Il ne fait aucun doute que la population apprécie les régimes privés, même si les discussions sur l’assurance médicaments sont remises sur la table. Selon une étude récente d’Abacus Data, 78 % des répondants ont estimé que les régimes collectifs augmentaient la disponibilité et l’abordabilité des services de santé au Canada, au lieu de nuire à la couverture santé universelle. En outre, 92 % des répondants souhaitaient que des politiques publiques renforcent et encouragent le recours aux régimes collectifs offerts par les employeurs dans tout le pays.
L’intention du gouvernement libéral d’adopter une loi canadienne sur l’assurance médicaments en 2023 est l’occasion d’évaluer la façon dont les régimes privés d’assurance maladie peuvent offrir le plus d’avantages possible à la population. Lors de son dernier sommet sur les politiques, Médicaments novateurs Canada (MNC) a réuni les principales parties prenantes du secteur de l’assurance maladie privée au pays afin d’explorer les perspectives d’avenir des régimes privés d’assurance médicaments et de déterminer l’importance de la collaboration et de l’innovation pour leur avenir.
Le régime mixte public-privé fonctionne au Canada
Selon le Conference Board du Canada, plus de 97 % des habitants, soit 36,8 millions de personnes, sont admissibles à une certaine forme d’assurance médicaments par l’intermédiaire de régimes publics ou privés. Plus de 24 millions de personnes sont inscrites à un régime privé et près de 25 millions de personnes sont admissibles à un régime public. L’écart entre le nombre de personnes assurées et de personnes non assurées a diminué de près de la moitié : il est passé de 5,2 % en 2016 à 2,8 % en 2020.
Le journaliste et chroniqueur national en matière de santé, André Picard, qui a animé le sommet, a fait remarquer que le système de santé canadien mixte public-privé, bien que compliqué sur papier, fonctionne « plutôt bien » pour la population puisque presque tout le monde a accès à une forme de régime d’assurance s’il le souhaite.
« L’élargissement du régime public d’assurance médicaments suscite une certaine méfiance, car les gens craignent ce qu’ils pourraient perdre et ils ont raison d’avoir ces inquiétudes, a déclaré M. Picard. Quand je pense à l’assurance médicaments, l’objectif a toujours été de faire en sorte que chaque personne ait le meilleur accès possible aux médicaments d’ordonnance essentiels. Le fournisseur du régime d’assurance n’a pas vraiment d’importance pour le public. »
Selon Pamela Fralick, présidente de MNC, le marché de l’assurance maladie privée offre non seulement un accès rapide à un grand nombre de médicaments par rapport aux régimes publics, mais aussi l’agilité nécessaire pour favoriser l’innovation dans les modèles de remboursement, le partage des données, les affaires et la collaboration, qui sont importants pour l’avenir du secteur.
Les assureurs qui copient les régimes publics font diminuer la valeur du marché
Des risques émergents pèsent toutefois sur la valeur du marché de l’assurance privée, car certains assureurs privés tentent de copier les régimes publics, a averti John Adams, président bénévole du conseil d’administration de la Coalition pour de meilleurs médicaments, qui compte 29 organisations de patients et représente les intérêts de millions de patients canadiens.
M. Adams, dont le fils a participé avec succès à un essai clinique pour le traitement de la phénylcétonurie (PCU), a souligné l’importance de la rapidité et de l’étendue de la couverture pour les patients dès qu’un traitement révolutionnaire est accessible, et la nécessité de maintenir ces aspects comme des facteurs de différenciation importants pour le secteur de l’assurance maladie privée.
« Je mets le secteur privé au défi de continuer à prouver sa valeur en faisant mieux que les régimes publics d’assurance médicaments en matière de rapidité et d’étendue de la couverture », a déclaré M. Adams.
M. Adams reconnaît que, si l’avenir est aux nouvelles thérapies, il y a un risque supplémentaire pour les petites entreprises qui pourraient faire face à des réclamations coûteuses. Il a mentionné qu’il fallait réfléchir de manière innovante à des groupes nationaux de partage des coûts pour aider à couvrir les médicaments coûteux.
M. Adams a également demandé aux assureurs de santé privés de créer des possibilités pour tenir compte de l’avis des patients lors des décisions concernant les remboursements privés et de s’engager à couvrir sans délai les nouveaux médicaments dès qu’ils sont approuvés par Santé Canada.
« Les patients sont des employés, et l’assurance maladie concerne leur santé, leur bien-être, leur productivité et leur longévité, a-t-il affirmé. Investissez dans votre personnel, votre capital humain, et assurez-vous qu’il a accès aux médicaments novateurs nécessaires. »
Il est question de bien plus que des médicaments sur ordonnance
Les tendances en matière de régimes privés d’assurance maladie ont connu des changements importants, en grande partie sous l’effet de la pandémie de COVID-19 et d’un marché du travail mené par les employés, a expliqué Sarah Beech, présidente générale régionale, région centrale, Gallagher Insurance.
« Lorsque nous examinons les tendances en matière de régimes privés d’assurance maladie, il s’agit vraiment de bien plus que de médicaments sur ordonnance, a indiqué Mme Beech. Par le passé, les médicaments sur ordonnance pouvaient représenter 65 à 85 % des coûts des régimes privés d’assurance maladie, mais le véritable changement dans les habitudes de réclamation a été une augmentation considérable du recours aux autres praticiens [comme les massothérapeutes ou les chiropraticiens], alors que les régimes d’assurance médicaments se sont stabilisés ces dernières années. »
Mme Beech a présenté l’étude de cas de l’un de ses clients pour lequel le coût des médicaments sur ordonnance a baissé l’année dernière, alors que celui des autres praticiens a augmenté de 26 %, en précisant qu’elle observait cette tendance dans plusieurs portefeuilles.
L’avenir sera axé sur l’innovation et la collaboration
Le marché privé joue un rôle important dans l’écosystème des sciences de la vie lorsqu’il s’agit de l’adoption de l’innovation, selon Jason Field, président et chef de la direction de Life Sciences Ontario.
« Alors que les innovateurs en soins de santé continuent de repousser les limites de la médecine moderne, les payeurs d’assurance maladie doivent prendre en compte la valeur et pas seulement le coût de l’innovation », a déclaré M. Field.
À l’avenir, une collaboration poussée entre les assureurs de santé privés et les compagnies pharmaceutiques sur des solutions de remboursement créatives, comme les modèles de rémunération au rendement, sera nécessaire pour couvrir les médicaments très coûteux qui ont de meilleurs résultats sur la santé des patients, selon Joe Farago, directeur exécutif, Payeurs privés et investissements, chez MNC.
« Le marché privé constitue une source d’accès précieuse pour les patients canadiens. L’industrie [pharmaceutique] est prête à collaborer avec les parties prenantes du marché privé pour faire en sorte que les promoteurs de régimes obtiennent la meilleure valeur possible pour ce qu’ils paient », a indiqué M. Farago.