Les patients qui souffrent d’une maladie rare se sentent souvent laissés à eux-mêmes par le système de santé, prévient une nouvelle étude montréalaise.

Les participants à l’étude déplorent notamment l’ignorance et parfois même l’arrogance du personnel soignant qui, trop souvent, les laisse entendre que le problème se trouve dans leur tête.

« On a vraiment été estomaqués à quel point les situations sont difficiles dans les interactions avec le personnel de la santé, a souligné un des auteurs de l’étude, le professeur Éric Racine de l’Institut de recherches cliniques de Montréal. On voit beaucoup de condescendance, de dénigrement, de discrimination, de comportement abusif aussi de la part du personnel de la santé. »

Même si de tels comportements ne sont « pas la norme », a-t-il ajouté, « il y a un risque et c’est vraiment déplorable ; c’est choquant à documenter ».

Les patients en viennent à développer une méfiance envers le système de santé, au point de refuser de demander des soins ou de n’utiliser le système qu’au strict minimum, a prévenu M. Racine.

« Quand une personne fait l’objet de comportements abusifs et harcelants de la part du personnel de la santé, ça mine beaucoup la confiance future envers les soins de santé et les services sociaux », a-t-il dit.

Syndrome d’Ehlers-Danlos

Les résultats de cette étude s’appuient sur les questionnaires remplis par une centaine de patients âgés de 19 à 75 ans, qui souffraient ensemble de 82 maladies rares différentes. Les trois quarts des participants avaient une seule maladie, mais un d’entre eux en avait six.

La maladie rare la plus commune parmi les participants, à 16 %, était le syndrome d’Ehlers-Danlos, un trouble qui affecte les tissus connectifs du corps. La peau de ceux qui en sont atteints peut être très fragile, ou la paroi de leurs vaisseaux sanguins ou de leurs intestins peut se rompre facilement.

Les participants à l’étude ont rapporté une multitude de problèmes, d’un délai avant d’obtenir un diagnostic jusqu’aux médecins qui refusent de les traiter en passant par le manque de disponibilité des soins et des ressources dont ils auraient besoin. Ils ont aussi témoigné de l’impact négatif de leurs problèmes de santé sur leur carrière, leurs études, leur niveau de vie, leur santé mentale et leurs interactions avec leur entourage.

Une femme atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos a ainsi raconté aux chercheurs avoir été reçue, après trois mois d’attente, par une interniste qui lui a dit qu’elle n’avait « rien », qui ne semblait pas avoir étudié son dossier et qui n’a pas voulu l’écouter quand elle a voulu lui parler de ce syndrome.

« Elle était arrogante, condescendante et fermée d’esprit », a dénoncé la patiente.

Un patient atteint d’une autre maladie a raconté avoir été envoyé en psychiatrie quand il s’est présenté à l’urgence avec une douleur insupportable.

« Un sentiment qu’on documente dans notre étude, c’est le sentiment d’abandon par le système de santé, a dit M. Racine. Et c’est vraiment déplorable. Il faut mieux accompagner les personnes. »

Mal étudiées et mal comprises

Une maladie rare, a rappelé Éric Racine, touche tout au plus une personne sur 2000. Ce sont donc des problèmes de santé qui sont mal étudiés et mal compris, au point où certains professionnels de la santé pourront même douter de leur existence.

« On a tendance (…) en fin de compte à dire que la maladie est entre les deux oreilles de la personne, et puis ça, ça nuit aussi à la crédibilité de réaliser des études sur ces maladies, a-t-il dit. Il y a beaucoup de chemin à faire pour sensibiliser aux dimensions humaines et médicales des maladies rares. »

Ce manque de connaissances mêlé à la stigmatisation dont sont souvent victimes les patients atteints de maladies rares crée un « cocktail explosif », a indiqué M. Racine.

S’il est plus simple pour nous de comprendre des problèmes de santé comme le diabète ou le cholestérol parce que l’on connaît des gens qui en souffrent, a-t-il dit, il faut reconnaître l’impact collectif des maladies rares.

On retrouve au Québec entre sept et huit mille maladies rares qui, au total, touchent environ 500 000 personnes, sur une population totale d’environ huit millions d’habitants. C’est donc à dire qu’un peu plus de 6 % des Québécois doivent composer avec cette réalité. Malgré cet « éparpillement », a rappelé M. Racine, « collectivement, ça a un gros impact sur notre société ».

Le gouvernement du Québec s’est doté d’une politique sur les maladies rares en 2022, puis plus récemment d’un plan d’action sur les maladies rares, et il fait bonne figure à ce chapitre à l’échelle canadienne, a souligné M. Racine.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par la revue scientifique HEC Forum.