Tout en assurant que le gouvernement du Québec disposera d’un droit de retrait du programme national d’assurance médicaments dont l’annonce est imminente, le Nouveau Parti démocratique (NPD) implore la province d’écouter cette proposition qui « va carrément changer la vie de millions de personnes » plutôt que de la balayer du revers de la main comme il le fait actuellement.

« Le régime (québécois) actuel, il est imparfait, a résumé mercredi le chef adjoint du NPD, Alexandre Boulerice. Il y a des gens qui travaillent à temps partiel dans des épiceries qui sont obligées de cotiser à leur assurance collective. C’est 30 % de leur paye. Avant de dire “non” à ce monde-là, on pourrait-tu s’asseoir puis jaser ? »

Lors d’une mêlée de presse dans le foyer de la Chambre des communes, M. Boulerice a plaidé que le régime public-privé en vigueur au Québec impose « un fardeau immense » aux travailleurs, aux employeurs et au système de santé en général.

Or, le projet de loi jetterait les bases d’un régime national universel à payeur unique. Ce modèle, a-t-il rappelé, constitue le meilleur moyen de contrôler et de réduire le coût des médicaments au pays, selon l’imposant rapport Hoskins publié en 2019.

Le projet de loi devrait prévoir la couverture des contraceptifs et « la plupart » des médicaments destinés à traiter le diabète de type 1 et 2 dans un premier temps sous un programme universel à payeur unique.

Les « champs de compétence »

Mais le gouvernement du Québec entend « défendre » ses champs de compétence, a indiqué une porte-parole du ministre de la Santé du Québec, Christian Dubé.

« Nous exercerons notre droit de retrait. Nous voulons une pleine compensation financière, et ce, sans conditions », a écrit à La Presse Canadienne l’attachée de presse Audrey Noiseux.

Elle a mentionné que le gouvernement prévoit également « bonifier » les services de santé offerts dans la province.

Il est « dommage » et « triste » que le gouvernement de François Legault refuse d’« aider les jeunes femmes à avoir accès à des contraceptifs à tous les mois de manière gratuite », s’est désolé Alexandre Boulerice.

Tant le ministre Dubé que le premier ministre Legault et son homologue de l’Alberta Danielle Smith — l’autre province qui veut déjà exercer son droit de retrait — devront « s’expliquer devant leurs citoyens », a-t-il insisté.

Quant au droit de retrait avec pleine compensation, M. Boulerice a dit craindre que le Québec, plutôt que d’allouer les fonds à l’assurance médicaments, s’en serve à « des baisses d’impôts, (…) construire des routes ou un troisième lien ».

L’ancien premier ministre du Québec Jean Charest affirmait manquer d’argent pour financer les services, a-t-il relaté en exemple, puis « quand il a reçu l’argent du fédéral, il a donné une baisse d’impôt ».

Le Bloc réclame de la clarté

Quoi qu’il en soit, il est loin d’être évident qu’au chapitre du droit de retrait le gouvernement libéral minoritaire est sur la même longueur d’onde que les néo-démocrates avec qui ils ont convenu du projet de loi, l’un des piliers de l’accord qui leur permet de se maintenir au pouvoir.

« Entendez-vous avec vous autres, a lancé le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, lors d’un point de presse. Avant d’annoncer le mariage, allez souper au restaurant. Mais là, ils ne sont pas d’accord sur le fondement même d’il y a-t-il ou il y a-t-il pas de droit de retrait avec pleine compensation sans condition. »

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a évité deux fois plutôt qu’une de lui répondre directement à des questions posées à la Chambre des communes qui commandaient un simple « oui ou non ».

« On est là pour s’assurer que partout les gens puissent payer les prix des médicaments. On va travailler avec les provinces, y compris le Québec, pour s’assurer qu’il y ait une couverture d’éléments dont les Canadiens ont besoin », a plutôt affirmé M. Trudeau.

