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Les organisations traversent une période tendue et conflictuelle. Une étude récente de ­Solutions ­Mieux-être ­LifeWorks a révélé qu’un travailleur sur cinq subit plus de conflits ou d’agressivité lorsqu’il interagit avec des clients ou le public. En cette troisième année de pandémie, combinant une hausse de l’inflation, un ralentissement de l’économie et les effets de la guerre en ­Ukraine, les ­Canadiens sont passés d’un état d’alerte et de compassion à un état d’épuisement et d’apathie.

Dans de telles circonstances, l’escalade des conflits devient fréquente. Un quart des employés vivent des tensions ou des conflits accrus au travail et pour près de la moitié de ceux-ci, des conflits avec des collègues en sont la cause. Les désaccords sont inévitables, néanmoins, lorsqu’ils sont correctement gérés, ils peuvent susciter des discussions constructives et alimenter la créativité et l’innovation. Cependant, quand un conflit s’envenime, il a une incidence néfaste sur la productivité au travail, la mobilisation, les relations interpersonnelles et la santé mentale. Pour atténuer les dissensions, nous devons nous concentrer sur les causes ­sous-jacentes.

Dans le cadre d’un sondage mené en avril 2022, ­LifeWorks a constaté que 46 % des travailleurs se sentaient plus sensibles au stress qu’avant la pandémie. Fondamentalement, les humains ont évolué pour réagir au stress et être prêts à combattre ou à fuir la menace. Ce mécanisme complexe est généralement autolimitant, ce qui signifie qu’une fois que la menace n’est plus présente, le corps et l’esprit reviennent à la normale. Cependant, lorsque les facteurs de stress persistent, notre système de réponse au stress reste activé et devient hypersensible. Au quotidien, cela augmente les conflits, car chaque interaction est traitée par un système cognitif qui s’apprête à répondre à une menace.

L’épuisement professionnel est une réaction à un stress excessif et prolongé. En général, il se caractérise par trois symptômes principaux : sentiment intense d’épuisement, cynisme et inefficacité au travail. Des résultats récents de l’Indice de santé mentale par ­LifeWorks ont révélé que plus de deux ­Canadiens sur cinq (42 %) se sentent mentalement et/ou physiquement épuisés lorsqu’ils quittent le travail et plus du quart (27 %) ont davantage de difficulté à se concentrer. Lorsqu’on se sent épuisé, on devient plus irritable et cynique et on a plus de difficulté à gérer les émotions négatives et à faire preuve d’empathie. Dans ces circonstances, les frictions dans les relations interpersonnelles sont souvent inévitables.

Les humains sont des êtres sociaux par nature. Pourtant, pendant une grande partie des deux dernières années, des restrictions et un isolement physique ont été mis en place. Il existe un ensemble de recherches robustes sur l’incidence psychologique de l’isolement, provenant principalement de l’épidémie de ­SRAS de 2003 et de l’épidémie d’Ebola de 2014, qui montrent que pendant des périodes de quarantaine aussi courtes que 10 jours, des conséquences psychologiques négatives importantes s’installent et peuvent avoir des effets durables. Après de telles périodes de restriction, certains continuent d’adopter des comportements d’évitement. Une autre étude de ­LifeWorks a montré que 66 % des travailleurs canadiens sont à l’aise avec moins d’interaction sociale qu’avant la pandémie, renforçant ainsi l’effet de la privation sociale. Il en résulte une population repliée sur ­elle-même, ­irascible et moins flexible dans ses interactions, engendrant des réponses interpersonnelles inadaptées et ouvrant la voie à une augmentation des conflits.

Pour favoriser une saine gestion de conflit, les dirigeants et les organisations doivent cibler les facteurs de risque. De solides relations avec les pairs renforcent la résilience et améliorent le ­mieux-être mental, la mobilisation et la productivité. Créer intentionnellement des occasions de socialisation en privilégiant certaines réunions en personne pour les employés et les dirigeants est essentiel afin d’aider à briser le cycle des comportements d’évitement.

Il est important d’outiller adéquatement les gestionnaires pour qu’ils puissent reconnaître les premiers signes d’épuisement professionnel et de problèmes de santé mentale, autant chez ­eux-mêmes que chez leurs employés. La littératie en santé mentale n’est pas seulement une question de connaissances. Elle réduit aussi la stigmatisation et facilite l’obtention du soutien requis.

Les conflits sont naturels et inévitables lorsque des personnes d’horizons variés, ayant des perspectives différentes, travaillent côte à côte. Cependant, les circonstances ­socio-économiques actuelles ont exacerbé plusieurs facteurs de risque, ce qui a entraîné une augmentation des accrochages au travail. C’est en s’attaquant à ces facteurs de risque que les organisations auront l’occasion de promouvoir un milieu de travail psychologiquement sécuritaire où les conflits sont gérés sainement.


• Ce texte a été publié dans l’édition de décembre 2022 du magazine Avantages.
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