Le ministre du Travail, Jean Boulet, a finalement déposé, mardi, sa réforme tant attendue en matière de santé et sécurité du travail.

La Loi sur la santé et la sécurité du travail a 40 ans. Au fil des ans, plusieurs gouvernements avaient promis de la réviser, sans toutefois mener à bien le processus. La réforme du ministre Boulet devait être déposée avant la fin de l’année 2019, puis elle avait été reportée au printemps dernier, avant d’être une nouvelle fois repoussée, à cause de la pandémie de coronavirus.

« C’est un projet de loi attendu de façon insistante par les milieux de travail. Il était devenu extrêmement important que nous nous adaptions aux nouvelles réalités du marché du travail; 35, 40 ans sans réforme majeure, c’est beaucoup trop », a lancé le ministre, en conférence de presse à Québec pour présenter son projet de loi 59.

Inclure la santé psychologique

Pour faciliter l’accès au régime, on va revoir la liste des maladies «présumées professionnelles». Ainsi, on ajoutera une présomption pour le trouble de stress post-traumatique, mais pas pour l’épuisement professionnel, et neuf nouveaux cancers professionnels.

« Selon les données de la CNESST, les lésions psychologiques ont augmenté de 67 % au cours des 10 dernières années », a relevé le ministre.

Le projet de loi prévoit donc une obligation pour les employeurs d’identifier et d’analyser les risques psychosociaux liés au travail dans leur programme de prévention.

« Je pense que ça peut faire une différence majeure pour la santé mentale des Québécois », a opiné le ministre Boulet.

Mécanismes de prévention

Bien que les syndicats réclamaient que tous les travailleurs soient couverts par les mécanismes de prévention prévus dans la nouvelle loi, cela variera selon la taille de l’entreprise et le niveau de risque.

La loi actuelle prévoit quatre grands mécanismes de prévention: un comité de santé-sécurité, un programme de santé spécifique à l’établissement, un programme de prévention et un représentant à la prévention.

En vertu de la réforme, les employeurs seront divisés selon leur taille et entre niveaux de risque faible, modéré et élevé. Et, selon le cas, le nombre de mécanismes de prévention qui s’appliquent à eux variera.

Néanmoins, le ministre Boulet a souligné « qu’on va couvrir 94 % des travailleurs avec ce qui est prévu » et que pour les six pour cent qui restent, le risque serait « faible » et « ne requiert pas la même rigidité ». « Il faut vraiment y aller de manière adaptée à la réalité de travail de chaque environnement », a-t-il justifié.

Le ministre Boulet a aussi dit vouloir mettre l’accent sur l’industrie de la construction, le commerce de détail et les industries manufacturières.

Réduire les coûts

Le ministre fait le pari qu’en investissant davantage en prévention, il réduira les coûts liés aux indemnisations, qui sont en croissance.

La CNESST (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) a versé des prestations totalisant 2,22 G$ en 2018. Elle avait alors accepté 103 406 lésions professionnelles et enregistré 226 décès. Chaque jour, 251 travailleurs subissent un accident, a souligné le ministre Boulet.

La réforme modifie aussi la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles afin d’instituer un comité scientifique sur les maladies professionnelles.

Celui-ci sera chargé de faire des recommandations en matière de maladies professionnelles au ministre ou à la CNESST. Il devra se tenir à jour de l’évolution des connaissances en matière de maladies reliées au travail. Et il sera indépendant, a souligné le ministre Boulet.

Inquiétudes des syndicats

La présidente de la Centrale des syndicats du Québec, Sonia Éthier, s’est inquiétée du fait que les maladies à caractère psychologique ne soient toujours pas reconnues pleinement dans le projet de loi. Elle a aussi déploré le fait que les secteurs de la santé et de l’éducation ne soient pas reconnus à « leur juste valeur quant aux niveaux de risques qui y sont associés en matière lésions professionnelles ».

Le président de la Centrale des syndicats démocratiques, Luc Vachon, s’est tout de même réjoui du fait que plus de travailleurs seront couverts par des mécanismes de protection. « Il était plus que temps que les mécanismes de prévention s’appliquent à la grande majorité des milieux de travail, ce qui est une grande avancée. »

Du côté des employeurs, le président du Conseil du patronat, Karl Blackburn, a souligné l’importance d’améliorer l’efficacité du régime. « La priorité est d’améliorer l’efficacité du système en place, afin de mieux prévenir la chronicité des lésions. Il faut aussi mieux accompagner et soutenir les travailleurs dans leur réhabilitation, et faciliter la mise en place des meilleures pratiques tant chez les employeurs que les travailleurs. »

À la Fédération des chambres de commerce du Québec, le président-directeur général, Charles Milliard, s’est félicité de certains allègements prévus dans le projet de loi. « L’administration du régime actuel est lourde et exige non seulement des efforts, mais également du temps pour les gestionnaires. En ce sens, le projet de loi 59 propose certains allègements du régime et des mesures pour réduire les délais administratifs concernant la gestion des réclamations. »