NOUS SOMMES AUJOURD’HUI inondés d’informations sur les
déficits des régimes de retraite, autant que nous l’étions
hier à propos des scandales financiers des grandes entreprises. Ces deux
éléments créent un contexte propice à l’augmentation
des réclamations entourant les régimes de retraite, se traduisant
par une hausse des primes d’assurance responsabilité des membres
de comités de retraite au Québec.
Ayant entraîné la majorité des régimes de retraite
vers une situation déficitaire, le contexte économique actuel
pourrait créer un climat d’insatisfaction chez certains participants.
Par exemple, cette situation pourrait mener à une diminution des prestations
pour les années futures ou simplement à un report d’améliorations
au régime, auparavant régulières, telle l’indexation
des rentes en service. Les scandales financiers des dernières années,
pour leur part, ont entraîné une perte de confiance et créé
de nouvelles attentes à l’égard de la transparence et de
la structure de gouvernance.
En écho à ces facteurs dans le marché de l’assurance
responsabilité, les membres de comités de retraite ont déjà
contaté une hausse des primes d’assurance et on s’attend
à ce que celle-ci se poursuive. Plusieurs comités sont présentement
à la recherche de solutions afin de limiter ces augmentations. Mais avant
de se questionner sur des solutions possibles, il est important de bien comprendre
le rôle des comités de retraite et le contexte légal les
entourant.
Au Québec1, la Loi sur les régimes complémentaires de
retraite prévoit la constitution d’un comité responsable
de l’administration d’un régime enregistré et précise
les rôles et responsabilités pour le comité et ses membres.
Chacun des membres du comité a une responsabilité fiduciaire envers
les participants du régime prudence, diligence et compétence,
dans le meilleur intérêt de l’ensemble des participants,
sont de mise.
Il est donc fortement recommandé qu’un comité de retraite
souscrive une police d’assurance responsabilité civile pour les
fiduciaires, afin de protéger le comité et chacun de ses membres
pour leurs actes, erreurs ou omissions dans l’exercice de leurs fonctions.
Lorsque l’on pense aux poursuites qui pourraient être intentées
contre un comité de retraite, la liste est longue. Prenons l’exemple
d’un régime à prestations déterminées qui
était en situation de surplus au 1er janvier 2001 et pour lequel l’employeur
a pris des congés de cotisations au cours des années suivantes.
Au 1er janvier 2004, un important déficit est observé pour ce
régime. Une poursuite pourrait être intentée contre le comité,
alléguant que ce dernier n’a pas effectué un suivi adéquat
de la situation financière du régime, compte tenu du contexte
économique particulier.
Des inquiétudes peuvent aussi survenir face à des réclamations
potentielles pour les régimes à cotisation déterminée.
Puisque les participants de ces régimes assument directement les risques
liés aux investissements, un manque d’information et d’éducation
pourrait se traduire par des réclamations, dans un contexte où
les rendements réalisés ont été inférieurs
à leurs attentes.
Des poursuites pourraient aussi être intentées contre des comités
de retraite en raison de l’interprétation des dispositions du régime.
Mauvaise gestion de la caisse de retraite, mauvais choix des mandataires et
délégataires, conseils inappropriés prodigués aux
participants, etc., on peut imaginer plusieurs situations conflictuelles liées
à l’administration des régimes de retraite.
Même si de nombreuses situations peuvent donner lieu à des poursuites,
il faut garder à l’esprit qu’un comité de retraite
a une responsabilité fiduciaire envers le régime et ses participants,
et qu’il doit donc y avoir un manquement fiduciaire du comité pour
justifier une poursuite. En d’autres mots, le comité doit a une
obligation de moyens et non de résultats face à l’administration
du régime.
Récemment, certaines poursuites concernant les régimes de retraite
ont été fortement médiatisées. Ce qui est moins
connu, mais tout aussi actuel, est le problème rencontré par plusieurs
comités en ce qui a trait à leur couverture d’assurance
: plusieurs assureurs réagissent au présent contexte en augmentant
les primes et les franchises ou en réduisant les limites d’assurance.
Certains assureurs se sont même retirés du marché de l’assurance
responsabilité fiduciaire.
Bien qu’extrêmes, certaines situations démontrent l’ampleur
du problème. À titre d’exemple, le comité de retraite
du régime d’une compagnie québécoise en difficulté
financière importante a vu sa prime augmenter, lors du renouvellement
de son assurance responsabilité, de 1 500 $ à 65 000 $. Aucun
autre assureur n’a accepté de soumissionner pour cette couverture.
On comprend que les difficultés financières de l’entreprise
font de cet exemple un cas particulier, mais il faut aussi savoir que le comité
impliqué n’a, en aucun cas, laissé croire à unquelconque
manquement fiduciaire. Cette situation porte à réfléchir,
puisque les membres de comités auront besoin d’une couverture d’assurance
lorsque l’entreprise rencontrera des difficultés financières
pouvant avoir des impacts sur leurs régimes de retraite.
