Après les décennies de hauts taux de rendement et d’excédents d’actifs des années 1980 et 1990, le retour du balancier s’est fait sentir au début des années 2000. Le réveil a été pour plusieurs, assez brutal. Finie la période où des améliorations pouvaient être consenties sans avoir à financer la valeur de ces améliorations par des cotisations additionnelles, que ce soit du promoteur seulement ou combiné avec des cotisations additionnelles des employés. L’utilisation des excédents d’actif pour couvrir les cotisations requises du promoteur, et dans certains cas des employés, a également rapidement pris fin.

Les rendements au début des années 2000 ont été fort décevants mais, c’est principalement à la baisse des taux d’intérêt que l’on doit ce changement de situation marqué par une hausse fort appréciable des cotisations requises au financement de ces régimes. Certains prétendront qu’une meilleure gestion des excédents d’actif durant ces années aurait été nécessaire, mais là n’est pas l’unique constat à effectuer.

Compte tenu de l’asymétrie du traitement des excédents d’actif et des déficits, les promoteurs de ces régimes avaient peu d’incitatifs à capitaliser de façon plus prudente leurs régimes. Dans certains cas, cela s’est même traduit par une politique de placements qui ne s’arrimait pas véritablement aux engagements du régime. De plus, les restrictions imposées en vertu de la loi de l’impôt ont forcé les promoteurs à utiliser ces excédents d’actif, que ce soit pour des améliorations au régime ou pour couvrir la cotisation d’exercice.

Une situation alarmante
Bien entendu, la situation actuelle est également préoccupante pour les participants de ces régimes. La sécurité de leurs prestations est au cœur du constat actuel. Selon les résultats présentés par la Régie des rentes du Québec dans le cadre du document de consultation Vers un meilleur financement des régimes de retraite à prestations déterminées, on y dénote que près du deux tiers des régimes montrent, en date du 31 décembre 2002, un déficit de solvabilité; une situation qui ne s’est pas améliorée depuis.

Quoique personne ne puisse remettre en question les buts visés par cette revue des différents critères entourant le financement de ces régimes et la sécurité des prestations, les mesures proposées dans le projet de Loi 30 du Québec sauront-elles vraiment répondre à la problématique actuelle?

Du côté des participants, certains pourraient voir d’un bon œil l’option proposée aux nouveaux participants retraités, à savoir le règlement complet de leurs prestations par le biais d’un achat de rente auprès d’une compagnie d’assurance. Cette option s’avèrera toutefois plus dispendieuse pour un promoteur, tout en risquant de pénaliser le participant puisque, de façon pratique, il ne pourra plus bénéficier des ajustements ponctuels apportés au niveau des rentes du régime. De façon similaire, les participants pourront s’objecter, pour des considérations d’équité, à la mise en place de modifications financées à même des excédents d’actif. Cette intervention dans les règles actuelles en matière de modifications contractuelles n’incitera pas les promoteurs à financer plus rapidement les déficits. Elle pourrait même freiner les améliorations futures à ces régimes.

On ne peut être en désaccord avec la constitution d’une provision pour écarts défavorables. Il faudrait toutefois mettre un mécanisme en place afin de permettre aux promoteurs d’avoir accès à cette provision si celle-ci ne s’avère plus nécessaire, que ce soit en cours d’existence ou à la cessation du régime.

De façon pratique, l’utilisation d’une lettre de crédit est le seul moyen permettant de réduire l’impact des cotisations d’équilibre requises pour financer les déficits de solvabilité, et ainsi d’atténuer l’impact de l’asymétrie. Pourquoi ne pas permettre l’utilisation d’un tel recours jusqu’à concurrence de 25 % du passif de solvabilité? Il faut toutefois admettre que cette avenue peut s’avérer dispendieuse pour certains promoteurs. Alors un allongement de la période d’amortissement des déficits de solvabilité amènerait un véritable répit aux promoteurs dans les périodes difficiles. Par contre, on ne retrouve rien à cet effet dans le projet de loi.

Le calme avant la tempête?
D’ici la mise en place en 2010 des mesures proposées dans le projet de Loi 30, on pourrait, compte tenu du niveau relativement bas des taux d’intérêt actuels et du maintien de ces taux à un niveau relativement stable, s’attendre à ce qu’une grande partie des déficits de solvabilité aura alors été financée.

Une légère hausse des taux d’intérêt amènerait une bouffée d’air frais à la situation financière de ces régimes. Mais une fois que les déficits de solvabilité auront été financés, assisterons-nous à une nouvelle vague de conversion ou de terminaison des régimes à prestations déterminées et leur remplacement par des régimes à cotisations déterminées?

Des mesures intéressantes ont été mises en avant dans le projet de Loi 30, mais un régime de retraite à prestations déterminées sera toujours sujet aux pressions externes et à la variabilité de ses coûts. À ce chapitre, les régimes à cotisations déterminées ont un net avantage, mais au prix d’un plus grand transfert de risque, autant économique que démographique, auprès des participants. De fait, c’est tout l’aspect du contrat spécifiant les modalités des prestations offertes, dans le cadre d’un régime de retraite à prestations déterminées, qui devrait prévaloir. La loi devrait reconnaître que les parties peuvent s’entendre entre elles en autant que les prestations promises sont capitalisées en tout temps.

Claude Delorme f.i.c.a., f.s.a. est expert en régimes de retraite chez ACS et Conseillers Buck, une société d’ACS, à Montréal.