Plus la durée des mesures de confinement mis en place pour lutter contre la COVID-19 sera longue, plus les dommages sur l’économie seront importants, estiment les économistes membres de l’Association des économistes québécois.

Selon un sondage mené en collaboration avec Raymond Chabot Grant Thornton, 68,9 % des économistes interrogés estiment que des dommages importants et permanents, comme la fermeture définitive d’entreprises, pourraient survenir si l’arrêt des activités économiques non essentielles dure de deux à trois mois. Un mois après l’arrêt décrété par le gouvernement du Québec, 21 % des répondants considèrent que les dommages sont déjà importants et seront permanents sur l’économie.

Les répondants croient néanmoins que les gouvernements ont réagi correctement à la situation en mettant sur pied une foule de mesures pour contrer les effets négatifs de la pandémie sur l’économie. Ces derniers considèrent dans une proportion de 64,2 % qu’elles ont été suffisantes, compte tenu des circonstances, mais qu’elles ne permettront pas d’éviter les dommages importants et permanents à l’économie.

Moins de 10 % des répondants considèrent les mesures comme étant mal ciblées ou mal adaptées à la situation ou encore d’une ampleur totalement exagérée. Enfin, les économistes s’appuient fortement (66,9 % des répondants) sur la décision des responsables de la Santé publique pour permettre aux entreprises de reprendre leurs activités.

Malgré le fait qu’il est actuellement difficile de prévoir l’évolution de la pandémie au cours des prochaines semaines ou mois, tant ici que dans le reste du monde, 39,2 % des répondants croient que l’économie du Québec retrouvera graduellement son niveau d’avant la pandémie en moins d’un an, même si une proportion importante (38,5 % répondants) croit que l’économie restera plutôt stagnante pendant deux à trois trimestres après la forte contraction. Ces derniers sont aussi d’avis que la reprise de l’activité économique mondiale (28,4 %), l’accélération des investissements en infrastructures (21,6 %) et, dans une moindre mesure, un programme d’incitation à l’investissement pour les entreprises (14,2 %) sont les éléments qui assureront une reprise rapide de l’économie.

À la sortie de la crise, tous les agents économiques seront lourdement endettés, ce qui pèsera sur le potentiel de croissance. Pour ce qui est des gouvernements, l’endettement accru pourrait se traduire par des effets négatifs sur la fourniture des services futurs ou sur le fardeau fiscal des contribuables. Un recul de la mondialisation des échanges pourrait également être une conséquence notable de la pandémie. Dans un contexte où les exportations internationales représentent environ 28 % de son PIB, cela représente un grand défi pour le Québec.

« Les résultats du sondage montrent que l’économie du Québec pourrait stagner pendant un ou deux trimestres après une forte contraction et subir probablement des dommages importants et permanents, explique Yves St-Maurice, président du Comité des politiques publiques de l’Association des économiques québécois. Toutefois, il y a lieu de rester optimiste car plusieurs répondants croient que l’économie reviendra à son niveau d’avant crise en moins d’un an. »

Parmi ces personnes plus optimistes, il y a les analystes financiers membres de CFA Montréal. La majorité (60 %) d’entre eux estiment que la récession devrait durer moins d’un an au Canada et 57 % arrivent à la même conclusion pour ce qui est de la récession aux États-Unis, selon un sondage mené par l’association.

« Les résultats du sondage confirment que le secteur financier demeure très actif avec près de 80 % de nos membres en télétravail à temps plein en raison de la pandémie. Même si ceux-ci pensent qu’il est peu probable que le Canada expérimente une déflation comme l’a déjà vécue le Japon, près de la moitié de nos membres vont tout de même revoir leurs pratiques, que ce soit en gestion de risque, en répartition d’actifs ou en rééquilibrage de portefeuille », précise Carl Robert, président de CFA Montréal.

Selon les répondants au sondage, les actions dans les secteurs de la technologie de l’information (46 %), des soins de la santé (41 %), du secteur financier (35 %) et de la consommation de base (31 %) seront les plus attrayantes à court terme. Toutefois, les actifs dans les catégories de l’immobilier (35 %), des marchés obligataires (33 %), des placements privés (30 %) et des fonds de couverture (26 %) risquent de subir les effets les plus négatifs de cette crise à long terme.

