Se pourrait-il que les promoteurs de régimes ayant mis sur pied un régime enregistré d’épargne retraite(REÉR)collectif pour leur organisation aient maintenant à faire un suivi plus rigoureux du régime que ce qui était requis jusqu’à tout récemment ?

Croyez-vous que l’implantation d’un régime de capitalisation(RC), tel qu’un REÉR collectif ou un régime de participation différée aux bénéfices(RPDB), nécessite moins de suivi que d’autres RC tels qu’un régime de retraite traditionnel à cotisation déterminée(CD)?

On devrait normalement s’attendre à ce que tous les RC bénéficient du même type de suivi, mais l’histoire en a décidé autrement en grande partie à cause d’un manque d’uniformité de l’environnement législatif régissant les différents types de RC. Plus souvent qu’autrement, aucun suivi n’était fait, que ce soit au niveau des fonds de placement offerts, de la communication aux employés ou encore du mandat confié aux fournisseurs de services. On laissait tout simplement le RC voler de ses propres ailes.

Avec l’introduction de nouvelles normes de pratique sur le marché des RC, les promoteurs doivent plus que jamais passer à l’action afin de mettre en place les outils nécessaires pour assumer entièrement leurs responsabilités.

Évidemment, effectuer un suivi sans se fixer des objectifs au préalable peut être difficile. Une politique de placement est un exemple d’outil servant, entre autres, à définir les objectifs à atteindre en ce qui concerne les fonds de placement. Avec un tel outil, il est plus facile de mesurer la performance des fonds offerts dans le cadre du RC et de prendre les décisions appropriées.

Les lignes directrices
Le Forum conjoint des autorités de réglementation du marché financier a publié en mai 2004, avec effet à compter du 31 décembre 2005, des lignes directrices s’appliquant aux RC qui permettent aux participants de choisir parmi différentes options de placement. Parmi les RC visés, sont entre autres inclus les REÉR collectifs et les RPDB.

Bien que n’ayant pas force de loi, ces lignes directrices ont pour but de mieux encadrer l’environnement des RC et d’uniformiser les pratiques, surtout pour les RC non régis par les législations provinciales ou fédérales applicables en matière de régime de retraite. Les lignes directrices visent ainsi à définir ce que sont les meilleures pratiques en ce qui a trait à la gestion et à l’administration d’un RC.

Dans le cadre d’une saine gouvernance et dans le but d’assumer ses responsabilités en conformité avec les lignes directrices, un promoteur doit nécessairement effectuer un suivi et bien documenter ses décisions. Pour y arriver, deux éléments sont essentiels : l’établissement d’une politique de placement et l’évaluation périodique des options de placement.

La politique de placement
Les régimes de pension agréés, comprenant les régimes à prestations déterminées et les régimes CD traditionnels, doivent se conformer aux législations applicables comme la Loi sur les régimes complémentaires de retraite(Loi RCR)qui s’applique aux régimes enregistrés au Québec. La loi RCR requiert l’établissement d’une politique de placement pour de tels régimes.

Néanmoins, que ce soit pour un régime de pension agréé ou pour un RC tel qu’un REÉR collectif ou un RPDB, l’objectif est généralement le même, soit assurer un certain revenu aux employés au moment de la retraite. L’établissement d’une politique de placement s’avère un outil essentiel pour le promoteur qui veut assumer entièrement ses responsabilités.

Ce n’est pas tout d’établir une politique de placement, il faut également la suivre. Des outils simples et efficaces sont disponibles sur le marché pour le promoteur qui souhaite mettre en place un processus de suivi adéquat. À titre d’exemple, un rapport de suivi de la performance de chacun des fonds de placement peut être utilisé afin de s’assurer que les objectifs définis dans la politique de placement soient atteints.

La responsabilité « fiduciaire »
Certains promoteurs ayant mis sur pied un RC pourraient penser être capables de s’en tirer facilement sans avoir tout le fardeau administratif qui incombe à un régime de pension agréé. Si c’est le cas, ils devraient se raviser. Pour combler efficacement les besoins des employés à l’égard de la retraite, il est nécessaire qu’un RC soit aussi bien administré et suivi qu’un régime de pension agréé.

Plusieurs spécialistes estiment en effet que les instances légales pourraient maintenant se tourner vers les lignes directrices pour juger quelles sont les meilleures pratiques dans d’éventuels cas de litige.

Même si la conformité avec les lignes directrices n’implique pas que le promoteur est à l’abri de toutes poursuites, il semble tout de même nécessaire que ceux-ci s’y conforment dans un contexte de saine gouvernance. Le principe de base est d’effectuer les suivis qui s’imposent et de bien documenter toutes les décisions prises.

