Le déclin des régimes à prestations déterminées (PD) est entamé depuis déjà bien longtemps au pays. Plusieurs experts se sont inquiété de cette tendance, qui semble irréversible, lors d’un colloque sur les régimes complémentaires de retraite organisé la semaine dernière par l’Observatoire de la retraite.

Entre 2002 et 2016, le nombre de régimes PD au Québec est passé de 941 à 660,selon les données de Retraite Québec. Bien qu’il y ait eu de nombreuses fusions de régimes au cours de cette période, il est évident que beaucoup de régimes PD ont été tout simplement fermés.

De telles statistiques, analysées dans un contexte de faibles dépenses publiques en matière de retraite au pays, inquiètent Frédéric Hanin, professeur agrégé au Département des relations industrielles de l’Université Laval. « Les dépenses publiques de retraite sont moitié moins élevées au Canada que la dans la moyenne des pays de l’OCDE », expose-t-il.

Citant l’indice mondial Mercer Melbourne, qui évalue annuellement les systèmes de retraite d’une trentaine de pays, M. Hanin souligne que les principaux problèmes au Canada sont la couverture insuffisante des régimes complémentaires de retraite, le taux d’épargne trop bas de la classe moyenne et la plus faible participation des personnes âgées au marché du travail.

Des conflits de plus en plus judiciarisés

Évidemment, le déclin des régimes PD n’augure rien de bon pour la sécurité financière des futurs retraités au pays. « Est-ce que l’on assiste à la fin d’un compromis social? Traditionnellement, les régimes de retraite étaient associés à une hausse de la productivité des entreprises. En échange de cette productivité, les employeurs octroyaient des avantages sociaux à leurs employés. Aujourd’hui, on met de plus en plus de responsabilités sur les épaules des retraités », explique-t-il.

Quels seront les principaux enjeux au cœur de la redéfinition des régimes PD au cours des prochaines décennies? Le professeur avance quelques hypothèses. Outre la disparition complète de l’indexation et des prestations accessoires, les achats plus fréquents de rentes collectives ainsi que la baisse des rendements sur les placements, Frédéric Hanin entrevoit une certaine tendance à la judiciarisation des conflits.

« La loi 15 en est un bon exemple. On a imposé le partage 50-50 du financement alors que l’on ne sait pas toujours qui est vraiment le promoteur du régime », soutient-il.

Rappelons qu’en juin dernier, la Cour d’appel du Québec a statué que le régime de retraite de la Fraternité des policiers de Montréal n’a pas été mis sur pied par la Ville de Montréal, mais par l’Association de bienfaisance et de retraite des policiers. L’association n’étant pas un organisme municipal, le régime des policiers n’est pas assujetti à la loi 15.

« La notion de promoteur n’existe pas dans la loi. Cela va devenir une question majeure au cours des prochaines années », poursuit M. Hanin.

Devant une judiciarisation accru des conflits en lien, devrait-on réécrire la loi sur les régimes complémentaires de retraite pour la rendre plus claire plutôt que de la modifier à la pièce en la rendant toujours plus complexe? « Ce serait beaucoup d’énergie dépensée qui ne contribuerait pas forcément à améliorer le système de retraite », croit Frédéric Hanin.

Les régimes PD plus efficients

La disparition progressive des régimes PD dans le secteur privé a des conséquences graves sur la sécurité financière des travailleurs, mais elle aura aussi des effets négatifs sur l’ensemble de l’économie, affirme Stéphan Lazure, conseiller principal et chef de pratique, retraite, chez PBI Conseillers en actuariat. « La contribution des régimes PD à l’économie est bien supérieure à celle des régimes à cotisation déterminée (CD), car ils ont la capacité d’investir à long terme, dans des grands projets d’infrastructure par exemple. Ils n’ont pas à penser court terme et liquidité comme les participants de régimes CD », expose-t-il.

Par ailleurs, plusieurs travaux de recherche ont démontré que le retour sur l’investissement est bien plus bas dans les régimes CD que dans les régimes PD. En cause : les rendements nets insuffisants et l’absence de mutualisation des risques de marché et de longévité.

« Une étude du National Institute on Retirement Security, aux États-Unis, a conclu que pour obtenir des prestations équivalentes à celles d’un régime PD, un participant de régime CD doit doubler son taux de cotisation. Il n’y a pas de doute que l’efficience des régimes PD est bien plus grande », affirme-t-il.

Cela dit, la transition vers les régimes CD semble irréversible, et des solutions existent pour les rendre plus performants, mentionne M. Lazure. Parmi celles-ci, le regroupement de différents régimes pour réduire les frais, l’implantation de prestations variables au sein des régimes pour aider les participants à décaisser plus efficacement leur actif et le transfert indirect du risque de longévité vers les régimes publics en permettant de reporter au-delà de 70 ans l’âge maximal pour recevoir le premier versement.

L’arrivée de nouveaux types de régimes sur le marché, comme les Régimes de retraite par financement salarial et les régimes à prestations cibles, sont aussi des avenues intéressantes, juge l’actuaire.

Retraite Québec entreprendra d’ailleurs cet automne des travaux portant sur le développement potentiel de régimes à prestations cibles dans la province. L’organisme gouvernemental lancera également des consultations en vue de réviser les règles de décaissement dans les régimes PD et CD, qui sont demeurées inchangées depuis le début des années 1990.