Ignorer les risques psychosociaux dans les milieux de travail peut avoir des conséquences dramatiques, autant pour les employés que pour les organisations. La société française Orange l’a appris d’une façon tragique il y a une dizaine d’année. Aujourd’hui, elle met tout en œuvre pour ne pas répéter les erreurs du passé.

Entre 2008 et 2010, près d’une soixantaine d’employés du géant des télécommunications, qui portait alors le nom de France Télécom, se sont suicidés en raison de la pression et de la détresse qu’ils vivaient au travail. La crise était si grave qu’elle a même mené à une intervention gouvernementale et à la démission du PDG de l’époque.

« Il ne passait pas une journée sans que l’on parle de la crise dans les médias », a raconté Alain André, directeur de la Prévention et de la Qualité de vie au travail à Orange Groupe lors de l’événement Santé psychologique au travail de Les Affaires.

Autrefois un monopole d’État, France Télécom devient à la fin des années 1990 une société privée. L’ouverture à la concurrence, à l’internationalisation et à la diversification des activités a été vécue difficilement par les employés, jusque-là fonctionnaires de l’État.

« La distance était énorme entre la direction, les ressources humaines et les salariés. Les travailleurs étaient désengagés, tandis que les clients jugeaient sévèrement l’entreprise », poursuit M. André.

Le début d’une nouvelle ère

En 2013, après avoir changé de nom pour devenir Orange, la société a lancé un « contrat social » visant à assainir le milieu de travail par de profonds changements organisationnels. Le dialogue a été rétabli entre la direction, les interlocuteurs RH et les salariés, de nombreux pouvoirs ont été redonnés aux gestionnaires et la structure de l’entreprise a été révisée pour favoriser les équipes de projet.

Une ligne d’assistance 24/24 est aujourd’hui en service, alors que l’entreprise mène une grande enquête tous les trois ans sur les risques psychosociaux en milieu de travail et la qualité de vie des employés.

« La situation était tellement sérieuse que le retour sur l’investissement de ces programmes n’était même pas une préoccupation », soutient Alain André.

Plusieurs initiatives ont été imaginées pour faciliter la conciliation travail-vie personnelle des employés, comme des services de navette pour se rendre au boulot, des horaires flexibles, des pratiques de gestion encourageant les travailleurs à se déconnecter hors des heures de bureau… et même des salles pour faire la sieste.

Orange a aussi entrepris une étude sur la charge mentale des cadres, en collaboration avec des universités, et devrait lancer prochainement un service de soutien aux employés proches aidants.

Et histoire de s’adapter au monde du travail de demain, la société a créé NOW2, un programme prospectif qui expérimente de nouvelles façons de concevoir le travail, notamment des équipes dépourvues de gestionnaire ou encore du coworking avec des startups.

« On a compris que la qualité de vie en entreprise est indissociable de la performance économique », résume Alain André.