Les employés de retour d’un arrêt de travail causé par un trouble de santé mentale comme la dépression ou l’anxiété ont de nombreux défis personnels à surmonter, mais ils doivent aussi très souvent affronter les préjugés de leurs collègues.

« Des études ont notamment montré que l’attitude des travailleurs à l’égard de leurs collègues de retour de congé de maladie à la suite d’un trouble de santé mentale est plus négative que vis-à-vis de ceux dont l’absence est liée à un problème de santé physique », a d’emblée souligné Laurie Kirouac lors de la conférence Santé psychologique Les Affaires, en février.

Pour mieux comprendre les difficultés vécues par ces travailleurs, la professeure adjointe au Département des relations industrielles de l’Université Laval a suivi une trentaine d’entre eux lors de leur retour au travail. Les résultats de son étude montrent que les travailleurs de retour d’une absence prolongée pour cause de santé mentale font face à beaucoup de stigmatisation, et parfois même à certaines formes de discrimination.

Les employés ayant eu un diagnostic de dépression ou encore de trouble anxieux sont souvent étiquetés comme étant plus faibles psychologiquement, moins aptes à remplir leurs tâches et moins performants de manière générale. « Au moindre signe de fatigue, leurs collègues vont penser qu’il s’agit d’une rechute, indique Laurie Kirouac. Ils s’imaginent que les gens partis en congé de maladie en raison d’un problème de santé mentale vont rester avec des séquelles pour toujours. »

De l’isolement à la discrimination

Cette stigmatisation qui entoure les problèmes de santé psychologique a de lourdes conséquences pour les travailleurs touchés. Au retour de leur congé de maladie, ils se sentent souvent isolés. Parfois de manière très explicite, par exemple en étant exclus d’un groupe de travail, ou carrément d’une table à l’heure du lunch, mais parfois d’une manière plus implicite. « Ce que nous ont rapporté les travailleurs, c’est qu’ils sentent une plus grande distance par rapport à leurs collègues. Ils ont l’impression que tout le monde les prend constamment avec des pincettes », explique Mme Kirouac.

Dans les cas les plus graves, les stéréotypes liés aux arrêts de travail causés par des problèmes de santé mentale virent carrément à la discrimination : déclassement professionnel et pertes de responsabilités au profit d’un collègue font partie de la réalité des employés de retour en poste. « On leur fait comprendre qu’ils ne figurent plus sur la liste des employés de confiance ou des employés étoiles », constate la chercheuse.

Vécues quotidiennement, ces difficultés favorisent le présentéisme chez ces employés et les poussent à développer des stratégies pour se protéger. Certains d’entre eux vont par exemple tenter de détendre les tensions relationnelles en utilisant l’humour ou le cynisme. « Mais cela demande beaucoup d’énergie et crée un stress supplémentaire pour des gens qui ne sont pas encore revenus au top de leurs capacités », explique Laurie Kirouac. Pour échapper aux préjugés de leurs collègues, certains travailleurs vont demander à être mutés dans un autre département, ou bien prendre la décision de quitter leur emploi.

Les gestionnaires ont un rôle clé à jouer pour éviter un tel dénouement et assurer à leurs employés de retour d’un congé de maladie une réintégration plus harmonieuse dans leur milieu de travail, insiste la chercheuse. « Ils doivent être formés et sensibilisés à cet enjeu. Le soutien offert par les gestionnaires, tel que l’aménagement des tâches, peut à lui seul déterminer la réussite d’un retour au travail. Pour déstigmatiser ces travailleurs, les entreprises doivent mettre en place une culture organisationnelle ouverte et bienveillante. »