Le Canada devrait créer un système d’assurance médicaments offrant un accès gratuit aux médicaments essentiels à toute personne possédant une carte d’assurance-maladie et permettant aux assurances privées de continuer à jouer un rôle, selon un rapport d’un comité d’experts publié vendredi.
« L’assurance médicaments peut et doit être mise en œuvre dès maintenant », a déclaré le Dr Navindra Persaud, président du comité consultatif et médecin à l’hôpital St Michael de Toronto.
Le comité a été chargé l’an dernier de présenter un rapport à la ministre de la Santé sur la meilleure façon de mettre en place et de financer un programme d’assurance médicaments universel à payeur unique.
La création de ce comité était une exigence de la Loi sur l’assurance médicaments, entrée en vigueur en octobre 2024. Cette loi était le fruit d’une entente d’offre et de confiance entre les libéraux et le NPD, qui a soutenu le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau.
La ministre de la Santé, Marjorie Michel, a reçu le rapport en octobre et celui-ci a été rendu public vendredi.
Le comité a indiqué que le modèle qu’il recommande éliminerait la nécessité de négocier des ententes individuelles avec les provinces et les territoires ; une démarche qui s’est avérée complexe et chronophage.
La première phase du régime d’assurance médicaments, qui vise à garantir l’accès gratuit aux contraceptifs et aux médicaments contre le diabète, exige des ententes bilatérales avec les provinces et les territoires.
Dr Persaud a souligné que, depuis l’entrée en vigueur de la loi il y a un an, seules quatre ententes ont été signées et que plusieurs provinces ont indiqué ne pas être intéressées par des négociations.
« Il est clair que les ententes bilatérales n’ont pas fonctionné », a-t-il déclaré.
Le programme souffre également d’un sous-financement. Le gouvernement précédent avait prévu un budget de 1,5 milliard $ sur cinq ans, mais plus de 60 % de cette somme est déjà allouée à seulement trois provinces et un territoire. Le plus récent budget fédéral ne prévoit aucun nouveau financement pour le régime d’assurance médicaments.
Liste de médicaments essentiels
Le comité d’experts a déclaré que « la responsabilité du gouvernement fédéral est de protéger en priorité le droit à un niveau minimal de médicaments essentiels ».
À cette fin, il recommande au gouvernement d’établir une liste de médicaments essentiels.
Dr Persaud a indiqué que l’Organisation mondiale de la Santé propose une liste de médicaments essentiels que les pays peuvent utiliser comme point de départ. Bon nombre de ces médicaments seraient des génériques peu coûteux, disponibles en grande quantité — comme des antibiotiques, des médicaments pour les maladies cardiaques et le diabète, et des traitements contre le VIH.
Le comité a exhorté le gouvernement fédéral à fournir un financement durable à toutes les provinces et tous les territoires afin de couvrir intégralement le coût des médicaments figurant sur la liste des médicaments essentiels.
Le rapport précise que les provinces et les territoires, responsables de la prestation des soins de santé, devraient consacrer les économies réalisées grâce aux régimes d’assurance médicaments existants à l’amélioration de l’accès aux soins de santé primaires.
Pour les personnes titulaires d’une carte d’assurance-maladie, le coût d’une ordonnance pour un médicament essentiel serait nul dans le cadre d’un tel système.
Et si un patient se voyait prescrire un médicament ne figurant pas sur la liste, a ajouté Dr Persaud, il devrait s’adresser à son assureur privé ou payer de sa poche.
La liste est évolutive et le comité a estimé qu’un organisme indépendant devrait en assurer la gestion afin de la protéger de toute influence politique.
« Dans pratiquement tous les autres pays qui possèdent une telle liste, n’importe qui peut proposer un ajout. Il peut s’agir d’un patient, d’une entreprise pharmaceutique, d’un médecin ou d’un groupe de médecins », a déclaré Dr Persaud.
Le rapport déconseille une approche de couverture partielle qui n’offrirait une assurance médicaments qu’aux personnes sans assurance privée, à l’instar du programme fédéral de soins dentaires.
En septembre, un groupe de représentants des industries pharmaceutiques et des assurances a plaidé en faveur de ce modèle pour l’assurance médicaments, compte tenu du nouveau contexte budgétaire engendré par la guerre commerciale américaine.
Dans sa lettre à Mme Michel, le comité a fait valoir que l’assurance médicaments permet de renforcer le précieux système de santé publique canadien et de protéger la souveraineté nationale.
« Les menaces extérieures mettent en lumière les valeurs canadiennes qui sont inaliénables », peut-on lire dans la lettre.