Le ministre fédéral de la Santé, Mark Holland, a été tout aussi énigmatique la veille appelant à « ne pas critiquer » un projet de loi dont la teneur n’a pas été révélée et à plutôt attendre son dépôt.

Selon le chef bloquiste, le « tout petit » programme d’assurance médicaments fédéral couvrira uniquement « des affaires déjà couvertes » par le gouvernement du Québec, si bien qu’il n’a « aucune valeur ajoutée ».

Il a d’ailleurs prévenu le gouvernement que son parti n’appuiera pas le budget fédéral « s’il y a une cenne (…) qui sert à faire une intrusion dans les compétences du Québec sans une compensation complète et inconditionnelle ».

Et à ceux qui croient qu’il n’a plus de rapport de force maintenant que la survie du gouvernement est assurée, il « suggère fortement (…) d’écouter ce que le Québec demande ».

« Et ce que le Québec demande ne sera pas véhiculé par le NPD, ne sera pas véhiculé par les conservateurs, et les libéraux devraient se mettre à l’écoute de ce que le Québec demande », a-t-il ajouté.

Le chef conservateur Pierre Poilievre ne s’est pas présenté devant les journalistes mercredi et n’a pas fait mention de cela durant ses interventions en Chambre.

Une annonce jeudi

Le ministre fédéral de la Santé, Mark Holland, devrait déposer jeudi le projet de loi visant à ouvrir la voie à un régime national d’assurance médicaments et à préserver ainsi un accord garantissant le soutien du Nouveau Parti démocratique (NPD) au gouvernement à la Chambre des communes.

Ottawa devrait également lancer un programme visant à couvrir les médicaments et les fournitures contraceptives et contre le diabète pour toute personne possédant une carte santé — une condition d’un accord conclu avec les néo-démocrates.

L’assurance médicaments est un pilier central de l’entente entre les deux partis, selon laquelle le NPD aide les libéraux à éviter une élection en échange de progrès sur une liste de priorités communes.

Son avenir semblait incertain au début du mois, dans une impasse de plusieurs mois sur la formulation du projet de loi et le nombre de médicaments couverts.

Le NPD a annoncé avoir conclu les négociations à la fin de la semaine dernière, à l’approche de la date limite négociée du 1er mars pour déposer un projet de loi.

Le porte-parole néo-démocrate en matière de santé, Don Davies, qui a dirigé les négociations pour le NPD, a déclaré que les derniers éléments avaient été mis en place au cours de la fin de semaine.

« Le NPD a simplement insisté sans relâche pour que nous construisions un système qui établisse un formulaire à payeur unique et une formule pour l’assurance médicaments, et je peux vous dire que le projet de loi fait cela », a-t-il déclaré.

La réticence des libéraux était en grande partie due au coût.

Un programme d’assurance médicaments à part entière coûterait au gouvernement près de 40 milliards $ par année une fois qu’il serait pleinement opérationnel, selon le directeur parlementaire du budget.

En décembre, les partis avaient convenu de repousser le calendrier initial, qui aurait permis l’adoption complète de la loi d’ici la fin de l’année dernière.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, avait menacé de se retirer de l’accord politique entre les partis si la nouvelle date limite du 1er mars n’était pas respectée.

Mais lui et son parti ont exprimé ouvertement leur désir de maintenir l’accord en vigueur et de voir un projet de loi sur l’assurance médicaments débattu à la Chambre des communes.

Le projet de loi devrait énoncer les principes qui sous-tendraient un éventuel plan fédéral d’assurance médicaments.

En raison du retard dans le dépôt du projet de loi, les libéraux ont accepté de lancer une couverture pour les contraceptifs, l’insuline et les fournitures pour diabétiques, comme les appareils de surveillance du glucose, a déclaré M. Singh.

L’Alberta et le Québec ont déjà déclaré qu’ils souhaitaient se retirer du programme et préféreraient investir cet argent dans leurs programmes de médicaments existants.

– Avec des informations d’Émilie Bergeron à Ottawa et de Thomas Laberge à Québec