
Vous connaissez probablement la célèbre photographie de Charles Clyde Ebbetts : Lunch atop a Skyscraper. Prise lors de la construction du Rockefeller Center à New York au début des années 1930, elle montre onze ouvriers assis sur une poutre en train de déjeuner à 250 mètres du sol sans la moindre sécurité. À l’arrière-plan, on aperçoit les autres édifices ainsi que Central Park, qui témoignent de la hauteur de l’immeuble.
De toutes les villes du monde, la Grosse Pomme est peut-être celle qui a le mieux représenté l’image de l’espace de travail du 20e siècle : d’interminables rangées de postes occupant tout un étage d’un gratte-ciel. Les grands chefs et d’autres dirigeants chanceux avaient des bureaux fermés situés, bien entendu, aux étages supérieurs de l’édifice.
Ce temps est révolu. Il semble y avoir une préférence de plus en plus marquée pour le concept d’espace ouvert pour l’ensemble des travailleurs, y compris les équipes de gestion. On parle aussi de hotdesking, ces environnements où personne n’a de poste de travail assigné; les travailleurs s’installent simplement là où il y a de la place, se branchent au réseau avec leur appareil sans fil et c’est parti pour la journée de travail.
Les défenseurs de cette manière de s’organiser affirmeront peut-être qu’on n’a plus besoin d’accumuler les dossiers sur nos bureaux et que ces environnements facilitent un meilleur échange d’idées. Ses opposants estiment probablement quant à eux qu’un travailleur doit pouvoir se concentrer davantage sur le travail à accomplir dans un espace fermé, les distractions étant moindres. Au bout du compte, il semble clair qu’il ne suffit pas de choisir son espace de travail dans un catalogue d’IKEA; le milieu de travail doit être planifié et évalué en fonction des besoins et de la réalité de l’organisation. Et, tout aussi important, de ceux des employés.
Sur ce point, un récent document de la firme Deloitte, L’avenir du travail – guide de réorientation, offre quelques observations intéressantes sur la vision des employés de différentes générations quant au type d’entreprise au sein duquel ils souhaitent évoluer. Les employés de la génération Y accordent plus d’importance à la notion de « lieu de travail agréable » que ceux des autres générations. Peut-être sans surprise, ces derniers ont tendance à préférer un bureau fermé, mais l’écart n’est pas énorme : 62 % par rapport à 54 % pour les travailleurs de la génération Y.
Malgré la fréquence des échanges virtuels, soulignons que le contact direct plaît toujours, peu importe l’âge du travailleur. Sur le plan des rencontres, toutefois, on note une nette différence. Le tiers de la génération Y estime que les réunions planifiées représentent un moyen à privilégier, par rapport à 55 % des travailleurs des autres générations. Les jeunes, eux, choisiront davantage des rencontres informelles pour échanger des idées.
Finalement, fait plutôt intéressant : c’est à peine plus d’un travailleur sur dix, toutes générations confondues, qui voudrait un bureau à domicile. Bien que le télétravail ne cesse de gagner en popularité, il semble qu’on aime toujours « aller travailler », ne serait-ce que pour l’interaction sociale et professionnelle.
Le constat principal du rapport de Deloitte est peut-être que les travailleurs des différents groupes d’âge ne sont pas si différents les uns des autres. Il existe certaines divergences dans la façon de se comporter au bureau, mais les motivations demeurent comparables. La perception de la générosité des avantages sociaux, par exemple, est sensiblement la même chez les Y et les autres générations. Même chose pour la qualité des outils de travail que fournissent les employeurs. Après tout, si on va luncher sur un gratte-ciel aujourd’hui, on risque d’exiger un harnais de sécurité, qu’on ait 17 ou 70 ans.
À lire : Billet : Qui aime sa job?