L’iniquité intergénérationnelle dans les régimes de retraite ne trouve pas seulement sa source dans les disparités de traitement : elle est bien présente au sein même des régimes PD.

« Le risque d’iniquité est parfois plus grand qu’on pense. À mon avis, les promoteurs ne s’en préoccupent pas suffisamment », indique Claudia Gagné, professeure adjointe au Département de mathématiques et de statistique de l’Université de Montréal.

Deux raisons principales peuvent expliquer qu’un régime soit considéré comme inéquitable par les participants : l’impression d’avoir payé plus de cotisations pour obtenir la même prestation que les employés plus âgés, ou l’impression d’avoir payé des cotisations équivalentes pour obtenir une prestation moindre. Dans certains cas, les deux facteurs se combinent.

La première étape que devrait franchir tout promoteur soucieux de l’équité intergénérationnelle de son régime est donc de définir et de mesurer ce risque. Mais que faire si la situation est réellement problématique ? C’est là que les choses se compliquent.

« C’est très difficile d’agir, il n’y a pas de solution magique », concède Claudia Gagné. La situation financière délicate des régimes oblige souvent les promoteurs à hausser le taux de cotisation des participants actifs, mais la législation en place rend très difficile, voire impossible, toute modification aux prestations des retraités. Résultat : le coût du régime grimpe pour les employés actifs, ce qui crée forcément de l’iniquité.

Si la problématique atteint un seuil critique, Claudia Gagné suggère aux promoteurs d’envisager des solutions intermédiaires pour les nouveaux employés, comme des régimes à prestations cibles ou des régimes de retraite par financement salarial. Sans totalement éliminer l’iniquité, ces solutions ont au moins le mérite de l’atténuer

La rémunération globale est également un outil à la disposition des employeurs. Un promoteur qui est incapable de résorber l’iniquité intergénérationnelle au sein de son régime de retraite pourrait par exemple tenter de compenser avec des assurances collectives plus généreuses pour les nouvelles recrues. « Les employeurs ont intérêt à faire preuve de créativité, mais ils ne doivent pas oublier que plus les solutions imaginées pour rétablir l’équité sont complexes, plus elles représenteront un défi de communication aux employés », prévient la professeure.

Ces intouchables retraités

La question peut se poser : les efforts pour assurer l’équité intergénérationnelle seront-ils vains tant et aussi longtemps que les prestations des retraités seront protégées par la loi, et que la seule façon d’assurer la pérennité des régimes sera d’augmenter les taux de cotisation des jeunes participants ?

Serge Cadieux, secrétaire général de la FTQ, est catégorique : « La législation garantit les prestations des retraités et cela doit rester ainsi. Les gens à la retraite ont des choix plus limités que les employés actifs. On ne peut pas leur dire de retourner travailler après dix ans de retraite.»

Il refuse même de voir dans l’augmentation des coûts des régimes PD pour les plus jeunes travailleurs une cause d’iniquité intergénérationnelle. « C’est tout simplement une question de démographie et de conjoncture des marchés. On ne peut pas dire qu’un épargnant qui cotise à son REER aujourd’hui est victime d’iniquité parce que les taux d’intérêt sont plus bas qu’il y a une vingtaine d’années », clame-t-il.

Même son de cloche au Conseil du patronat du Québec (CPQ), qui estime que les employeurs ont une responsabilité envers les anciens employés, des promesses à tenir. « Est-ce que ce serait vraiment plus juste de réduire les bénéfices des retraités ? », demande Yves-Thomas Dorval, président-directeur général du CPQ. Que faire, alors ? « Les jeunes sont mieux lotis avec un régime CD qu’avec un régime PD déficitaire», assure-t-il.

« On ne veut pas créer de problèmes aux retraités, mais on pense tout de même qu’il est possible de répartir l’effort en diminuant dans certains contextes leurs bénéfices, via l’indexation des rentes, par exemple », estime pour sa part Nolywé Delannon, présidente de Force Jeunesse.

Élargir le débat

Les retraités actuels défendent souvent leurs prestations en soutenant ne pas avoir profité d’un filet social aussi étendu dans leur vie de travailleur (centres de la petite enfance et congés parentaux, par exemple). Il s’agit d’un point qui mérite d’être soulevé, estime Claudia Gagné.

« J’adhère à la vision qu’il ne faut pas regarder les choses en vase clos. Mais considérer l’équité intergénérationnelle d’un point de vue plus global plutôt que seulement du point de vue de la retraite complexifie l’analyse. Il serait difficile d’en arriver à une réponse claire.»

Nolywé Delannon croit pour sa part qu’avec un marché du travail défavorable, un accès difficile à la propriété et des perspectives de retraite plus qu’incertaines, les jeunes travailleurs n’entrevoient pas l’avenir avec beaucoup d’optimisme. « Ce n’est pas dans l’intérêt des employeurs de laisser se perpétuer un climat de travail où des tensions existent entre les différentes générations d’employés », dit-elle.

Et si les entreprises ont un rôle important à jouer, le gouvernement aussi doit assumer ses responsabilités, juge André Sasseville, avocat spécialisé en droit du travail au cabinet Langlois. « Il existe un fossé générationnel flagrant dans plusieurs milieux de travail, les jeunes se sentent exclus. Pour que notre société continue de prospérer, il faudra que des changements majeurs s’opèrent dans les relations de travail.»

LIRE LA PREMIÈRE PARTIE DE CET ARTICLE>>>>