Fini le temps où les régimes de capitalisation, aussi appelés
régimes d’accumulation, représentaient la façon simple
et peu contraignante de permettre aux employés de pourvoir à leur
retraite. Les règles du jeu ont changé et les promoteurs devront
mettre à jour leurs régimes s’ils veulent mieux jouer leur
rôle fiduciaire.

À moins d’un an de la date butoir suggérée pour
l’application des Lignes directrices pour les régimes de capitalisation,
les promoteurs et administrateurs de régimes de retraite à cotisation
déterminée(CD), à prestation déterminée
(PD)comportant un volet CD ou flexible, et de REER collectifs ou RPDB doivent
plus que jamais se préoccuper de leurs devoirs et obligations. Il devient
en effet essentiel d’analyser la situation de ces régimes et d’en
revoir les politiques administratives. Cet exercice permettra d’évaluer
comment le régime atteint ses objectifs et peut-être même
de remettre en question la stratégie de l’entreprise en matière
de retraite et d’épargne pour ses employés.

Nous examinons ici deux éléments ayant une influence majeure
sur les risques des régimes de capitalisation et sur leur évolution
prévisible, soit les rendements des placements et les développements
relatifs au rôle des promoteurs de ces régimes.

Rendements: revoir les attentes
Dans tous les régimes de capitalisation, les participants sont touchés
directement par la performance des placements, le fait qu’ils assument
ce risque en étant la caractéristique fondamentale.

À long terme, le rendement est aussi crucial, sinon plus, que le taux
de cotisation. La figure 1 illustre l’évolution de l’épargne
accumulée pour un participant avec un salaire de 50 000 $ aujourd’hui,
qui augmentera de 3 % par année, duquel il cotisera 5 % annuellement,
avec des rendements de 7 % et 8 % par année. L’impact du rendement
y est éloquent, la différence de 1% de rendement annuel résultant
en une accumulation(et donc un revenu de retraite)de 22 % supérieur.

De fait, pour finir de se convaincre de son importance, il suffit de constater
(voir figure 2)que le rendement de l’année sur l’épargne
accumulée dépasse la cotisation versée autour de la 12e
année de participation, éclipsant rapidement cette dernière
comme facteur de croissance de l’épargne!

Notre exemple montre ainsi l’importance d’un bon encadrement et
d’une saine gestion administrative : il suffit de se rappeler que les
frais de gestion pour certains fonds communs offerts dans le cadre de REER collectifs
dépassent allègrement les 2% par année, grugeant sévèrement
les rendements!

Les participants aux régimes de capitalisation qui ont fait les frais
de la débâcle des marchés boursiers ont pu en constater
l’impact sur leurs relevés. Malgré une remontée significative
en 2003 et 2004, le rendement annualisé de l’indice de référence(1)
pour les fonds équilibrés utilisé dans l’Univers
de performance Morneau Sobeco pour les derniers cinq ans(2000-2004)est de
seulement 3,8 %. Pour l’avenir, les experts préviennent que l’enthousiasme
débridé face aux extraordinaires rendements des années
1990 devra faire place à plus de réalisme.

Des hypothèses trop optimistes(par exemple, celles utilisées
dans les outils de planification de retraite)pourraient inciter les participants
à ne pas cotiser autant que nécessaire pour atteindre leurs objectifs
de retraite, d’où l’importance d’une saine gestion
des attentes. Si aucune mesure corrective n’est mise en place, il est
possible que certains participants, réalisant à l’approche
de la retraite que les fonds accumulés ne suffiront pas à leur
procurer un revenu adéquat, pointent du doigt ceux qui les auront orientés
dans leur planification.

Des responsabilités accrues pour les promoteurs

L’autre élément d’actualité concerne la façon
dont sont administrés et supervisés les régimes. Le 25
octobre dernier, l’Association canadienne des organismes de contrôle
des régimes de retraite(l’ACOR)a publié la version finale
de ses Lignes directrices sur la gouvernance des régimes de retraite.
Les 11 grands principes émis dans ce document, qui techniquement ne s’appliquent
qu’aux régimes de retraite(tant PD que CD, paraissent quelques
mois à peine après la version définitive des Lignes directrices
pour les régimes de capitalisation du Forum conjoint des autorités
de réglementation du marché financier qui, elles, s’appliquent
à tous les régimes de capitalisation(incluant les REER collectifs
et les RPDB).

Quoique ces lignes directrices n’aient pas force de loi, elles serviront
sans doute de point de référence si un promoteur venait à
être poursuivi sur la base d’une mauvaise gouvernance. On assiste
donc à un relèvement des normes en matière de pratiques
acceptables. Par conséquent, il est souhaitable de s’y conformer
dès que possible afin de profiter des bienfaits qui peuvent en découler,
soit une efficacité accrue du régime, une amélioration
de la satisfaction des employés et une réduction des risques de
poursuite.

Les lignes directrices pour les régimes de capitalisation, dont la date
d’entrée en application est le 31 décembre 2005, sont un
peu plus précises dans le détail de leurs exigences et font mention
de la nécessaire concordance entre l’objet du régime et
ses modalités et pratiques(termes de participation, options de placements,
etc.). Le suivi de l’efficacité de ces dernières devient
donc essentiel.

