La majorité des Canadiens pensent qu’un diagnostic de cancer aurait un impact sur leurs finances. 

À l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer, le 4 février, on apprend que la vaste majorité des Canadiens estime qu’un diagnostic de la maladie aurait une incidence sur leur situation financière. Certains pensent qu’ils devraient même s’endetter pour en assumer les coûts, révèle un nouveau sondage pancanadien effectué pour la Société canadienne du cancer (SCC).

Les résultats de l’étude montrent que 90 % des Canadiens croient qu’un diagnostic soudain de cancer aurait une incidence sur les finances de leur ménage, et 30 % d’entre eux disent qu’ils devraient s’endetter pour payer les coûts.

La Société canadienne du cancer évalue qu’en moyenne 655 personnes par jour ont reçu un diagnostic de cancer en 2023.

« Ça montre l’importance de mettre en place des politiques publiques ou de mieux soutenir les personnes atteintes d’un cancer », a commenté en entrevue David Raynaud, gestionnaire principal du Québec pour l’équipe de Défense de l’intérêt public de la SCC.

L’étude de l’Institut Angus Reid commandée par la SCC, à laquelle 2624 Canadiens ont participé, a une marge d’erreur de 1,9 %, 19 fois sur 20.

Les résultats ont montré que la moitié de la population canadienne ne connaît pas ou ne comprend pas bien l’étendue des frais à débourser pour le traitement du cancer.

La majorité des Canadiens savent que le traitement du cancer entraîne des dépenses personnelles, cependant 51 % ne savent pas qu’il y aura des frais à débourser de leur poche et ils ne sont pas conscients de toute l’étendue.

Il existe une panoplie de coûts méconnus comme les déplacements, l’hébergement, la garde des enfants, des crèmes, des médicaments et divers matériaux selon le type de cancer, par exemple pour le cancer du sein l’achat d’un soutien-gorge post-mastectomie ou des prothèses mammaires.

Sacrifier ses médicaments pour payer son loyer

Vanessa Percoco, âgée de 33 ans, qui a été confrontée à un diagnostic de cancer colorectal de stade avancé en 2022, n’a pas pensé à tous les coûts rattachés à ses traitements lorsqu’elle a appris qu’elle avait un cancer qui était répandu sur son estomac, dans son ventre, sur son péritoine et partout sur son colon. Les médecins ont dû lui poser une poche après une stomie pour lui sauver la vie.

Cette épreuve a été difficile pour Mme Percoco. Elle a eu 12 traitements de chimiothérapie assez intensifs pour combattre son cancer. « Avec tout cela, il a fallu que j’arrête de travailler, de faire de la suppléance et d’aller à l’école. Ma vie a été arrêtée au grand complet. Parce que dans le fond, il fallait que je sauve ma peau, il fallait que je reste en vie. Donc c’est certain qu’il n’y avait pas de retour possible au travail », a-t-elle déclaré.

Elle raconte que d’accepter son « nouveau corps avec un appareillage » a été un grand défi. Pendant un an et demi, Mme Percoco a porté un sac relié à son intestin qu’elle devait changer tous les quatre jours. À chaque changement, elle devait dépenser une cinquantaine de dollars.

Elle a précisé que le sac le moins dispendieux est remboursable par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), mais que selon ses besoins médicaux, notamment le fait qu’elle a subi une iléostomie qui part du petit intestin grêle, et pour avoir un meilleur confort, elle a opté pour un sac de meilleure qualité, mais plus dispendieux, dont une partie seulement est remboursable.

« On ne devrait pas être chargé pour ça, a dit Mme Percoco, qui souhaite davantage d’aide pour les personnes ayant subi une stomie. On reçoit un chèque, bien sûr, mais ça ne couvre pas tout ce qu’on dépense. »

Mme Percoco évalue qu’elle a dépensé de sa poche au moins 3000 $ en médicaments en 2023, sans compter ses nombreux frais de déplacement ainsi que des crèmes et vaporisateurs éliminateurs d’odeur pour ses sacs de stomie.

Mme Percoco considère qu’elle a été chanceuse puisque sa famille et ses amis l’ont appuyée financièrement. Malgré cela, elle a été confrontée à des choix difficiles. Elle a parfois sacrifié l’achat de ses médicaments pour assurer le paiement de son loyer ou pour se nourrir.

Elle n’est pas la seule. Selon l’étude de l’Institue Angus Reid, 70 % des répondants disent qu’ils auraient du mal à payer leur loyer advenant un diagnostic de cancer.

Deux tiers des Canadiens déclarent que le fardeau financier des soins liés au cancer aurait un impact significatif sur leur santé mentale et leur niveau de stress.

« C’est une maladie qui vient avec beaucoup de stress. Déjà le diagnostic, ensuite il y a des traitements qui peuvent être lourds. On devrait en tant que société agir pour qu’en plus de ça il n’y ait pas un fardeau financier », a affirmé M. Raynaud.

Craintes liées à l’emploi

Selon l’étude, 22 % des Québécois ne sont tout simplement pas au courant qu’ils devront débourser à la suite d’un diagnostic, ce qui est beaucoup plus élevé que dans les autres régions du Canada (14 % en moyenne).

M. Raynaud avance que la RAMQ pourrait jouer un rôle dans cette perception puisque le système québécois de couverture des médicaments est celui qui couvre le plus de médicaments différents à travers le pays.

Concernant les congés au travail, l’étude révèle qu’une personne sur quatre n’a pas confiance dans la sécurité de son emploi si elle doit s’absenter pour suivre un traitement. Un travailleur canadien sur trois craint même de perdre son emploi s’il choisit de suivre un traitement contre le cancer.

« Au Québec, on est la province qui a la meilleure loi de protection d’emploi au Canada. Quand vous êtes au Québec, vous avez 26 semaines de protection d’emploi garanties par la loi, et même après ces 26 semaines, votre employeur ne peut pas juste vous renvoyer pour des raisons médicales, il doit vous accommoder », a affirmé M. Raynaud.

Il a indiqué que dans d’autres provinces la protection d’emploi peut couvrir aussi peu que trois jours d’absence selon les conditions.

La grande majorité des Canadiens sondés estiment qu’il devrait y avoir des systèmes en place pour aider à payer les frais liés aux soins et traitements du cancer. Lorsqu’on leur demande qui devrait assumer ce soutien, le gouvernement est la réponse qui revient le plus souvent (57 %), suivi par les compagnies d’assurance (20 %).

« Cependant, le sentiment général est que le gouvernement n’est pas suffisamment performant pour relever ces défis », indique l’étude.

La Société canadienne du cancer a mis en place une ligne téléphonique d’aide et d’information sur le cancer, sans frais, au 1-888-939-3333.