Les contribuables canadiens peuvent actuellement verser des montants annuels
dans un REÉR jusqu’à concurrence de 18 % du revenu gagné
de l’année précédente sans toutefois dépasser
16 500 $ en 2005. Ce montant est réduit du facteur d’équivalence
(FE), lequel représente la valeur des droits accumulés au cours
de l’année précédente par un contribuable participant
à un régime de retraite. Dans un régime à prestations
déterminées, le FE est une approximation de la valeur réelle
des droits qui tiendrait compte des caractéristiques du participant,
de toutes les dispositions du régime et de la situation économique.

Les règles pour calculer le FE supposent que les régimes de retraite
à prestations déterminées incluent dans les dispositions
de base un large éventail de prestations accessoires telles que la retraite
sans réduction à 63 ans, l’indexation des rentes avant et
après la retraite et la rente payable au conjoint à compter du
décès du participant égale à 60 % de celle que ce
dernier recevait. Un participant à un régime de retraite qui n’a
pas ces prestations accessoires voit son potentiel d’épargne-retraite
réduit par rapport à la situation s’il n’avait pas de régime
de retraite.

Un régime de retraite flexible peut remédier à cette situation
en permettant aux participants, sur la base de choix individuels, de verser
des cotisations accessoires optionnelles(CAO)dans une disposition à
prestations déterminées. Ces cotisations s’accumulent avec
intérêts pour éventuellement être converties en prestations
accessoires optionnelles(PAO)lors de la cessation d’emploi, la retraite,
le partage des droits ou le décès du participant. Les CAO n’augmentent
pas les FE car elles sont destinées à l’achat de PAO.

Cette flexibilité semble bien intéressante, mais à qui
s’adresse-t-elle ? Et quels en sont les dangers?

Un bref sommaire des règles
L’Agence du revenu du Canada accepte d’agréer un régime
de retraite flexible ou d’enregistrer une modification pour qu’un
régime devienne flexible depuis la publication de « Nouvelles 96-3
» en novembre 1996. Certaines règles doivent cependant être
respectées:

  • Les CAO doivent servir irrévocablement à obtenir des PAO
    ;
  • L’excédent de la valeur accumulée avec intérêts
    des CAO sur la valeur des PAO qui sont prévues dans le régime
    ne peut être payé ni en un montant forfaitaire ni sous aucune
    autre forme de prestations. Cet excédent est appelé «
    montant perdu » dans ce bulletin ;
  • Les CAO sont incluses dans la limite sur les cotisations salariales qu’un
    participant peut verser dans le cadre d’une disposition à prestations
    déterminées, soit le moindre de 9,0 % du salaire ou de 70 %
    du FE plus 1 000 $ ;
  • Les CAO ne s’appliquent pas aux régimes d’actionnaires.

La législation québécoise sur les régimes de retraite
a publié un règlement entré en vigueur le 16 décembre
1999 visant à soustraire les régimes flexibles de certaines dispositions
qui entraient en conflit avec les exigences fiscales et à prescrire les
conditions minimales applicables à de tels régimes:

  • Les CAO versées par un participant sont traitées comme des
    cotisations volontaires(non immobilisées);
  • L’employeur doit s’engager, par écrit, à verser
    à tout participant une somme égale aux montants perdus dans
    le régime de retraite.

À qui s’adressent les régimes
flexibles

Les régimes flexibles s’adressent seulement aux régimes
à prestations déterminées dont une proportion suffisante
des participants n’ont aucun espace REÉR. Ils peuvent ainsi verser
et déduire des CAO et, le moment venu, s’acheter des PAO et conserver
leurs CAO à l’abri de l’impôt.

NE PAS AVOIR D’ESPACE REÉR
Le graphique 1 montre que seulement 10 % des contribuables se sont prévalus
en 1999 de la presque totalité(> 95 %)de leur espace REÉR.
Cette proportion augmente en fonction du revenu. Pour les contribuables dont
le revenu est supérieur à 60000 $, cette proportion est de 34
% alors que pour les contribuables dont le revenu est inférieur à
20 000 $ cette proportion est de seulement 2 %.

