
Les employeurs doivent gérer une main-d’œuvre de plus en plus multiculturelle. Confrontés à de délicates demandes d’accommodements en matière de liberté religieuse, ils ne savent pas toujours comment agir. L’avocat Charles Wagner a répondu à trois questions que peuvent se poser les employeurs lors du Colloque 2017 de droit du travail et de l’emploi du cabinet Langlois.
Un employeur doit-il offrir un congé payé pour motif religieux à des employés qui en font la demande?
En vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, un individu peut assez facilement démontrer que l’on porte atteinte à un droit protégé si son employeur l’empêche de prendre un congé pour motif religieux.
« Le fardeau de la preuve repose alors sur les épaules de l’employeur, qui doit démontrer qu’accommoder l’employé représente pour lui une contrainte excessive », explique Charles Wagner. Celle-ci peut par exemple se traduire par une augmentation de coûts, une baisse de production, des problèmes de fonctionnement de l’entreprise ou encore un impact négatif d’un tel accommodement sur les autres employés.
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Considérant que la Loi sur les normes du travail prévoit une liste de jours fériés représentant des fêtes religieuses catholiques, comme le 25 décembre, un employé d’une autre confession religieuse pourrait en effet prétendre être victime de discrimination si son employeur lui refuse un congé payé pour raison religieuse.
C’est du moins ce qu’a statué la Cour suprême du Canada en 1994. Le Syndicat de l’enseignement de Champlain avait alors contesté le fait que les employés de religion juive de la Commission scolaire régionale de Chambly se soient vu accorder un congé sans traitement lors de la célébration du Yom Kippour, contrairement aux employés de religion catholique, pour qui les fêtes religieuses sont reconnues comme étant des jours de congé payés.
La Cour suprême a conclu que les employés de confession juive étaient victimes de discrimination par rapport à leurs homologues catholiques et a ordonné à l’employeur de leur verser le traitement auquel ils auraient eu droit si le jour du Yom Kippour avait été un jour férié payé.
Dans cette affaire, l’employeur n’a donc pas pu démontrer que d’accommoder les employés représentait une contrainte excessive. « Il y a beaucoup de zones grises, c’est vraiment du cas par cas », mentionne Charles Wagner.
Un employé pourrait-il demander à son employeur de lui fournir un local de prière durant les heures de travail?
« Si l’on prend pour acquis que la demande de l’employé est motivée par une croyance sincère, elle est légitime. Mais encore une fois, c’est du cas par cas », indique M. Wagner.
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Comme pour les congés distincts, il reviendra à l’employeur qui souhaite refuser l’accommodement de démontrer subir une contrainte excessive. Certains réussiront, mais pour d’autres, ce sera plus difficile.
« Par exemple, si un employeur fournit déjà des locaux pour certaines activités, il pourra difficilement démontrer que d’aménager un lieu de prière représente une contrainte excessive », souligne l’avocat, qui ajoute qu’une entreprise ne peut pas vraiment se réfugier derrière un principe de neutralité religieuse pour ne pas accommoder ses employés.
Est-ce qu’un employeur a le devoir d’accommoder un employé même si sa demande est susceptible de représenter un risque pour sa santé et sa sécurité?
Dans une telle situation, la réponse est beaucoup plus claire. « Généralement, lorsqu’il y a des enjeux de sécurité, les tribunaux reconnaissent qu’il peut y avoir une certaine atteinte aux libertés religieuses », soutient Charles Wagner.
Le Port de Montréal a ainsi eu gain de cause face à des employés sikhs qui refusaient de porter un casque protecteur lors de leurs déplacements à pied dans les terminaux portuaires.
« Dans ce cas, les employés ne faisaient pas preuve de beaucoup d’ouverture et n’ont pas proposé de solutions. Même s’il ne s’agit pas d’un facteur déterminant dans la décision, l’attitude des travailleurs peut être prise en compte par les tribunaux », précise Charles Wagner.
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