Standard & Poor’s(S&P)annonçait dernièrement
son intention d’incorporer les fiducies de revenu dans son indice vedette
des actions canadiennes, l’indice composé S&P/TSX. Une fois
ajoutées, les fiducies de revenu pourraient compter pour à peu
près 8% de l’indice.

Si S&P les avait exclues, elle aurait tourné le dos à une
tranche appréciable de l’univers des placements, une éventualité
indésirable pour un indice bien construit. Par contre, il existe des
différences notables entre les fiducies de revenu et les actions, qu’un
répondant devrait saisir avant d’intégrer les fiducies de
revenu dans son portefeuille de titres de participation.

Par ailleurs, S&P a laissé entrevoir qu’elle entend maintenir
un deuxième indice, excluant les fiducies de revenu, à l’intention
des répondants de régimes de retraite et de fonds de dotation
qui décident de ne pas détenir de parts d’une fiducie de
revenu. Pour aider les répondants de régimes à prendre
leur décision, voici les principales questions à considérer
avant d’investir dans les fiducies de revenu.

Responsabilité légale
La question de la responsabilité légale est en voie d’être
réglée. L’Ontario et l’Alberta ont présenté
des projets de loi qui visent les fiducies de revenu constituées dans
ces provinces et qui limitent la responsabilité légale des porteurs
des parts de ces fiducies. Des dispositions législatives identiques s’appliquent
au Québec depuis quelque temps déjà, et nous prévoyons
que les provinces restantes finiront par en adopter de semblables.

Bien que la protection de la loi ne s’étende pas aux personnes
détenant des parts de fiducies de revenu avant l’adoption des mesures
législatives, les investisseurs qui acquièrent des parts sous
le nouveau régime n’auront généralement pas besoin
de droits acquis.

Gouvernance d’entreprise
Dans le monde des fiducies de revenu, il n’existe aucun équivalent
législatif de la Loi sur les sociétés par actions du Canada,
qui fixe les normes de gouvernance pour toutes les actions. Les investisseurs
doivent plutôt s’en remettre à l’examen minutieux de
chaque acte de fiducie pour savoir exactement à quoi s’en tenir.
Cette incertitude risque d’entraîner des frais de surveillance plus
élevés pour les investisseurs.

Information et transparence
Dans la structure d’une fiducie de revenu, la société d’exploitation
sous-jacente n’est habituellement pas cotée en Bourse et n’est
donc pas assujettie aux mêmes exigences d’information qu’une
société ouverte. Pour calmer les inquiétudes des investisseurs
en matière d’information, les Autorités canadiennes en valeurs
mobilières(ACVM)ont diffusé dernièrement une instruction
générale concernant l’information qu’ils voudraient
faire publier par les fiducies de revenu et leurs sociétés d’exploitation.
Dans la plupart des cas, l’information devra porter à la fois sur
la fiducie de revenu et la société d’exploitation. Il s’agit
toutefois d’une instruction générale, et non d’une
règle. Les organismes de réglementation des valeurs mobilières
sont toujours aux prises avec la structure des fiducies de revenu et avec la
façon adéquate de l’aborder.

Droits des actionnaires
L’actionnaire d’une société par actions peut se fier
à diverses lois et à des précédents pour définir
ses droits, alors que le porteur de parts d’une fiducie de revenu doit
passer soigneusement en revue des actes de fiducie compliqués et parfois
difficiles d’accès s’il veut confirmer ses droits. L’investisseur
ne devrait pas supposer qu’il jouit des mêmes droits qu’un
actionnaire.

Lois fiscales
À l’heure actuelle, les fiducies de revenu sont considérées
comme bénéficiant d’un avantage fiscal, du fait qu’elles
sont conçues pour contourner la double imposition à laquelle sont
assujettis les actionnaires des sociétés ouvertes. En effet, une
société ouverte doit payer de l’impôt sur ses bénéfices,
tandis que ses actionnaires sont redevables de l’impôt sur les dividendes
et les gains en capital qu’elle leur verse. La fiducie, par contre, est
propriétaire de titres de créance passifs et de titres de participation
dans une société sous-jacente, dont le bénéfice
est transféré à la fiducie, qui ne paye aucun impôt.
Les distributions de la fiducie sont imposées uniquement comme un revenu
du porteur de parts.

Le ministère
des Finances a fait état de son inquiétude quant aux pertes fiscales
pouvant résulter de cette situation. Si le traitement fiscal des fiducies
de revenu est modifié de manière qu’il s’harmonise
avec celui des bénéfices des entreprises, la valeur des fiducies
de revenu pourrait diminuer. Selon certaines estimations, la valeur des fiducies
de revenu risque de subir dès lors une baisse pouvant atteindre 25 %.

Un deuxième enjeu fiscal concerne le plafond imposé à
la participation de certaines caisses de retraite dans les fiducies de revenu.
Dans son budget de 2004, le ministère des Finances a proposé de
limiter cette participation. Devant l’ampleur de la réaction de
l’industrie, le ministère a décidé de procéder
à des consultations à ce sujet auprès des intéressés.
On ignore s’il se penchera à nouveau sur la question. Dans l’affirmative,
son initiative risque d’avoir une incidence défavorable sur le
cours des fiducies de revenu.

Le tableau ci-dessus présente les enjeux mentionnés, de même
que leurs avantages et inconvénients. Comme le laisse voir le tableau,
les investisseurs sont appelés à faire un compromis entre les
risques propres aux fiducies, par exemple les risques liés à la
gouvernance et à l’impôt, et les risques de ne pas investir
dans les fiducies de revenu, comme le risque d’avoir un revenu moins élevé
et de ne pas avoir d’exposition à une tranche appréciable
du marché. En clarifiant les principaux enjeux des fiducies de revenu,
les répondants de régimes pourront prendre une décision
plus éclairée.

LOUIS R. FORTIN est vice-président et directeur chez Gestion de Placements
TD Inc.

* Le présent article n’a pas pour but de fournir des conseils
juridiques ou fiscaux; il cherche seulement à transmettre une information
générale sur les fiducies de revenu.