Après avoir refusé de signer l’entente de Vancouver en 2016, le ministre des Finances Carlos Leitão s’est finalement rallié à l’option du Régime de pensions du Canada (RPC). Il a ainsi tenu compte du point de vue prépondérant qui était ressorti en Commission parlementaire. Compte tenu de la Loi sur le RPC, le ministre a reconnu qu’une retraite moins généreuse au Québec serait allée à l’encontre du principe de transférabilité entre les deux régimes. Le projet de loi 149 contient toutefois quelques surprises, notamment en ce qui concerne la politique de placement et la possibilité de réduire la rente du volet supplémentaire.

Le cœur de la réforme se trouve dans le changement de la formule de rente. Actuellement, le RRQ remplace 25 % des gains de carrière ajustés jusqu’à concurrence du maximum des gains admissibles (MGA), lequel est égal au salaire industriel moyen, soit 55 300 $ en 2017. Sur la période s’étalant jusqu’en 2065, le taux de remplacement passera progressivement de 25 % à 33,33 % et le MGA sera augmenté de 14 %, soit 63 000 $ en 2017.

Pour financer cette amélioration, la cotisation combinée des employeurs et des employés sera augmentée entre 2019 et 2023 de 2,0 % sur les gains entre 3 500 $ et le MGA actuel. Sur les gains excédant le MGA actuel, jusqu’au nouveau maximum supplémentaire des gains admissibles (MSGA), la cotisation sera de 8,0 % appliquée en deux volets en 2024 et 2025. Les nouveaux fonds seront investis dans le Fonds du régime supplémentaire, un fonds capitalisé, contrairement au régime de base.

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Lgraphique-pourcentage-remplacement-revenua hausse des prestations sera étalée jusqu’en 2065 et sera modeste. Pour une personne gagnant la moitié du MGA, la rente augmentera de 6 885 $ à 8 849 $ une fois le régime à maturité. Mais pour la personne qui prend sa retraite à 65 ans et qui n’a pas d’autres revenus, le revenu total provenant des régimes publics augmentera d’à peine 642 $, passant de 19 496 $ à 20 138 $, puisque la récupération du Supplément de revenu garanti annulera une bonne partie de la hausse.

Les personnes qui gagnent plus que le MGA actuel seront les principaux bénéficiaires de la réforme. Pour la personne qui gagne 63 000 $, la rente du RRQ passera de 13 370 $ à 20 309 $ et son revenu total en provenance des régimes publics, si elle n’a aucune autre source de revenu, passera de 22 392 $ à 27 155 $.

Pour un couple type dont le revenu annuel serait de 40 000 $ + 20 000 $, le revenu total à 65 ans passerait de 32 268 $ à 36 646 $, là encore une hausse modeste en raison de la réduction du Supplément de revenu garanti de 2 378 $.

Une mauvaise surprise

Le gouvernement s’est donné la possibilité de réduire la rente initiale des futures cohortes de retraités à chaque fois qu’une évaluation actuarielle du RRQ recommandera une hausse du taux de cotisation pour le volet supplémentaire. L’article du projet de loi ne précise pas les motifs qui dicteraient une telle réduction : une mauvaise performance financière par exemple?

Une hypothèse plus vraisemblable est celle de l’introduction d’un « facteur de longévité » en raison de l’allongement de l’espérance de vie, mesure proposée par le gouvernement dans son document de consultation de 2016. En se basant sur l’exemple donné dans le document, on peut estimer que la réduction cumulative de la rente du volet supplémentaire entre 2025 et 2065 serait de 11,9 % et le taux de remplacement ultime du RRQ ne serait plus 33,33 %, mais plutôt 32,34 %. La portée de cette mesure devrait être clarifiée en commission parlementaire.

Autres rentes versées

Le projet de loi prévoit également les modalités de la rente d’invalidité et de la rente de conjoint. Sans entrer dans tous les détails, la partie fixe au niveau du régime de base demeurera et seule la partie variable sera augmentée. Dans le cas des rentes de conjoint survivant, le principe directeur a été de les fixer à 50 % de la rente du décédé.

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La taille du fonds

En raison du caractère capitalisé du nouveau volet, les cotisations dépasseront les dépenses jusqu’en 2054 et le fonds du Régime supplémentaire va croître pour toute la durée de la période de projection. Dès 2041, il surpassera le niveau de la réserve du régime de base et, en 2065, atteindra environ 2,3 fois la taille de ce dernier.

La politique de placement : un choix étonnant

Selon l’évaluation actuarielle déposée en même temps que le projet de loi, la sensibilité du volet capitalisé du régime aux rendements du fonds est cinq fois plus élevée que dans le volet de base. Il est donc envisagé que la répartition de l’actif du volet supplémentaire soit nettement plus conservatrice.

Répartition de l’actif des deux fonds du régime à compter de 2031 :

Catégorie d’actifRendement réel attenduRégime de baseRégime supplémentaire
Court terme1,2 %0,5 %3,0 %
Obligations2,2 %19,5 %42,0 %
Infrastructures5,0 %7,5 %7,5 %
Immobilier5,0 %14,0 %14,0 %
Actions5,0 %45,5 %28,5 %
Placements privés5,5 %13,0 %5,0 %
Total100,0 %100,0 %

Le changement envisagé est donc de réduire de 25 % la pondération en actions et placements privés et d’augmenter d’autant la pondération en obligations, ce qui a pour effet de réduire le rendement attendu du fonds de 4,7 % à 3,8 %, un changement qui a pour effet d’augmenter significativement le coût du volet supplémentaire.

Pendant ce temps, la pondération en infrastructures et en immobilier, dont le rendement attendu est égal aux actions, demeure inchangée. Pourtant, dans un rapport récent produit pour 10 grandes caisses de retraite, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec, le Boston Consulting Group souligne que l’une des caractéristiques centrales du modèle d’investissement particulier de ces caisses est l’utilisation d’actifs non traditionnels. Il affirme qu’« environ 32 % de leur actif est investi dans des catégories d’actifs non traditionnels (comme les infrastructures, les placements privés et l’immobilier) (…) Cette stratégie permet une plus grande diversification et un alignement avec le profil de leurs déboursements à long terme. » Cette question pourrait faire l’objet de questions et d’interventions en Commission parlementaire.

Michel Lizée est économiste retraité des Service aux collectivités de l’UQAM.

Les points de vue exprimés dans ce texte sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement ceux d’Avantages.

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