Pendant de nombreuses années, les régimes de retraite à
prestations déterminées(régimes PD)ont défrayé
les manchettes. Que ce soit en raison des changements législatifs dont
ils faisaient l’objet à la fin des années 1980 et au début
des années 1990, des surplus actuariels impressionnants que ceux-ci engrangeaient
au tournant du siècle ou des déficits actuariels non moins impressionnants
que l’on observe actuellement, ces régimes ont assurément fait
couler beaucoup d’encre.
À l’opposé, les régimes à cotisation déterminée
(régimes CD), peut-être en raison de leur simplicité apparente,
ont été moins couverts par les médias. Audelà des
différences importantes pour le promoteur entre les régimes PD
et CD, cette seconde forme de régime comporte des caractéristiques
distinctives fondamentales pour le participant qui influenceront la planification
de sa retraite, notamment la période de décaissement.
Les principaux risques
Le participant de régime CD, qu’il soit participant de longue date ou
qu’il ait subi récemment une conversion de son régime PD en régime
CD, aura forcément un rôle central à jouer dans la gestion
de son revenu de retraite et la gestion des risques inhérents à
cette éventuelle retraite. En effet, une des principales caractéristiques
des régimes CD réside dans les différents risques auxquels
est exposé le participant:
RISQUE D’INVESTISSEMENT : Omniprésent, ce risque est assurément
le premier qui est évoqué lorsque l’on considère les régimes
CD. Tant durant la période d’accumulation que celle de décaissement,
le revenu ultime procuré par ces régimes sera en quelque sorte
dicté par la qualité ou la faiblesse des rendements obtenus par
le participant au fil des ans. De piètres rendements pénaliseront
évidemment le participant. À l’opposé toutefois, dans la
mesure où les rendements pourraient s’avérer supérieurs,
le participant sera celui qui en tirera avantage.
RISQUE DE SURVIE : Il s’agit bel et bien d’un risque, surtout applicable durant
la période de décaissement. Ce risque consiste à évaluer
dans quelle mesure le participant pourrait en arriver à survivre à
son capital, c’est-à-dire épuiser celuici trop vite. Ce risque,
on pourrait aussi parler de risque de ruine, est relié aux probabilités
de survie du participant ainsi qu’à l’importance du capital détenu,
mais aussi, dans une certaine mesure, à la réglementation. En
effet, plus la réglementation entourant les retraits est flexible(par
exemple l’existence du retrait temporaire pour un frv au Québec), plus
ce risque pourrait être considéré élevé.
RISQUE RELIÉ AUX TAUX D’INTÉRÊT(s’il y a lieu, le jour
où l’on cristallise en rente): Le participant qui décide, au
moment de la retraite, de convertir ses épargnes en revenus viagers par
l’achat d’une rente auprès d’un assureur devra assumer le risque de faible
taux d’intérêt ce jour-là s’il y a lieu. RISQUE D’INFLATION:
Une hausse de l’inflation pourrait gruger de belle façon le pouvoir d’achat
du participant qui doit compter sur un capital fixe pour assurer ses revenus.
La période d’accumulation
Quoique n’étant pas le focus de cet article, la période d’accumulation
s’avère d’une si grande importance qu’il serait difficile de ne pas la
commenter succinctement. Cette période demeure celle où il semble
simple, pour le participant, de gérer son régime CD. De nombreux
régimes CD offrent des formules d’épargne comportant une composante
accélérateur.
Le participant aura tout avantage à profiter au maximum de ces occasions.
Durant cette période, il est fréquent que le participant puisse
profiter, ne serait-ce qu’en raison des obligations des promoteurs de régimes
qui se précisent à cet égard, de formation ou d’information
financière sur les choix de placements disponibles. En règle générale,
une fois à la retraite, ces sources d’information disparaissent. Durant
cette période, le participant jouit, dans la très grande majorité
des cas, d’une gestion à faible coût en raison des économies
d’échelle dont profite le régime CD.
Il n’est pas rare que le participant puisse profiter de choix de placements
dont les frais représentent moins de 50 % des frais de placements individuels
comparables. Habituellement, cette caractéristique tend aussi à
disparaître à la retraite. Enfin, une lacune fréquemment
relevée par les participants durant cette période est la difficulté
d’estimer les revenus qui pourront éventuellement être touchés
du régime, à moins que le relevé annuel ne le fasse.
La période de décaissement
Au moment de la retraite, le participant d’un régime CD aura généralement
comme droit fondamental, le transfert des sommes accumulées vers l’institution
financière de son choix. Le participant devra aussi choisir entre différents
véhicules de revenus, nommément les fonds de revenus viagers(FRV)
ou les rentes viagères.
