Simeon Goldstein, rédacteur en chef, Avantages

En mars dernier, le Journal de Montréal publiait un texte sur « l’immense plaisir » ressenti par une employée de Revenu Québec qui allait recevoir son plein salaire pendant 13 mois de préretraite. La fonctionnaire aurait accumulé plus de 200 journées de congé de maladie et de nombreux jours de vacances, ce qui lui permettrait de ne pas se présenter au bureau pendant plus d’un an, tout en recevant sa pleine rémunération. La belle vie, quoi !

Les réactions ne se sont pas fait attendre. On s’est plaint, entre autres, du fossé entre la réalité des travailleurs des secteurs public et privé et, en ces temps d’austérité, du fait qu’on maintienne le cumul des congés de maladie dans certains postes de la fonction publique pendant que dans d’autres services, les coupes se multiplient. Il y a sûrement des sentiments de jalousie derrière bon nombre des commentaires, même les plus rationnels. Car qui n’a pas envie, par une journée grise de fin d’hiver, de faire ses valises pour un voyage en Europe ou de dévaler des pistes de ski plutôt que d’être assis dans son fauteuil au bureau ?

Soulignons que l’employée a simplement profité de ses conditions de travail – et de la convention collective – en vigueur. Elle était alors en droit de partir en préretraite. On peut certes discuter du besoin de remettre en question ces acquis dont bénéficient certains employés de l’État. Mais, qu’on soit d’accord ou non, la possibilité d’accumuler les congés de maladie rémunérés s’inscrit dans une logique de rémunération globale.

Pour le Britannique que je suis, l’une des différences les plus importantes entre les cultures professionnelles nord-américaine et européenne est certainement le nombre plus restreint de journées de vacances annuelles auxquelles l’employé moyen a droit.

Selon un classement du journal français Le Figaro publié en 2014 à partir de données de Mercer, le Canada se trouverait au 62e rang sur le plan des congés annuels et jours fériés, à raison d’une moyenne de 19 jours par an (pour la petite histoire, c’est Malte et l’Autriche qui remportent la palme avec 38 jours chacun).

Ainsi, il n’est guère surprenant que nombre d’employés canadiens puissent considérer que les congés de maladie constituent une bonification de leurs vacances. Si le compte est remis à zéro tous les 12 mois, on voudrait alors en utiliser la totalité dans l’année, qu’on soit malade ou non.

L’absentéisme représente certes un défi important pour les entreprises. Que ce soit pour des raisons de productivité ou de dépenses liées à la santé des employés, il serait utile de mettre fin à l’idée que l’employé « a droit » à un nombre de congés de maladie chaque année. Un régime flexible d’assurance collective permettrait éventuellement de mieux combler les attentes des effectifs à cet égard.

Pourtant, même ceux dont les congés de maladie ne sont pas rémunérés peuvent ne pas se présenter au poste par simple manque de motivation. On sait bien que le bonheur professionnel ne se limite pas à gagner un salaire et bénéficier d’un bon régime d’avantages sociaux; il faut également que le travail nous comble au plan personnel. Sans doute l’employé doit-il assumer une partie de la responsabilité quant à sa satisfaction et à sa bonne santé mentale au travail, en ne restant pas dans un poste qui ne lui correspond pas.

Mais l’entreprise peut elle aussi jouer un rôle. Les évaluations annuelles, ainsi que des rencontres régulières, constituent de belles occasions pour les gestionnaires de comprendre les objectifs – et de jauger le moral – de ceux qui sont placés sous leur supervision.

Un suivi efficace des absences permettrait également de s’informer sur les raisons sous-jacentes qui les provoquent. On cernerait ainsi les changements nécessaires à apporter ou si, éventuellement, il est temps pour les deux parties de se séparer.

L’employé qui constate que son employeur s’intéresse à son sort et modifie son environnement pour l’accommoder, risque de contribuer davantage au succès de l’entreprise et de s’absenter moins. Après tout, qui aime le plus son emploi ? Celle qui arrive à conserver ses congés de maladie rémunérés pendant toute une carrière ou celui qui s’absente plusieurs fois par année malgré le fait que cela suppose une baisse de salaire ? Poser la question, c’est y répondre.

Simeon Goldstein est rédacteur en chef de la revue Avantages. Contactez-le par courriel à simeon.goldstein@avantages.rogers.com