Depuis le dépôt du rapport D’Amours en 2013, de nombreux projets de loi ont vu le jour pour pérenniser les régimes de retraite à prestations déterminées (PD) de la province. Quelle est la prochaine étape maintenant? Concentrer les efforts sur les régimes de retraite obligatoires, plaident trois signataires du rapport.

Devant les membres de l’Association de la retraite et des avantages sociaux du Québec (ARASQ) jeudi dernier, Alban D’Amours, Bernard Morency et René Beaudry ont affirmé qu’une « fenêtre extraordinaire » s’ouvre pour travailler au « 2e étage » du système de retraite et tirer avantage de la mutualisation pour assurer la sécurité financière des retraités de la province.

Rappelons que le rapport D’Amours compare le système de retraite québécois à une maison à trois étages : le 1er étage est constitué de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et du Supplément de revenu garanti (SRG), le 2e étage, du Régime de rentes du Québec (RRQ), et le 3e étage, des régimes complémentaires de retraite et de l’épargne personnelle.

Le désengagement des employeurs au 3e étage, qui se traduit par une transition vers les régimes à cotisation déterminée (CD), a « ébranlé un des piliers du temple », soutient Bernard Morency, premier vice-président, déposants, stratégie et chef des opérations à la Caisse de dépôt et placement du Québec. « Il faut se demander jusqu’à quel point ce transfert de risque est vraiment gérable pour les individus. C’est pourquoi il faut s’attaquer au 2e étage, où il y a eu beaucoup de discussions, mais peu de changements réels. »

Moderniser le système

Selon M. Morency, le design du système de retraite est ancré dans la réalité des années 1960. L’éclatement de la cellule familiale, la hausse du taux d’activité des femmes, le flou dans la transition travail-retraite et l’augmentation de l’espérance de vie sont tous des facteurs qui font pencher la balance en faveur d’une « rénovation des pièces existantes des premiers étages de la maison », c’est-à-dire le RRQ, la PSV et le SRG.

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« Si l’on considère que 80 % des travailleurs québécois travaillent aujourd’hui dans le secteur des services, et qu’il est donc plus facile pour eux de continuer à travailler à un âge avancé, est-il encore justifié de fixer un âge standard de départ à la retraite? Peut-on encore se permettre des régimes qui incitent les gens à se retirer dès 60 ans dans un contexte démographique défavorable? Par ailleurs, avons-nous toujours besoin d’une rente réversible au conjoint et de rentes aux orphelins pour tous? », a-t-il demandé.

Gérer le risque de longévité

Dans un contexte où le besoin d’adapter les régimes de retraite gouvernementaux à la nouvelle réalité des travailleurs est criant, René Beaudry, associé principal chez Normandin Beaudry, tient à souligner les avantages qu’offre le deuxième étage du système : frais de gestion plus bas grâce à la mise en commun de sommes importantes, rendements plus élevés grâce à la gestion par des professionnels, partage des risques de marché, et sans doute le plus grand avantage de tous, la mutualisation du risque de longévité à coût abordable.

Pour solidifier le 2e étage, il faut donc viser le risque que les individus ne peuvent pas gérer : le risque de longévité.

« On ne règle pas le problème du risque de longévité avec des REER. Les alternatives offertes au 3e étage pour répondre à cet enjeu, comme les rentes viagères, sont dispendieuses », a souligné M. Beaudry, en ajoutant qu’il faut économiser 30 % de plus sur une base individuelle que dans un régime collectif pour s’assurer un revenu jusqu’à l’âge de 95 ans.

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Les vertus de la rente longévité

La solution? La rente longévité, assure René Beaudry. Elle permettrait notamment de tirer avantage de la flexibilité offerte par la PSV et le RRQ, puisqu’il est possible de reporter le début de leur versement à l’âge de 70 ans. « En versant une rente longévité à partir de 75 ans, les régimes gouvernementaux se trouvent à gérer le risque de longévité, tandis que l’on maintient le rôle de l’épargne privée entre 60 et 75 ans. »

En plus de venir en aide aux travailleurs qui ne bénéficient pas d’un régime PD, une telle rente n’augmenterait pas le fardeau des employeurs cotisant déjà à un régime de retraite, explique René Beaudry. En tablant sur une rente de 16 % des gains jusqu’au maximum des gains admissibles (MGA), soit 0,4 % par année accumulé sur 40 ans, son coût s’établirait à environ 2 %, comparativement à 4 % pour le Régime de retraite de la province de l’Ontario (RRPO) et 7 % pour un régime pleinement capitalisé semblable au RRQ/RPC.

Selon M. Beaudry la rente longévité adopte une approche « modeste et ciblée sur l’âge » et se compare avantageusement au RRPO. « Le RRPO est un grand accomplissement politique qui a permis de mettre l’enjeu de la retraite sous les projecteurs, mais il manque de flexibilité, laisse peu de place au privé, ne couvre pas les travailleurs autonomes, est plus coûteux et solidifie le 3e étage plutôt que le 2e étage du système. »

Mais quelle que soit la solution privilégiée, il est temps de passer à l’action, a insisté Alban D’Amours. « Si vous pensez que ces mesures coûtent cher aujourd’hui, attendez de voir le coût de l’inaction. »

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