Les femmes qui sont atteintes d’un diabète de type 1 rapportent ressentir plus de fatigue, et être fatiguées plus longtemps, que les hommes quand elles se trouvent en hypoglycémie, démontre une étude à laquelle a participé un chercheur montréalais.

On ne sait toutefois pas si cette fatigue a des causes physiologiques, ou si le phénomène est plutôt attribuable à une plus grande transparence des femmes face à ce qu’elles vivent.

Au strict minimum, cela met à nouveau en lumière l’importance pour les médecins de ne pas adopter une approche universelle lors de la prise en charge de leurs patients, de ne pas se concentrer uniquement sur les chiffres, mais plutôt de s’attarder à l’individu lui-même, a souligné le docteur Rémi Rabasa-Lhoret, de l’Institut de recherches cliniques de Montréal.

« Si les femmes ont beaucoup plus de fatigue par rapport aux hypoglycémies, on doit développer des stratégies peut-être encore plus intensives pour l’éviter, a-t-il dit. Chez les femmes, on doit probablement avoir une approche un peu différente pour les aider à gérer cette fatigue. »

Le docteur Rabasa-Lhoret et ses collègues écrivent dans le journal médical Diabetes Research and Clinical Practice que les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de rapporter une fatigue persistante et une anxiété après un épisode d’hypoglycémie.

L’étude a été réalisée dans le cadre du projet BETTER, qui est présenté comme étant le tout premier registre de surveillance des personnes vivant avec le diabète de type 1. Une vingtaine de « patients partenaires » y contribuent.

Un épisode d’hypoglycémie, a dit le docteur Rabasa-Lhoret, est souvent perçu par le personnel soignant comme un problème passager qu’on peut régler assez facilement « et on ne va quand même pas s’embêter avec tout ça ».

« Mais les patients, eux, nous disent que ça leur pourrit littéralement la vie », a-t-il rappelé. Les patients partenaires, a poursuivi le chercheur, considèrent que les professionnels de la santé « sous-estiment énormément » la fatigue qu’ils peuvent ressentir quand le taux de sucre dans leur sang est trop bas.

Et même si la notion de fatigue peut évidemment être très subjective, la nouvelle étude montre que les femmes ont davantage d’épisodes d’hypoglycémie que les hommes, « et surtout, elles nous disent qu’après ces épisodes, elles ressentent beaucoup plus de fatigue que les hommes », a dit le docteur Rabasa-Lhoret.

« C’est quasiment ignoré dans la littérature, a-t-il ajouté. Les gens nous disent que ce n’est pas seulement cinq minutes et puis ça remonte et ça va mieux, (ils traînent) une fatigue pendant des heures après ça, mais les femmes en parlent… Alors c’est toujours le même problème : est-ce que les femmes sont plus transparentes ? Est-ce que les femmes sont de meilleures historiennes ? Est-ce que les femmes expriment mieux leurs émotions ou est-ce qu’elles sont vraiment victimes de plus de fatigue ? Ça, l’étude ne permet pas d’y répondre. »

Et ce n’est pas là la seule différence entre les hommes et les femmes. Les femmes rapportent aussi que la régulation de leur taux de sucre est différente pendant leur cycle menstruel, un autre aspect qui est essentiellement passé sous silence dans la littérature scientifique. Le docteur Rabasa-Lhoret et ses collègues mènent actuellement une étude sur le sujet pour essayer d’y voir plus clair.

Il en va de même pour contrer les risques d’hypoglycémie lors de l’activité physique. Une autre étude à laquelle a participé le docteur Rabasa-Lhoret, celle-là publiée par Diabetes Care, montre que les hommes préfèrent manger un peu plus pour éviter un épisode d’hypoglycémie en faisant du sport, tandis que les femmes préfèrent réduire leur dose d’insuline de manière anticipée.

« J’entends très souvent lors de mes consultations les femmes dire qu’elles sont tannées de devoir manger pour pouvoir faire de l’activité physique, a-t-il dit. On fait de l’activité physique pour le bien-être, mais il y a aussi des fois une volonté de contrôler le poids ou d’éviter de prendre du poids. Et donc là aussi les deux sexes réagissent d’une façon différente. »

En termes de pourcentages, le pourcentage des femmes qui préfèrent avoir une attitude d’ajustement d’insuline est bien supérieur à celui des hommes, précise-t-il. Et inversement, le pourcentage des hommes qui préfèrent avoir une stratégie à base de glucides est bien supérieur.

« Généralement les hommes nous disent que c’est parce que c’est plus simple. Et les femmes nous disent que c’est dans une idée d’éviter d’aggraver un problème de poids potentiel », a dit le docteur Rabasa-Lhoret.

Les traitements qui sont proposés aux patients proviennent souvent d’études qui ont été réalisées auprès d’hommes. Les chercheurs réalisent toutefois, depuis quelques années, que l’efficacité des thérapies n’est pas toujours la même pour un sexe que pour l’autre.

Le principe de « médecine personnalisée » ou de « médecine de précision » a d’ailleurs le vent dans les voiles, et les travaux du docteur Rabasa-Lhoret trouvent leur place dans cette mouvance.

« Ce n’est pas une médecine de précision basée sur la mesure de la quantité de bactéries dans les selles, a conclu le docteur Rabasa-Lhoret. C’est de prendre le temps, au début de la rencontre, de demander au patient, “comment ça va ?” Et les jeunes médecins sont inconfortables avec ça, ils considèrent malheureusement que ça ne fait pas partie de leurs tâches. »

On estime qu’environ 530 millions de personnes vivaient avec le diabète en 2021, un nombre qui devrait plus que doubler à 1,31 milliard d’ici 2050.