Pourtant, les résultats sont difficilement acceptables. Vous cherchez
encore ce filon pour mieux focaliser et baliser l’ensemble de vos démarches
afin de compléter l’argumentaire qui convaincra la haute direction
d’endosser pleinement votre stratégie d’intervention et votre
plan d’action!
Ce n’est plus assez de se consoler en se comparant. Une toile de fond
des éléments stratégiques reste toujours la première
fiche d’un argumentaire.
Le nombre d’invalides
L’invalidité est une préoccupation mondiale. Selon les données
de l’organisation internationale du travail OIT, 5 % des personnes en
âge de travailler sont handicapés, correspondant à environ
225 000 au Québec. Quelque 60 000 d’entre eux touchent la rente
d’invalidité de la Régie des rentes du Québec.
Selon nos données environ le tiers des prestataires des régimes
d’invalidité de longue durée devenus invalides avant 60
ans ne reçoivent pas cette rente après 48 mois d’invalidité.
Et, faut-il laisser pour compte les efforts de retour au travail des travailleurs
devenus invalides à l’aube de la retraite?
Des intervenants démunis
Force est de constater que les trois intervenants principaux en gestion d’invalidité,
soit les assureurs, les médecins et les employeurs, demeurent en partie
démunis face aux coûts élevés d’invalidité.
Du côté des assureurs, l’interdiction de presque toute forme
de discrimination dans les régimes d’assurance invalidité
a obligé une revue en profondeur des interventions. Au service du règlement
s’est greffé celui de la gestion financière et médicale
des dossiers et au cours des 15 dernières années de partenaire
dans l’élaboration et l’implantation de solutions personnalisées
de retour au travail. Pour réussir il faut toutefois des partenaires
consentants et participatifs qui, malheureusement, ne sont pas toujours au rendez-vous!
Comment faire alors?
Les médecins, auparavant les décideurs principaux en assurance
invalidité, ont pris le rôle d’intervenant spécialiste,
complétant des formulaires de plus en plus complexes. Face au dire de
leurs patients sur leur état de santé physique et mentale, sur
leur capacité ou volonté de travailler, ils doivent poser un diagnostic
et identifier les meilleures thérapies tout en reconnaissant certains
critères d’admissibilité généralement imposés
par les assureurs, dont la prise de médicaments, par exemple. Malgré
des débuts de discussions entre les assureurs et les médecins,
cette problématique demeure pendante.
Pour la majorité des employeurs au prise avec un environnement d’effectifs
réduits et une législation sur la préservation de renseignements
confidentiels, la délégation de la gestion des invalidités
personnelles s’est imposée. Malgré cette impartition, l’employeur
a compris que c’est lui qui détient la clé principale du
retour au travail dont la partie la plus importante est la motivation : celle
de l’employé, mais aussi des personnes qui composent son environnement
de travail. Mais, il est plus difficile de changer les attitudes que de changer
d’assureur. Il faut une volonté partagée de tous, y compris
les syndicats, pour y arriver.
Devant une toile de fond un peu déconcertante, voici que l’encadrement
législatif vient à la rescousse pour forcer le changement d’attitude
de l’employeur. En accompagnant ce changement d’attitude d’une
autonomisation beaucoup plus grande de l’employé invalide, on obtient
ce nouveau filon autour duquel on peut articuler une transformation en profondeur
de la gestion de l’invalidité.
L’obligation d’accommodement
L’employeur a une obligation d’accommodement de l’employé
invalide dans le retour à son travail sauf s’il y a une contrainte
excessive. Cette obligation vise tous les travailleurs canadiens y compris ceux
qui sont sujets au Code canadien du travail. Il s’agit d’un accommodement
temporaire ou en permanence de l’employé « handicapé
» dans la reprise de son travail ou, selon certains juristes, d’un
autre travail. Les cours du Québec comme celles d’autres provinces
reconnaissent que le « handicap » comprend diverses pathologies,
tant les maladies objectivables que les maladies non objectivables.
L’accommodement d’un employé invalide n’est donc pas
un choix, mais une obligation que l’employeur en tant que porteur du message
et le superviseur de l’employé doit, le cas échéant,
actualiser en acceptant au travail des employés qui ont certaines limitations.
À leur tour, les compagnons de travail doivent démontrer une certaine
flexibilité et un accueil favorable envers celui dont on a modifié
les conditions de travail pour lui permettre de reprendre son emploi.
C’est l’employeur qui a le fardeau de démontrer la contrainte
excessive qu’un accommodement imposerait. On peut s’attendre à
ce que les tribunaux soient plus exigeants envers les grandes entreprises où
il existe un plus grand potentiel d’accommodement dans le travail.
Le devoir d’accommodement se traduit par des coûts additionnels.
Selon une statistique canadienne à ce sujet1, son coût se situerait
souvent en deçà de 500$. Nos recherches nous indiquent que la
fourchette de coût moyen se situerait plutôt entre 800 $ et 5 000
$ par accommodement.
L’autonomisation de l’employé
Pour que l’employé veuille retourner au travail dans un environnement
accommodant, il faut autonomiser l’employé. De manière générale,
les pratiques de gestion placent l’employé invalide au centre des
interventions : celles de l’assureur, du médecin et de l’employeur.
Il faut plutôt autonomiser l’employé et le mettre au centre
de la solution de retour au travail. Ce virage vers la responsabilisation de
l’employé s’impose d’autant plus lorsqu’il s’agit
de maladies non objectivables qui se retrouvent dans les premières causes
d’invalidité.
L’approche actuelle d’interventions est inconséquente avec
la culture organisationnelle d’autonomisation des travailleurs, essentielle
à la survie des entreprises faisant face à la globalisation des
marchés. En avantages sociaux, on responsabilise en donnant des outils,
comme, par exemple, les centres d’appel informatisés, les sites
Web des assureurs et de l’employeur, des logiciels de choix de régimes.
En gestion d’invalidité, on se partage les outils entre l’employeur,
l’assureur et les médecins.
La gestion souvent trop médicalisée des dossiers crée
un contexte où le premier concerné, c’est-à-dire
l’employé, se sent démuni quant à un quelconque rôle
à jouer autre que celui de faire ce qu’on lui demande. Ici encore,
la législation aide le virage vers l’autonomisation de l’employé.
La législation sur la protection des renseignements personnels met l’accent
sur les discussions de réadaptation sur le non médical comme les
capacités et les limitations, les habiletés à développer
ainsi que les mesures et les possibilités d’accommodement.
Dans un tel contexte, il devient impératif de mettre l’employé
au centre de la solution en le motivant à devenir partie prenante de
son retour au travail. Les autres intervenants – employeur, assureur,
médecin, syndicat – deviennent alors des ressources, des motivateurs
et des facilitateurs, tous essentiels, dans le choix et la mise en oeuvre des
solutions.
Dans plusieurs cas, l’employé récupérera son identité
professionnelle avant invalidité au moyen de mesures d’accommodement
temporaires ou permanentes. Dans d’autres cas, il s’agira d’une
identité professionnelle différente, mais plus positive et valorisante
que celle de troquer son identité de travailleur pour une identité
d’invalide.
MONIQUE GIGUÈRE est conseillère principale, Soins de santé
et assurances collectives, chez Mercer, Consultation en ressources humaines.