Ceci amène les comités de retraite à se questionner sur
leurs besoins en matière d’assurance responsabilité. Ces
besoins varient grandement d’un comité à un autre, selon
la taille du régime, le secteur d’activité, la maturité
du régime ou le niveau d’implication du comité. Un courtier
d’assurance devrait aider les comités à évaluer leurs
besoins.
Si les besoins d’assurance responsabilité des comités diffèrent,
le contenu de leurs polices varie tout autant. Par exemple, certains comités
sont couverts en vertu de la police d’assurance de l’entreprise
parrainant le régime, alors que d’autres comités ont leur
propre police d’assurance. Il devient alors essentiel pour les comités
de retraite de bien comprendre chacune des clauses de leur police et de les
comparer, sans s’arrêter uniquement aux primes exigées par
les assureurs. Voici des éléments qui méritent d’être
soulignés :
Les polices d’assurance responsabilité fiduciaire sont généralement
souscrites sur base de réclamation, ce qui signifie qu’elles couvrent
les réclamations présentées à l’assuré
et à l’assureur au cours de la période d’assurance.
Il faut donc être prudent avant de mettre fin à une couverture,
puisque toute réclamation qui surviendrait après la période
d’assurance ne serait pas couverte, même si elle fait référence
à des événements survenus au cours de la période
de couverture.
Il importe de veiller à ce que tous les membres du comité soient
couverts de façon individuelle. En effet, une poursuite pourrait être
intentée non seulement envers le comité, mais aussi à l’égard
d’un membre, puisque tous les membres d’un comité de retraite
sont solidairement responsables des décisions prises par le comité.
Ceci est particulièrement important pour la police d’assurance
d’une entreprise pour laquelle le tiers indépendant et le membre
représentant les retraités et les bénéficiaires
pourraient ne pas être couverts, ces derniers n’étant pas
des employés de l’entreprise.
La prime d’assurance peut être payée par la caisse de retraite
à titre de dépense d’administration, si le régime
le permet. Cependant, aucune franchise ne peut être payée de la
caisse de retraite pour les régimes enregistrés au Québec.
Si des participants poursuivaient un comité, il serait inadéquat
que ce dernier utilise leur caisse de retraite afin de défrayer une franchise
requise.
Les comités de retraite doivent se questionner sur la valeur de leur
couverture et la pertinence de leur police d’assurance. Par exemple, plusieurs
exclusions ont récemment été ajoutées aux contrats
d’assurance, notamment à l’égard des réclamations
entourant l’utilisation des surplus actuariels, les fusions ou les terminaisons
de régimes. Ces exclusions comportent des clauses vagues pouvant limiter
la protection du comité. Certains comités qui ont questionné
des assureurs quant à la portée de ces exclusions ont été
découragés de voir à quel point ces clauses semblent nébuleuses,
même pour les compagnies d’assurance qui ne peuvent définir
les situations couvertes ou non.
Lorsque l’on constate les lacunes actuelles en matière d’assurance
responsabilité, il importe de se pencher vers des sources complémentaires
de protection. Les comités pourront tout d’abord chercher à
se protéger au moyen d’outils contractuels, tels les actes de délégation
et les conventions d’indemnisation2. Certes, ces outils de protection
sont importants pour les comités de retraite. Cependant, il importe de
mettre l’accent sur des éléments de protection liés
à une réduction des risques plutôt qu’à un
transfert de responsabilités. En ce sens, la meilleure assurance est
avant tout l’élimination des riques de réclamation.
Vers une réduction des risques
L’établissement d’une structure de gouvernance solide permettra
de réduire les risques associés au manquement fiduciaire. On peut
définir la gouvernance comme l’ensemble de la structure et des
processus établis pour administrer et superviser le régime de
façon à garantir le respect des obligations, fiduciaires et autres,
à l’égard du régime. En établissant des mécanismes
de contrôle précis, une saine gouvernance favorisera la prise de
décisions éclairées par le comité et démontrera
sa diligence, ce qui contribuera à réduire les risques de réclamation.
Une bonne structure de gouvernance devrait du même coup entraîner
une réduction des primes d’assurance responsabilité.
Dans le même esprit, des lignes directrices ont été publiées
dans le but d’aider les administrateurs à s’acquitter de
leurs responsabilités. Que l’on parle des lignes directrices sur
la gouvernance des régimes de retraite ou de celles pour les régimes
de capitalisation, les comités de retraite ont tout intérêt
à s’y conformer. Ces mesures leur assureront une réduction
des risques de manquement fiduciaire, sans oublier qu’il sera difficile
pour un comité de justifier qu’il ne s’y soit pas conformé,
advenant une poursuite.
Enfin, un élément important de réduction des risques pour
un comité de retraite réside dans une bonne compréhension
du contexte, des enjeux et du rôle d’administrateur. Une connaissance
approfondie de ces trois éléments guidera le comité dans
sa prise de décisions et la pertinence de ses actions.
Bien que les couvertures d’assurance responsabilité, actes de
délégation et conventions d’indemnisation constituent des
outils de protection importants pour les comités de retraite, une transparence
administrative et une saine gouvernance demeureront les meilleurs alliés
des comités
.KATIE TRAHAN est conseillère principale chez Normandin Beaudry.