De plus, la hausse des plafonds fiscaux annoncée lors du budget fédéral
2003 aura pour conséquence de réduire ces proportions.

Le participant qui n’a pas utilisé la totalité de son
espace REÉR devrait prioritairement cotiser à son REÉR
avant de verser des CAO à son régime de retraite flexible. Il
aura ainsi toute la flexibilité des sommes investies et ne risque pas
de se voir rembourser des montants perdus imposables sur le champ.

La flexibilité des REÉR est supérieure à celle
d’un régime de retraite flexible principalement à cause
des éléments suivants :

  • Le choix des investissements des CAO est limité à celui que
    fait le comité de retraite. En contrepartie, les frais de gestion accordés
    aux investisseurs institutionnels sont souvent inférieurs à
    ceux qu’obtiennent les investisseurs individuels ;
  • L’obligation de convertir les CAO en PAO au prix du marché;
  • Le fractionnement du revenu, par la cotisation au REÉR du conjoint,
    n’est pas permis dans le régime flexible.

POUVOIR
VERSER DES CAO

La Loi de l’impôt limite les CAO qu’un participant peut faire
dans son régime de retraite flexible. Cette limite est égale au
plus petit des montants suivants:

  • 9,0 % du salaire moins la cotisation salariale régulière
    ;
  • 70 % du FE plus 1 000 $ moins la cotisation salariale régulière.

Puisque le FE dépend uniquement de la rente viagère, c’est
la relation entre le niveau des cotisations salariales et le niveau de la rente
viagère qui influence le montant de CAO permis.

Par exemple, le tableau suivant donne le montant de CAO maximal en pourcentage
du salaire selon différentes rentes viagères et différentes
cotisations salariales:

POUVOIR DÉDUIRE LES CAO
Un régime de retraite flexible peut permettre, sous certaines conditions,
l’achat de PAO reliées à une période de service antérieure
à 1990. Dans ce cas, les CAO sont incluses dans la restriction fiscale
sur la déductibilité des cotisations pour service passé
d’un participant énoncée à l’article 147.2
(4)de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Par exemple, pour un participant dont la cotisation salariale régulière
est proche ou supérieure à 3 500 $, les CAO versées ne
pourront être déduites que pendant la retraite.

Les CAO destinées à l’achat de PAO reliées à une
période de service postérieure à 1989 sont entièrement
déductibles.

POUVOIR
ACHETER DES PAO

Au Québec, les montants perdus sont remboursés automatiquement
aux participants par l’employeur à même ses opérations
courantes. Bien que cet engagement de l’employeur réduit l’impact
de cette limitation fiscale, une partie de l’épargne-retraite prend
fin. Le remboursement de l’employeur est entièrement imposable
pour le participant. Si le montant est important, le taux d’impôt
à payer sur le remboursement pourrait même être supérieur
au taux d’impôt obtenu sur les déductions liées aux
CAO.

Les régimes de retraite prévoient de plus en plus de prestations
accessoires à l’intérieur même des dispositions de
base. Cette tendance est liée directement à la législation
fiscale depuis 1990. Lorsqu’un régime est créé ou
modifié, la maximisation fiscale est un élément incontournable.
Plus un régime de retraite contient des prestations accessoires, moins
il est possible d’acheter des PAO.

La majorité des prestations accessoires sont liées à
la rente viagère tels la réversibilité, l’indexation
ou l’âge de retraite sans réduction. La prestation de raccordement
est l’exception. Plus la rente viagère est élevée,
plus il est possible d’acheter des PAO.

CONSERVER LES CAO À L’ABRI DE L’IMPÔT
Un participant qui verse des CAO dans un régime de retraite flexible
perçoit celles-ci comme une disposition à cotisation déterminée.
Cette perception est dangereuse du fait que seulement des PAO peuvent être
achetées avec ce compte. Lorsque le prix des PAO est élevé
(les taux d’intérêt bas)et si le régime le permet,
le participant sera tenté d’opter pour le transfert de ses droits
à l’abri de l’impôt et de conserver ainsi un compte
à cotisation déterminée.

