
De plus en plus d’employés se voient obligés de s’absenter du travail pour accompagner un proche gravement malade. Il s’agit d’une réalité qui peut avoir une incidence importante sur leurs revenus. Jean-Pierre Brun, professeur, Titulaire de la Chaire en gestion de la santé et sécurité au travail de l’Université Laval a réalisé une analyse sociodémographique des besoins d’accompagnement, pour le compte de SSQ Groupe financier. Cette recherche a permis de dresser le portrait de cette problématique en croissance.
La génération sandwich
Aujourd’hui plus que jamais, la conciliation entre la vie professionnelle et privée est importante pour les travailleurs. Or, l’on sait qu’il est difficile d’harmoniser tous les éléments de notre réalité moderne : la présence accrue des femmes sur le marché du travail, le chevauchement des générations, les évènements imprévus de la vie privée et les exigences de la vie professionnelle. Ces conflits de priorité sont souvent la source de problèmes sur les plans personnels et professionnels. Trouver l’équilibre entre le travail et la famille est nécessaire, surtout pour la génération sandwich. Ces personnes âgées de 45 à 64 ans, qui voient leurs obligations familiales croître de manière importante avec l’augmentation de l’espérance de vie, représentaient 42,4 % de la population canadienne en 2011, selon Statistique Canada. Il ne faut pas oublier que ces employés – tant gestionnaires que travailleurs – qui vivent des difficultés sont aussi des personnes qui ont des responsabilités familiales qui s’ajoutent aux responsabilités professionnelles.
Être un proche aidant
On note aussi une augmentation importante quant au pourcentage de la population active qui doit s’occuper d’un proche. En 2012, 28 % de la population canadienne se définissait comme proche aidant. Parmi ceux-ci, 39 % aidaient principalement leur parent, 8 % un conjoint et 5 % leur enfant. L’autre 48 % s’occupaient soit d’un autre membre de la famille ou d’amis proches. Par définition, un proche aidant fournit des soins à un proche atteint d’un problème de santé de longue durée, d’une incapacité ou des problèmes liés au vieillissement1.
Impact professionnel
Être un proche aidant implique l’investissement de temps et d’énergie auprès de la personne à charge. Des conséquences sur le plan professionnel sont alors prévisibles. En effet, selon les chiffres de Statistique Canada, 20 % des membres de la génération sandwich ont dû subir un changement dans leurs conditions de travail. La perte de revenus est souvent identifiée comme une conséquence considérable. Ainsi, la grande majorité des proches aidants souhaiterait avoir un meilleur appui financier de la part des gouvernements. De plus, la notion d’accompagnement est directement liée au phénomène du présentéisme au bureau. Notons que parmi les employés qui aident un proche, 87 % effectuent des appels en lien avec ce rôle, tandis que 54 % arrivent plus tard au travail. Qui plus est, sept sur dix se voient obligés de prendre des congés supplémentaires et un sur cinq demande une réduction de son horaire. Finalement, 16 % des travailleurs proche-aidant finissent par quitter leur emploi2.
Impact personnel
Prendre soin d’un proche malade est aussi un engagement avec une incidence directe sur la santé des accompagnants. Plus du quart de tous les aidants rapportent cinq symptômes ou plus de détresse psychologique tels que l’épuisement, l’angoisse, l’isolement. La détresse a une relation directe avec l’absentéisme. On estime que la moitié des travailleurs qui manifestent un symptôme dépressif se sont absentés environ deux semaines par année et que le quart d’entre eux ont été absents pendant plus de 60jours3. Lorsque le milieu de travail ne fait pas preuve de souplesse pour accommoder les proches aidants, on y constate plus de symptômes de dépression4.
Cette réalité a motivé la création d’une assurance qui vise à permetttre aux travailleurs d’accompagner un proche lors d’une maladie ou blessure graves sans perdre tous ses revenus. Dans sa conception, faciliter l’adaptation des périodes d’absence en fonction des besoins et de l’évolution de la condition de la personne accompagnée était primordial. Cette souplessse permet à l’employeur de conserver un lien avec l’employé ce qui favorisera son retour au travail.
Une saine pratique de gestion RH
Offrir une structure améliorée de gestion des absences – avec les justifications adéquates et en toute transparence – permet aux employés proches aidants d’être là où ils doivent être et ce, sans en ressentir de culpabilité. Elle devrait également réduire le risque de conflits entre différents employés.
En faisant preuve d’empathie dans le soutien des employés en situation difficile, on favorise aussi la réduction des maladies de nature psychologique. Ainsi, les employés sont moins susceptibles de mettre en péril leur propre santé et sont donc en mesure de retourner au travail dans de meilleurs délais. Avec la croissance de la génération sandwich, le vieillissement de la population et l’augmentation de l’espérance de vie, il est nécessaire d’offrir aux personnes dans le besoin un soutien adéquat.
Marie-Claude Harvey est directrice principale – Innovation et marketing à SSQ Groupe financier.
1 Être aidant familial : quelles sont les conséquences ?
bit.ly/1fYDyNa
2 bit.ly/ZQ98f5
3 Enquête québécoise sur des conditions de travail, d’emploi et de santé et de sécurité du travail.
4 WangY.,Shyu Y.L., Chen M. & Yan P. (2010) Reconciling work and family caregiving among adult-child family caregivers of older people with dementia : effects on role strain and depressive symptoms. Journal of Advanced Nursing 67 (4), 829-840.