Plus qu'une simple perte de cheveux, l'alopécie areata, ou la pelade, est une maladie auto-immune qui peut avoir une incidence importante sur la santé psychologique des personnes qui en sont atteintes, comme en témoigne le récit de Geneviève Brault, qui vit avec la maladie depuis son enfance. Le Dr Julio Jasso, dermatologue, accompagne pour sa part des patients comme Geneviève qui souffrent de pelade.
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J’ai fait un cheminement personnel et j’ai décidé d’aller davantage vers l’acceptation de ma condition.
— Geneviève Brault
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Dr Jasso, comment se manifeste la pelade ?
L’alopécie, ou la pelade, est une maladie auto-immune qui entraîne la perte de cheveux sous forme de plaques arrondies, plus ou moins de la taille d’une pièce de deux dollars. La majorité des personnes atteintes, environ 70 %, vont présenter une ou deux plaques. On parle de pelade sévère lorsque la maladie entraîne la perte de plus de 50 % du cuir chevelu. Les sourcils, les cils et les autres poils du corps peuvent aussi être touchés. La plupart des gens atteints ne vont avoir qu’un ou deux épisodes de pelade au cours de leur vie, mais certaines personnes vont développer une forme plus chronique.
Geneviève, depuis quand êtes-vous atteinte de pelade et comment la maladie a-t-elle évolué ?
La maladie a commencé avec une petite plaque derrière la tête à l’âge de neuf ans, puis a rapidement évolué en pelade universelle. J’ai perdu tous mes cheveux, ainsi que mes sourcils et mes cils. Autour de l’âge de 12 ans, mes cheveux ont commencé à repousser, mais j’avais encore des plaques. Pendant tout mon secondaire, j’ai caché ma pelade avec des coiffures, des rallonges, des bandeaux. Il y a quelques années, ma pelade a progressé et j’avais beaucoup plus de plaques difficiles à cacher. J’ai fait un cheminement personnel et j’ai décidé d’aller davantage vers l’acceptation de ma condition. Il y a un peu plus d’un an, j’ai décidé de me raser complètement.
Comment la maladie a-t-elle affecté vos études, votre carrière et votre vie en général ?
À un jeune âge, tu es en plein développement de ton identité et de ton estime de soi. Perdre ses cheveux c’est très difficile. Quand je suis arrivée au secondaire, je me sentais moins attirante, tu as toujours l’impression que les autres te regardent. Tout ça a une incidence sur tes relations sociales. Tu penses constamment à la façon de camoufler ta pelade, comment replacer tes cheveux s’il y a un coup de vent, par exemple. À la piscine, soit je ne me mouille pas les cheveux, ou bien j’explique à l’avance aux gens avec qui je suis à l’aise qu’ils vont voir des trous dans ma chevelure, c’est normal ! Arrivée dans la trentaine, lorsque j’ai décidé de me raser, j’ai quand même préféré porter une perruque au travail pendant un certain temps pour éviter qu’on me pose des questions.
Dr Jasso, quelles sont les options de traitement disponibles ?
Cela dépend de la gravité de la maladie. Si la perte de cheveux est de moins de 50 %, on va se tourner vers un traitement topique ou une injection dans le cuir chevelu, généralement de la cortisone. Pour les cas plus sévères, on peut prescrire des immunosuppresseurs sous forme orale. Les anciennes molécules ont un taux de réponse (proportion selon laquelle un médicament fonctionne pour les patients) plus bas, alors que de nouveaux traitements permettent d’obtenir un taux de réponse plus élevé. Le problème, c’est que ces traitements sont assez chers, et que le régime public d’assurance médicaments du Québec ne couvre aucun médicament contre la perte de cheveux, peu importe la cause. Au niveau des régimes privés, la couverture est inégale malgré les besoins en matière d’accès aux traitements. Les dermatologues, nous ne sommes pas d’accord avec ça.
Geneviève, de votre point de vue, que pourraient faire les employeurs pour mieux soutenir leurs employés atteints de pelade ?
Je leur dirais de s’informer sur la maladie et d’accepter que toutes les personnes atteintes ne soient pas à la même étape de leur cheminement. Certaines vont préférer ne pas en parler, cacher leur pelade, alors que d’autres vont être plus ouvertes à aborder le sujet. Parfois, assouplir les codes vestimentaires pour permettre par exemple le port de chapeaux ou de bandeaux sur le lieu de travail pourrait aider. Certaines personnes atteintes de pelade ont régulièrement des rendez-vous avec un dermatologue, donc être flexible du point de vue des absences et des congés de maladie est aussi bénéfique.
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