La partie de la valeur totale des droits(prestations de base et CAO)qui excède
le montant prescrit par la législation fiscale pouvant être transféré
est entièrement imposable pour le contribuable. Les facteurs prescrits
ne tiennent pas compte des prestations accessoires spécifiques au régime.

NE PAS RÉDUIRE LE FER
Le facteur d’équivalence rectifié(FER)a été
introduit pour les retraits(transfert ou remboursement de la totalité
des droits)à compter du 1er janvier 1997. Le FER augmente l’espace
REÉR dans l’année du retrait pour corriger l’approximation
que les FE ont effectuée de la valeur des droits dans le régime
de retraite tout au long de la carrière d’un participant. Cette
correction est possible car la valeur réelle du régime est connue
lors du retrait des droits.

Les régimes flexibles ont le même but que les FER pour ce qui
est de corriger la mesure imparfaite que sont les FE. Alors quel est l’effet
combiné des deux ? Prenons par exemple un participant n’ayant versé
aucune CAO et terminant sa carrière à l’âge de 40
ans avec le retrait complet de ses droits. Supposons que son espace REÉR
est augmenté de 15 000 $ par la déclaration d’un FER. Ayant
des fonds disponibles, celui-ci décide alors de cotiser 15 000 $ dans
son REÉR.

Prenons maintenant le même participant, mais cette fois-ci avec le versement
de 10 000 $ de CAO au cours de sa carrière. Supposons que la valeur accumulée
de ses CAO est de 15 000 $ à 40 ans et que la totalité de ses
CAO peut être convertie en PAO. Ce participant n’aura aucun FER
ayant reçu 15 000 $ de plus en valeur.

Nos deux participants ont la même épargne-retraite à la
date de la fin de la carrière. Le régime flexible n’a donc
ajouté aucune épargne-retraite. La seule différence est
la date où les montants d’épargne-retraite ont été
versés. En conclusion, le FER réduit par les CAO annule l’avantage
du régime flexible d’un montant équivalent à celui-ci.

Plus un participant termine sa participation jeune, moins il risque de se voir
imposer une partie de ses CAO, mais plus il risque d’annuler un FER qui
corrigeait déjà l’approximation des FE. Le retrait des droits
et les régimes flexibles ne font pas bon ménage.

Quels en sont les dangers
Un régime de retraite flexible alourdit la tâche des administrateurs
par la maintenance du compte des CAO, par la complexité des calculs individuels
(retraite, cessation d’emploi, etc.)et par l’information prescrite
à divulguer. Le danger est que les frais associés aux dispositions
particulières d’un régime flexible soient démesurés
par rapport aux CAO versées. De plus, les frais reliés à
l’implantation d’un tel régime sont aussi non négligeables.

Du point de vue des participants, le danger est surtout de verser trop de CAO.
Un participant peut, par une planification financière adéquate,
équilibrer les revenus après impôts et dépenses de
base pendant sa carrière avec ceux que les régimes publics, privés
et ses épargnes personnelles lui procureront au total pendant la retraite.
La difficulté est que cet exercice est difficile à réaliser
si l’on tient compte des objectifs d’un participant qui peuvent
changer en cours de route et des scénarios économiques inconnus
à l’avance qui fixeront le prix des PAO et le montant de CAO accumulé
avec intérêts. C’est le problème des régimes
à cotisation déterminée avec en plus des limitations fiscales
supplémentaires.

De plus, les PAO sont en majorité reliées à la retraite
anticipée. En effet, à compter de 65 ans, il ne reste plus que
la rente réversible au conjoint(s’il y a un conjoint)et l’indexation
de la rente viagère si les parties au régime n’ont pas l’habitude
d’indexer les rentes servies sur une base ad hoc.

Ainsi, le participant qui planifie une retraite anticipée à l’aide
de CAO et qui décide par la suite de poursuivre son emploi plus longtemps
est à risque pour les montants perdus.

Si le régime de retraite fait l’objet régulièrement de
la négociation ou est régulièrement amélioré
et si les surplus sont fréquemment utilisés pour améliorer
le régime, le régime de retraite flexible n’est pas l’outil qu’il
vous faut.

CHARLES ST-AUBIN, F.I.C.A., F.S.A. est associé dans la firme des Services
actuariels SAI inc. à Montréal