Un grand nombre de Canadiens ne prennent pas tous les médicaments qui leur ont été prescrits par un médecin en raison des coûts élevés et d’une couverture d’assurance insuffisante, selon un sondage de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC et la Société canadienne du cancer.

À l’échelle nationale, 22 % des répondants indiquent avoir coupé des comprimés, sauté des doses ou ne pas avoir renouvelé ou s’être procuré leur ordonnance en raison du coût des médicaments.

Le sondage, réalisé par Léger auprès de 2048 Canadiens âgés de 18 ans ou plus, révèle également qu’une personne sur dix au pays atteinte d’une maladie chronique a abouti à l’urgence puisque, incapable de payer ses médicaments sur ordonnance, son état de santé s’était détérioré.

Une personne sur cinq au pays n’aurait pas une protection d’assurance médicaments adéquate (16 %), et plus d’une personne sur quatre (27 %) trouve difficile de payer ses médicaments. En outre, 28 % des répondants ont dû faire des choix qualifiés de « déchirants » pour payer leurs médicaments sur ordonnance comme couper dans l’épicerie, payer le loyer, l’hypothèque ou des factures en retard et contracter des dettes.

À la lumière de ses résultats, la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC et la Société canadienne du cancer pressent le gouvernement fédéral de mettre en place un régime national d’assurance médicaments. Huit personnes sur dix (82 %) estiment d’ailleurs qu’Ottawa « a la responsabilité de veiller à ce que tous les gens vivant au pays bénéficient d’un régime d’assurance médicaments sur ordonnance ».

« Le fait d’avoir à payer pour des médicaments sur ordonnance qui sauvent des vies, en plus de tous les autres coûts qui vont de pair avec un diagnostic de cancer, impose un fardeau financier que plusieurs personnes ne peuvent se permettre, affirme Andrea Seale, chef de la direction de la Société canadienne du cancer. Aucune personne ne devrait avoir à renoncer aux médicaments dont elle a besoin parce qu’elle n’a pas les moyens de se les payer. »

Les deux organismes à l’origine du sondage avancent qu’un régime universel d’assurance pour les médicaments essentiels permettrait au système de soins de santé d’économiser en moyenne 1 488 $ par personne malade par année en évitant les déplacements imprévus à l’hôpital.

« Si nous abordons la question uniquement d’un point de vue monétaire, il est plus rentable de contrôler une affection comme l’hypertension artérielle avec des médicaments d’ordonnance essentiels que les soins spécialisés nécessaires pour traiter les conséquences plus graves sur la santé, comme un accident vasculaire cérébral ou une crise cardiaque, entraînées parce qu’une personne n’a pas les moyens de payer ses médicaments », soutient Doug Roth, chef de la direction de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC.

Le rapport Hoskins sur l’assurance médicaments, qui a été publié par le gouvernement fédéral en 2019, soulignait que 7,5 millions de personnes au pays n’avaient pas d’assurance pour leurs médicaments sur ordonnance ou une protection suffisante pour payer leurs médicaments.

Régime national : le NPD s’impatiente

« Les excuses, ça suffit », s’est impatienté mardi le chef néo-démocrate Jagmeet Singh, à quelques semaines de l’échéance consentie aux libéraux pour présenter un projet de loi sur l’assurance médicaments.

Cela fait « des décennies » que les libéraux répètent « les mêmes excuses », a-t-il déploré, eux qui promettaient il y a « 30 ans » une assurance médicaments.

Or, la promesse fait désormais partie intégrante de l’entente « de soutien et de confiance » qui permet au gouvernement de Justin Trudeau de se maintenir au pouvoir avec l’appui du Nouveau Parti démocratique (NPD) lors des votes clés.

Le temps presse. La date butoir, initialement fixée à la fin de l’an dernier, a été repoussée au 1er mars. Il reste huit jours de séances de la Chambre des communes d’ici là.

Et le NPD est intraitable. Si elle n’est pas respectée, « il y aura des conséquences », continue de menacer M. Singh, qui considérera que les libéraux auront de facto déchiré l’entente.

« S’ils brisent l’entente, (…) il n’y a aucune garantie qu’on doit appuyer les projets de loi, qu’on doit aider avec le passage des projets de loi », a-t-il dit. Les néo-démocrates pourraient néanmoins continuer de maintenir les libéraux au pouvoir en appuyant le budget.

Le matin même, de nombreux ministres ont tour à tour assuré aux journalistes que les discussions entre partis progressent. La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a même assuré avoir confiance qu’« on trouvera une solution ».

Sans répondre directement à une question quant à la taille que pourrait réalistement avoir le programme et la façon dont cela se traduirait sur le déficit alors qu’Ottawa lutte contre l’inflation, Mme Freeland a noté que ces éléments correspondent à ses « principales considérations fiscales et économiques ».

À cette idée, M. Singh a répondu n’avoir jamais réclamé que le coût d’un tel programme soit inscrit au budget qui sera présenté dans les prochains mois, contrairement au « spin » des libéraux. « Vous ne pouvez pas continuer de briser vos promesses », a-t-il soupiré.

Le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a cependant évoqué qu’« en privé » les néo-démocrates pourraient être en train de faire « des demandes qui sont déraisonnables ».

Appelé à commenter, M. Singh a assuré que ce n’était pas le cas. Il a également confirmé que le NPD exige un régime d’assurance médicaments universel à payeur unique, ce qui semble être le principal point d’achoppement dans les négociations.

Ce modèle est celui que recommandait le Conseil consultatif du Canada sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance médicaments en 2019. M. Singh a insisté que c’est « le meilleur moyen » de faire économiser de l’argent à tout le monde : « les enfants dont je viens de parler, les aînés qui sont inquiets, les provinces, le gouvernement fédéral ».

Aux premières loges des discussions avec le NPD, le ministre de la Santé, Mark Holland, ne s’est pas entretenu avec la presse parlementaire. Son équipe a indiqué qu’il est aux Territoires-du-Nord-Ouest. Par le passé, M. Holland a souvent évoqué la nécessité pour le gouvernement d’être prudent sur le plan financier.

Le leader en Chambre des libéraux, Steven MacKinnon, a affirmé que les libéraux et néo-démocrates sont « assis à la même table » quand une journaliste lui a demandé si c’était le cas, étant donné la perception aux antipodes que les deux partis véhiculent quant à l’avancée des discussions sur l’assurance médicaments.

« Je peux vous affirmer que, tant du côté des ministres concernés que de mon côté quant aux opérations de la Chambre des communes, les discussions et les pourparlers vont bon train », a-t-il dit.

Le ministre des Transports, Pablo Rodriguez, a affiché la même confiance. « Je ne peux pas parler pour le NPD, mais je peux quand même parler comme membre du comité de suivi de l’entente et je vous dirais que, de façon générale, les discussions avancent », a-t-il dit.

M. Rodriguez a, au passage, mentionné que « personne n’a le goût d’aller en élections », lorsque questionné sur la possibilité que le gouvernement tombe sans entente avec le NPD.

Même son de cloche du côté du ministre de l’Innovation, François-Philippe Champagne, qui a lancé que les néo-démocrates devraient écouter la population.

« On a fait de belles choses ensemble. Puis je pense que, présentement, il y a encore des choses qu’on peut faire ensemble qui correspondent aux besoins qui sont exprimés par les Canadiens et les Canadiennes », a-t-il conclu.

Avec La Presse canadienne