Dans cet esprit, le promoteur d’un régime dont l’objet est
de subvenir aux besoins de revenus à la retraite de ses participants
devrait s’assurer que ceux-ci ont conscience des impacts à long
terme de leurs décisions. Les besoins d’accumulation d’épargne
retraite sont souvent sous-estimés, notamment parce que les travailleurs
d’aujourd’hui vivront probablement plus longtemps que leurs aînés.
La préparation de la retraite ne peut donc être efficace qu’avec
une discipline de participation et de cotisation ainsi qu’avec des rendements
adéquats.

Pour vérifier si un régime est sur la bonne voie, le promoteur
devrait mesurer les taux de participation et de cotisation, puis mesurer le
rendement global de l’actif du régime en plus du rendement individuel
de chaque option de placement. Par exemple, si trois fonds sont disponibles
et que leurs rendements respectifs au cours d’une année sont de
5 %, 10 % et -3 %, il importe de mesurer ce que la combinaison de ces fonds
(ou les transferts entre eux)a produit comme rendement effectif sur les comptes
des participants. Dans ce contexte, le promoteur ne pourrait se satisfaire d’avoir
offert un fonds ayant rapporté 10 % si, en réalité, les
participants ont misé davantage sur les autres fonds.

Plus détaillée, une analyse statistique des rendements individuels
obtenus par les participants permettra de mesurer l’efficacité
tant des options de placements que de l’information et des outils disponibles.
Par exemple, on pourrait vérifier à quel niveau se situe le rendement
médian des comptes des participants sur trois et cinq ans; ou encore,
ce qu’est la proportion des participants dont le rendement annuel sur
ces périodes se situe sous l’hypothèse à long terme
suggérée dans les outils de projection. Il s’agira ensuite
de prendre les mesures nécessaires pour corriger le tir(communication
améliorée, promotion de l’utilisation des outils, ateliers
éducatifs, etc.).

Que faire ?
Le premier geste du promoteur devrait être de procéder à
un diagnostic détaillé de toutes les opérations entourant
son ou ses régimes de capitalisation. À la suite de cet exercice,
le promoteur pourrait devoir considérer:

  • La définition écrite de ceux qui sont les différents
    intervenants et de leurs rôles et responsabilités, en particulier
    pour le promoteur et l’administrateur;
  • L’établissement de procédures bien documentées
    de sélection et de mesure de performance de tous les intervenants,
    ainsi qu’une politique pour guider les actions qui s’imposent
    lorsque les résultats ne concordent pas avec les attentes;
  • L’analyse efficace et régulière du rendement global
    du régime et de la performance des options de placement, identifiant
    :
    – les niveaux de risques assumés,
    – les sources de valeur ajoutée par rapport aux indices, et
    – le respect des contraintes imposées aux gestionnaires, incluant le
    style de gestion;
  • L’ajout ou la réduction possible du nombre d’options
    de placement pour mieux les adapter au profil des participants, avec une considération
    spéciale pour les nombreuses formules prédéterminées
    de fonds équilibrés adaptés à différents
    profils d’investisseurs;
  • Une révision de la politique relative à l’option de
    placement par défaut, surtout s’il y a des sommes importantes
    en jeu, et des rappels documentés ou des offres d’assistance
    à ceux qui négligent d’effectuer leurs choix;
  • Une révision des règles touchant les transferts permis entre
    les différents choix de placement, incluant leur fréquence et
    les frais s’y rattachant;
  • Une communication ciblée à l’endroit des participants
    dans diverses situations, pour augmenter leur engagement personnel ainsi que
    leur appréciation du régime.

Note des auteurs : nous avons examiné ici les règles émises
par la Forum conjoint, mais un promoteur de régime de retraite devrait
également voir à sa conformité aux lignes directrices émises
spécifiquement à cet égard par l’ACOR.

Idéalement, de telles activités devraient être réalisées
indépendamment des fournisseurs de services, et être bien documentées
et communiquées.

Et l’avenir?
Un mot résume bien l’ensemble des changements affectant les régimes
de capitalisation : responsabilisation. En effet, bien que la nature de ces
régimes fait que les participants assument les risques reliés
aux placements, les nouvelles Lignes directrices viennent rappeler que les promoteurs
aussi ont des obligations.

Avec des rôles mieux définis pour chaque intervenant, ces régimes
consolideront leurs acquis et prendront pleinement la place qui leur revient.
La confiance accrue qui devrait en résulter chez les participants, combinée
avec les attraits incontournables que ces régimes comportent pour la
main-d’oeuvre d’aujourd’hui et de demain, pourrait faire en
sorte que leur popularité s’accélère au cours des
prochaines années. À l’inverse, les coûts additionnels
imputables aux nouvelles règles d’encadrement et la responsabilité
accrue pour les promoteurs réduisent l’attrait original de ces
régimes lorsque comparés à ceux à prestations déterminées.
Bien malin celui qui saura prédire l’orientation stratégique
que prendront les promoteurs face à l’épargne retraite.

JEAN-DANIEL CÔTÉ est directeur chez Morneau Sobeco à Montréal

DENIS DUPONT est directeur chez Morneau Sobeco à Ottawa

1 Composition de l’indice de référence: 45% revenus fixes,
55% actions réparties ainsi : 43% indice obligataire universel Marché
des capitaux Scotia, 3% indice des Bons du trésor du Canada à
91 jours Marché des capitaux Scotia, 30% S&P/TSX et 25% MSCI Monde.
Cet indice est à comparer à des rendements bruts de frais.