Étant donné que le focus du présent article demeure le
décaissement, les véhicules transitoires que sont les comptes
de retraite immobilisés(CRI)ou les REER immobilisés ne seront
pas commentés. Certains régimes pourront offrir le décaissement
à même le régime, mais cette possibilité demeure
rare. Commentons les choix disponibles :
La rente viagère
Il s’agit ici d’utiliser les actifs accumulés afin d’acquérir
une prestation payable la vie durant du participant. Différentes options
de protection en cas de décès prématuré sont également
offertes. En optant pour cette option, le participant transfère les risques
de survie et d’investissement à l’assureur. La principale lacune observée
actuellement avec cette option est la faiblesse des taux d’intérêt.
Un achat de rente viagère en période de faibles taux résulte
en une prestation plus faible. Cette faiblesse des taux conjuguée aux
frais et aux commissions reliés à l’achat d’une rente ont en sorte
que sur une base strictement financière, l’option de la rente viagère
semble moins populaire actuellement. Une autre considération dont il
faut tenir compte est la protection offerte en cas de faillite d’un assureur.
Dans une telle situation, une protection de base est offerte par la Société
d’Indemnisation en Assurance de Personnes(SIAP). Toutefois, cette protection
s’applique seulement sur les premiers 2 000 $ de revenus mensuels.
Le fonds de revenus viagers(FRV)
Il s’agit ici de transférer les actifs accumulés dans un véhicule
de revenu. Le Fonds de revenus viagers(FRV), qui s’apparente au Fonds enregistré
de revenu de retraite(FERR), va procurer au participant des bornes de revenus
annuels minimales et maximales à l’intérieur desquelles il devra
effectuer des retraits.
Par opposition à la rente viagère, le participant conserve ici
le plein contrôle des actifs, mais il demeure toutefois entièrement
exposé aux risques d’investissement et de survie. Tout dépendamment
de la réglementation qui encadre le FRV, les retraits maximums seront
plus ou moins élevés.
Une première différence importante entre la gestion de l’actif
avant et après la retraite pour le participant au régime CD réside
dans le fait que des retraits devront être effectués périodiquement.
La gestion de l’actif devra donc être effectuée en conséquence
de manière à toujours disposer des liquidités permettant
ledit retrait.
Une telle restriction en termes d’investissement affectera forcément
le rendement obtenu. De plus, un portefeuille duquel on effectue régulièrement
des retraits est d’autant plus sujet à être affecté par
des rendements faibles voire négatifs, plus spécialement durant
les premières années de la retraite. C’est en effet durant ces
premières années que le capital est à son apogée,
si ces premières années devaient s’avérer malheureuses
en termes de rendements obtenus, l’impact sur les revenus de retraite s’en trouverait
amplifié.
Une autre différence majeure se situera au niveau des frais, soit les
frais de gestion et les frais d’administration. Concernant les frais de gestion,
tel qu’indiqué précédemment, durant la période d’accumulation,
le participant profitait généralement de frais de gestion très
bas, sauf exception, ce ne sera plus le cas à la retraite. Ainsi, une
plus grande portion des rendements sera à toutes fins pratiques annulée
en raison des frais.
Pour ce qui est des frais d’administration, il est tout à fait concevable
d’imaginer que l’institution financière où les actifs sont détenus
en exigera afin de traiter les retraits, respecter les retraits maximums, etc.
Ces frais aussi auront un impact négatif sur le rendement obtenu. À
une époque passée faste où les rendements des portefeuilles
équilibrés pouvaient raisonnablement avoisiner les 8 % ou 9 %
par année, de telles considérations paraissaient bien triviales.
Avec les rendements actuels et ceux que la plupart des experts anticipent, ces
considérations deviennent primordiales.
Enfin, une dernière considération quant à l’investissement
doit être mentionnée. Il est très raisonnable de penser
qu’à mesure qu’il vieillira et que son capital retraite s’amenuisera,
le participant voudra opter pour des investissements de plus en plus sûrs,
diminuant d’autant le rendement potentiel dont il pourra espérer obtenir
sur son capital-retraite. Ce participant pourra même vouloir convertir,
à un âge spécifique, le solde de ses actifs en rente viagère.
Dans ce contexte, les projections des revenus de retraite effectuées
devront, soit utiliser des taux de rendement décroissants au fil des
ans ou plus simplement utiliser un taux de rendement uniforme pour toute la
durée de la projection, mais un taux artificiellement diminué
pour reconnaître cette situation.
Le participant à un régime CD est en quelque sorte condamné
à administrer son capital retraite toute sa vie, l’alternative, nommément
la rente viagère, vient avec un certain coût. Soulignons que cette
condamnation à vie vaut aussi pour le conjoint du participant advenant
le décès de celui-ci.
MARTIN DUPRAS, a.s.a., Pl. Fin. est conseiller principal au bureau de Montréal
du Groupe-conseil Aon