Sur le plan des placements, il est nécessaire de s’assurer que les participants ont suffisamment de choix de placement parmi lesquels ils peuvent investir leur épargne retraite et que ces choix représentent un éventail suffisant d’options de placement répondant aux différents degrés d’aversion au risque et aux divers horizons de placement des participants.

Les éléments à inclure dans la politique de placement
Une politique de placement pour un RC qui offre aux participants des options de placement devrait à tout le moins inclure les éléments suivants :

  • Évaluation des besoins des participants compte tenu de leur profil démographique;
  • Description des options de placement offertes;
  • Description des fonds de placement offerts dans chaque catégorie d’actif;
  • Définition des objectifs de rendement de chacun des fonds avec l’indice de référence aux fins de l’évaluation de la performance;
  • Définition des critères de sélection des gestionnaires;
  • Mesures à prendre si un fonds ne remplit pas les objectifs fixés;
  • Option par défaut si le participant n’effectue pas de choix de placement.

Sur le plan des options de placement, le promoteur devrait considérer offrir des choix de placement diversifiés visant un degré de risque et un potentiel de rendement différents. Dans l’industrie, on retrouve généralement des fonds d’actions, des fonds d’obligations, des fonds équilibrés et des certificats de placement garanti.

La politique de placement devrait aussi tenir compte des différents styles de gestion des gestionnaires afin d’offrir des choix variés aux participants. Elle devrait également donner une description des différentes stratégies telles que des fonds de placement en gestion active(visant à ajouter de la valeur par rapport à l’indice de référence du marché)ou en gestion indicielle(visant à reproduire le rendement de l’indice de référence).

Des fonds à répartition d’actifs ou diversifiés dont le degré de risque varie selon le profil d’investisseur du participant sont aussi couramment offerts par les promoteurs dans le marché. La politique de placement devrait faire état de ces décisions en ce qui a trait à des options de placement offertes.

Les promoteurs peuvent aussi se questionner sur le nombre de fonds à offrir. Plusieurs études montrent qu’au Canada, le nombre de fonds généralement offerts tourne autour de dix en moyenne. Chez nos voisins du Sud, le nombre de fonds offerts se situe à un niveau comparable.

Clairement, un promoteur devrait être prudent quant à la quantité de fonds qu’il voudra offrir. Transférer cette décision aux participants en leur permettant de choisir parmi tous les fonds disponibles chez un fournisseur de services n’est certes pas une façon de bien assumer ses responsabilités. De plus, confier cette décision au fournisseur de services n’est pas non plus une option à privilégier si l’on recherche une totale indépendance et une pleine objectivité en matière de sélection et du suivi des options de placement.

D’autre part, lorsque les objectifs de rendement d’un fonds en particulier ne sont pas atteints, la politique de placement devrait indiquer les mesures à prendre avec le fonds en question. Ainsi, les options suivantes pourraient être considérées:

  • Maintenir le fonds parmi les options disponibles pour les sommes déjà investies, mais ne plus permettre de nouvelles entrées de cotisations;
  • Éliminer le fonds parmi les options offertes et donner suffisamment de temps aux participants pour transférer leurs actifs investis vers un nouveau fonds;
  • Éliminer le fonds parmi les options offertes et transférer immédiatement les actifs investis vers un fonds offrant des caractéristiques similaires à celui remplacé.

Peu importe l’option choisie, la communication est primordiale. La politique de placement devrait prévoir les critères nécessaires à l’élimination ou au remplacement d’un fonds, ce qui facilitera le processus décisionnel. En incluant tous ces éléments, le promoteur s’assure de conserver un meilleur contrôle sur le RC offert aux employés.

Une nécessité ?
Donc, a-t-on besoin d’une politique de placement pour un RC tel un REÉR collectif ? C’est certes un pas dans la bonne direction. C’est clairement aux promoteurs qu’incombe la responsabilité d’établir une structure de saine gouvernance et d’assurer les suivis requis.

Les participants ont aussi leur part de responsabilités. Par exemple, ils doivent choisir dans quels fonds sera investie leur épargne retraite à la lumière des informations disponibles. Toutefois, ceux-ci s’attendent normalement à ce que le promoteur assume entièrement son rôle puisqu’ils ne sont pas outillés pour prendre toutes les décisions de placement et effectuer un suivi adéquat des options de placement. Dans ce cadre, plusieurs outils, dont la politique de placement, sont disponibles pour aider les promoteurs à assumer leurs responsabilités de façon simple et efficace.

LOUIS DURANLEAU est conseiller principal chez Normandin Beaudry à Montréal.

JEAN-GRÉGOIRE MORAND est conseiller chez Normandin Beaudry à Montréal.