Par ailleurs, plus de 78 % des répondants estiment que le marché boursier américain ne récupérera pas sa perte actuelle avant 12 à 24 mois. La plupart des CFA (72 %) anticipent que les meilleures occasions à saisir à court terme sont dans les marchés boursiers, suivis des marchés obligataires (27 %) et des devises (22 %). Selon les prévisions des répondants, l’Asie sortira plus rapidement de la récession mondiale (65 %) et sera suivie par l’Amérique du Nord (34 %).

L’inflation chute

La cadence annuelle de l’inflation au Canada a enregistré sa plus forte baisse mensuelle en plus d’une décennie, reculant sous la barre de 1 % en mars, alors que le prix du pétrole s’effondrait et que l’économie subissait les premiers contrecoups de la pandémie de COVID-19.

L’indice des prix à la consommation a grimpé de 0,9 % en mars par rapport au même mois l’an dernier, a précisé l’agence fédérale, connaissant sa plus faible augmentation d’une année à l’autre depuis mai 2015, qui avait également été une période de faiblesse pour les prix du pétrole.

La baisse de mars par rapport à l’augmentation annuelle de 2,2 % de février était la plus prononcée depuis septembre 2006.

Les économistes s’attendaient en moyenne à une inflation annuelle de 1,2 % pour mars, selon les prévisions recueillies par la firme de données financières Refinitiv.

L’économiste en chef de la Banque de Montréal, Douglas Porter, a souligné que le ralentissement au Canada était plus important que dans certaines autres grandes économies, dont les États-Unis et le Royaume-Uni.

« L’inflation canadienne a fortement freiné au début des fermetures », a écrit M. Porter dans un rapport.

Selon l’économiste, il faut s’attendre à ce que l’inflation ralentisse encore plus dans les mois à venir avec « un séjour vraisemblablement en territoire négatif pendant une courte période de temps non définie ».

L’économie s’est immobilisée le mois dernier, les gouvernements ayant ordonné la fermeture d’entreprises non essentielles dans le but de ralentir la propagation de la COVID-19.

Les données sur l’inflation font suite au rapport sur le marché de l’emploi du mois de mars, dévoilé plus tôt ce mois-ci, qui indiquait que l’économie avait perdu plus d’un million d’emplois le mois dernier.

Selon une estimation préliminaire de Statistique Canada, l’économie se serait contractée de 9,0 % en mars, un recul inédit.

« L’inflation est la moindre des préoccupations de quiconque en ce moment, mais il est à noter que la fermeture obligatoire de vastes pans de l’économie fin mars a un effet profond sur la croissance des prix », a observé James Marple, économiste principal de la Banque TD.

« Il s’agit d’une nouvelle série de données montrant des variations sans précédent et qui continueront de le faire au moins pendant le mois d’avril. »

Les prix de l’énergie ont chuté de 11,6 % d’une année sur l’autre en mars, enregistrant leur diminution mensuelle la plus marquée depuis novembre 2008.

Statistique Canada a indiqué que les conducteurs ont payé 21,2 % de moins pour l’essence par rapport à mars 2019, en raison des bas prix du pétrole brut, qui ont également entraîné une baisse de 9,5 % du prix du mazout et d’autres combustibles et une baisse de 18,5 % du prix du carburant, des pièces et des accessoires pour véhicules de loisirs.

Dans un rapport distinct, la Régie de l’énergie du Canada a indiqué que les prix hebdomadaires moyens de l’essence au Canada étaient tombés à 80,2 cents le litre le 21 avril.

Dans l’ensemble, a-t-elle indiqué, les prix à la pompe ont baissé de 27 % au cours des six dernières semaines, enregistrant leur plus forte baisse sur six semaines depuis 2008.

En excluant le secteur de l’énergie, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 1,7 % en mars, a précisé Statistique Canada.

La moyenne des trois mesures canadiennes de l’inflation sous-jacente, qui sont considérées comme de meilleurs indicateurs des pressions sous-jacentes sur les prix et sont étroitement suivies par la Banque du Canada, a atteint 1,83 % en mars, contre 1,97 % en février.