Le mouvement de rejet des politiques de diversité, équité et inclusion leur sera-t-il fatal?

Alors que l’administration du président Donald Trump continue de diaboliser la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI), poussant de nombreux employeurs à renoncer à ces politiques en milieu de travail ou à reformuler leur vocabulaire, faut-il conclure que la DEI est morte ou simplement en train d’évoluer ?

Le président de l’Université de l’Alberta, Bill Flanagan, a publié un article d’opinion dans le Edmonton Journal, annonçant l’intention de l’université d’adopter un nouveau cadre et une nouvelle terminologie dans ses efforts en matière de DEI.

Ce nouveau cadre — accès, communauté et sentiment d’appartenance — ne constitue pas seulement un changement de vocabulaire, écrit-il. « Pour certains, le langage associé à la [DEI] est devenu polarisant, mettant davantage l’accent sur ce qui nous divise que sur notre humanité commune. Certains y perçoivent un biais idéologique en contradiction avec le mérite. Les mots ont de l’importance — et cette évolution vise à construire un récit commun appuyé par des actions cohérentes qui résonnent de manière plus universelle, en soulignant les points communs et en favorisant des liens authentiques. »

L’Université de l’Alberta a confirmé que ce changement résultait d’une consultation menée sur un an. Marcie Hawranik, fondatrice de Canadian Equity Consulting, souligne que la page web de l’université parle toujours d’intersectionnalité et de l’importance de la diversité. « On ne fait que reformuler les choses différemment — pour moi, le sentiment d’appartenance est un autre mot pour inclusion, communauté est un autre mot pour diversité et accès est à peu près équivalent à équité. Ce n’est donc pas très éloigné, mais formulé dans un langage moins polarisant dans le contexte actuel. »

Ce contexte actuel, c’est le retour du président Trump à la Maison-Blanche, qui jette une ombre inquiétante sur les politiques DEI aux États-Unis. Plusieurs mois avant son investiture, l’acronyme faisait déjà la une des journaux.

L’été dernier, Ford Motor Co., Lowe’s Companies et McDonald’s faisaient partie des employeurs qui ont réduit leurs initiatives DEI en réponse à la pression exercée par des groupes conservateurs à la suite de la décision de la Cour suprême des États-Unis en juillet 2023 dans l’affaire Students for Fair Admissions v. Harvard, qui a interdit l’action positive dans les admissions universitaires. La contestation s’est poursuivie avec un décret de Trump ordonnant aux agences fédérales de supprimer tous les bureaux et postes liés à la DEI, ainsi que les subventions ou contrats liés à l’équité.

Concrètement, Ford a cessé de participer à des sondages externes sur la culture organisationnelle et à une enquête annuelle menée par Human Rights Campaign mesurant l’inclusion des employés LGBTQ2S+. Dans une note interne, la direction de Lowe’s a indiqué que l’entreprise avait commencé à revoir ses programmes à la suite de la décision judiciaire et avait décidé de regrouper ses groupes de ressources pour employés sous une seule organisation. McDonald’s, de son côté, a annoncé l’abandon de ses objectifs spécifiques en matière de diversité au sein de la haute direction, ainsi que la fin d’un programme incitant ses fournisseurs à mettre en place des formations sur la diversité et à accroître la représentation des groupes minoritaires dans leurs propres équipes de direction.

À l’inverse, Apple et Costco Wholesale ont défendu leurs politiques DEI et résisté aux pressions extérieures, notamment une proposition du National Center for Public Policy Research, un groupe de réflexion conservateur qui affirmait que ces initiatives représentaient un risque juridique, réputationnel et financier pour l’entreprise — et donc un risque financier pour les actionnaires.

Les actionnaires d’Apple et de Costco ont rejeté cette proposition. Et le PDG d’Apple, Tim Cook, a déclaré lors de l’assemblée des actionnaires : « Nous continuerons à créer une culture de l’appartenance. »

Peu importe les acronymes ou la terminologie utilisée, les efforts en matière de DEI existent depuis plus de 60 ans et continuent d’évoluer, explique Hawranik, soulignant que leur origine remonte au mouvement des droits civiques et à l’adoption de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

« Ces efforts ont toujours relevé du travail en équité, et n’ont jamais été linéaires. Chaque vague de progrès social est suivie d’une vague de résistance. Nous avons connu un grand élan pour la DEI, et nous vivons maintenant une réaction de rejet — c’est normal. Ce langage évolue avec le temps pour élargir l’adhésion et faire progresser les initiatives. Et ce travail se poursuit, même si le jargon et l’acronyme changent. »

En effet, la DEI a façonné les milieux de travail modernes et donné naissance à bon nombre des protections dont bénéficient les travailleurs aujourd’hui, notamment les programmes de congé parental, l’équité salariale et les initiatives en matière d’accessibilité, ajoute-t-elle. Dans le même temps, le Canada est devenu une « nation en pleine diversification accélérée », avec des taux élevés d’immigration et une population vieillissante qui reste plus longtemps sur le marché du travail, tandis que les jeunes générations y entrent.

« Il y a un potentiel de conflit. Tout cela montre bien que le besoin et la demande pour ce type de travail vont perdurer. »

La DEI reste au cœur des préoccupations de ce côté-ci de la frontière, dit-elle, même si certaines municipalités rurales ont choisi de mettre leurs efforts en pause, alors que d’autres employeurs se contentent de changer le nom.

« Je ne pense pas qu’on utilisera nécessairement un nouvel acronyme uniforme, ajoute-t-elle. Mais je crois que cela change notre façon de faire les choses, et c’est excitant à observer. Nous sommes en mesure d’évaluer ce qui a fonctionné ou non… puis de faire évoluer les initiatives pour élargir l’adhésion et, au final, faire plus et faire mieux. »

Ce texte a été publié initialement sur Benefits Canada.