Lassés d’attendre que les libéraux respectent enfin leur promesse, les néo-démocrates ont déposé mardi en Chambre leur propre projet de loi sur un programme national d’assurance médicaments.
Les néo-démocrates et les libéraux ont conclu en mars 2022 une « entente de soutien et de confiance » qui prévoit que le NPD appuiera le gouvernement sur des votes clés aux Communes, afin d’éviter le déclenchement d’élections anticipées avant 2025. En échange, le NPD a obtenu la promesse que le gouvernement libéral fera avancer au Parlement certaines priorités néo-démocrates.
L’une de ces conditions était que les libéraux progressent vers la création d’un programme national universel d’assurance médicaments, en adoptant un projet de loi avant la fin de cette année.
Mais le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, et le porte-parole de son parti en matière de santé, Don Davies, soutiennent maintenant qu’ils remettent en question l’engagement réel du gouvernement libéral concernant ce programme.
« Nous avons constaté qu’avec ce gouvernement, même si les choses sont consignées par écrit, ce n’est pas une garantie, a déclaré mardi M. Singh en conférence de presse à Ottawa. Nous devons continuellement nous battre, faire pression, les pousser à livrer. »
M. Davies a souligné les développements récents au sein du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, qui ont reporté indéfiniment des réformes majeures sur le prix des médicaments au Canada.
« Le ministre de la Santé a suspendu les mesures qui réduiraient les coûts pour les Canadiens parce que l’industrie pharmaceutique l’exigeait », a accusé M. Davies.
Pression du ministre ?
À la fin de l’année dernière, le ministre Jean-Yves Duclos a écrit au président de cet organisme indépendant de régulation des prix pour demander que la période de consultation sur les changements proposés soit prolongée. Le ministre disait vouloir donner aux compagnies pharmaceutiques, aux groupes de patients, aux ministres provinciaux et à son cabinet plus de temps pour comprendre la réforme.
La lettre a provoqué un schisme au sein du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, qui s’est soldé par la démission de plusieurs de ses membres. Le ministre Duclos a nié à plusieurs reprises avoir exercé une pression indue sur ce régulateur indépendant.
« Nous sommes profondément préoccupés et je pense qu’il n’y a pas assez d’attention accordée à cette question. C’est très troublant », a déclaré M. Singh mardi.
Le ministre Duclos a confirmé mardi que son gouvernement menait toujours des consultations avec les provinces et les experts sur son propre projet de loi en matière d’assurance médicaments. « Beaucoup de travail reste à faire pour pouvoir déposer ce projet de loi d’ici la fin de l’année », a-t-il toutefois admis en se rendant à la réunion hebdomadaire du cabinet.
Alors que l’entente entre les libéraux et les néo-démocrates prévoyait spécifiquement que le projet de loi soit adopté d’ici la fin de l’année, M. Duclos a déclaré qu’il ne pouvait garantir qu’il y arriverait.
« C’est un gouvernement minoritaire. Nous ne contrôlons évidemment pas la Chambre des communes, mais nous ferons tout notre possible pour pouvoir à la fois déposer et faire adopter le projet de loi d’ici la fin de cette année », a-t-il déclaré.
L’entente entre les libéraux et le NPD n’était pas précise quant au contenu du programme qui devrait être inclus dans le projet de loi.
Un comité d’experts
La version néo-démocrate du projet de loi stipule qu’un programme fédéral d’assurance médicaments doit être universel, à payeur unique et public. M. Singh soutient que lors de la négociation de l’entente, l’an dernier, le NPD s’attendait à ce que le gouvernement libéral suive ces principes directeurs.
« Ils savaient très bien ce que nous voulions et ils sont donc prévenus, a-t-il déclaré mardi. Nous leur avons fourni la voie à suivre et nous allons maintenant attendre et voir ce que fait le gouvernement. »
Le projet de loi du NPD est basé sur les recommandations d’un rapport commandé par le gouvernement au Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance médicaments, dirigé par le docteur Eric Hoskins, a déclaré mardi le député Davies.
Le rapport Hoskins recommandait au gouvernement fédéral de collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, afin de mettre en place « un régime universel, public et à payeur unique » pour les médicaments d’ordonnance au Canada. M. Davies soutient que les libéraux ne s’y sont pas encore engagés.
S’il était adopté, le projet de loi n’obligerait pas le gouvernement à fournir un régime d’assurance médicaments, mais fixerait les paramètres de son fonctionnement.
Le projet de loi néo-démocrate demande également au gouvernement d’établir une agence indépendante des médicaments, afin de le conseiller sur les médicaments assurables et sur la façon dont les médicaments sur ordonnance doivent être utilisés.
Cela obligerait également le gouvernement à surveiller l’innocuité et l’efficacité des médicaments, et à négocier des accords de prix et d’approvisionnement avec les fabricants.
Or, le gouvernement est déjà en train de déterminer le mandat d’une telle agence. En 2021, Ottawa a fait appel à l’ancienne PDG par intérim de Santé Ontario Susan Fitzpatrick pour diriger le « Bureau de transition vers une Agence canadienne des médicaments ».