraite publics du monde entier font face à des défis sans précédent, et pour y faire face, ils devront pouvoir compter sur une gouvernance sans faille, un équilibre parfait entre rendement et risque et une stratégie d’investissement orientée vers le long terme.

C’est le message qu’a lancé en novembre dernier Sudhir Rajkumar, chef du programme consultatif international de fonds de pension de la Banque mondiale. De passage à Montréal, il a insisté sur l’importance d’une structure de gouvernance solide dans la capacité d’un régime à respecter ses engagements.

« Une mauvaise gouvernance peut amputer les rendements de 1,5 % annuellement. C’est énorme », s’est-il exclamé dans le cadre d’une conférence organisée par l’Ordre des CPA. M. Rajkumar est également à la tête du régime de retraite des employés des Nations unies, qui compte plus de 200 000 participants et détient un actif de 61 G$ US.

Une structure de gouvernance efficace doit comprendre trois rôle clés, a-t-il expliqué : le comité de gestion, qui approuve les politiques de placement, les objectifs du fonds et le budget de risque; le comité de placement, qui définit les stratégies d’investissement; et le personnel, qui est en charge d’implémenter la politique de placement.

M. Rajkumar, a aussi déploré le fait que beaucoup de comités de gestion ont un taux de roulement trop élevé. « Pas plus du tiers du comité devrait changer chaque année, de façon à conserver un bon niveau de mémoire institutionnelle », a-t-il affirmé.

Si les lacunes de gouvernance menacent la viabilité de certains régimes à l’échelle mondiale, le Canada se positionne en revanche comme un chef de file dans le domaine. En effet, le pays se classe en première position d’un indice de transparence et de gouvernance des régimes de retraite élaborée par la Banque mondiale, devant la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud et la Suède.

La sélection des gestionnaires, une perte de temps?

Citant une étude parue dans le Financial Analysts Journal, Sudhir Rajkumar a soutenu que 91,5 % du succès à long terme d’un régime en matière d’investissement repose sur la répartition stratégique d’actif. La sélection de gestionnaires externes ne compterait que pour 4,6 % du succès à long terme d’un régime, alors que le rôle de la répartition tactique d’actif serait encore plus marginal (1,8 %).

Dans ce contexte, une erreur commune des comités de retraite à l’échelle mondiale est de passer trop de temps à sélectionner leurs gestionnaires d’actif, estime M. Rajkumar, qui qualifie cette pratique de « concours de beauté ». « Au final, de nombreux comités passent plus de temps à écouter les présentations de gestionnaires qu’à élaborer une répartition d’actif stratégique. Or, on sait que la sélection du gestionnaire n’a qu’un impact minime sur les résultats. »

Selon une autre étude, 80 % des ressources d’une caisse de retraite typique sont dédiées à la recherche d’alpha, une proportion beaucoup trop élevée, selon l’expert.

Une répartition d’actif stratégique efficace doit notamment être neutre, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas être dirigée en fonction d’une vision à court terme des marchés. Par contre, elle doit être révisée périodiquement et être guidée par le passif, a-t-il mentionné.

Les dangers d’une faible tolérance au risque

Malgré la chute des taux d’intérêt au cours des dernières décennies, à l’échelle mondiale, les caisses de retraite publiques investissent en moyenne 85,5 % de leur actif dans des obligations. « Il y a encore beaucoup de place pour la diversification », constate M. Rajkumar, qui a souligné l’importance de l’horizon de placement dans la sélection d’un profil rendement-risque.

Il estime que la tolérance au risque des investisseurs qui ont un horizon de placement très lointain, comme les régimes de retraite, devrait être plus élevée. « Les actions sont plus volatiles que les obligations, particulièrement à court terme, mais elles génèrent des rendements plus élevés sur une longue période », a-t-il soutenu, en ajoutant que le niveau de risque doit refléter l’aptitude d’une institution à prendre des risques, et pas la volonté de ses dirigeants à tolérer ces risques.

« Lorsque les responsables du régime ont une tolérance au risque inférieure à la capacité du régime à en prendre, ils se privent de rendements. »